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Une révolution électorale en… 2019

Le PDI-P et le Golkar peuvent se réjouir. Les deux partis, annoncés grands favoris aux élections législatives du 9 avril prochain, n’auront pas à changer leurs plans dès cette année. Les élections générales de 2014 devraient appliquer les mêmes règles que ces dix dernières années : l’élection présidentielle ne pourra avoir lieu que trois mois minimum après les élections législatives et seuls les partis ou coalitions de partis ayant obtenu 25% des votes aux législatives ou 20% des sièges à l’Assemblée pourront y présenter un candidat. Cette règle a jusqu’à maintenant assuré aux grands partis le monopole des candidats à l’élection présidentielle et la certitude que trois prétendants maximum au poste suprême y prennent part.

Mais tout cela va changer à l’horizon 2019. La Cour constitutionnelle a en effet annoncé fin janvier que les élections législatives et l’élection présidentielle devront avoir lieu simultanément à compter de cette échéance. Dans son jugement, la Cour explique que le délai de trois mois entre les deux échéances électorales est inconstitutionnel puisqu’il n’y a pas de différence d’importance entre ces deux élections. Elle affirme aussi que cette décision permettra d’empêcher les coalitions de pacotille ou uniquement intéressées ainsi que les transactions politiques courantes dans la période de trois mois entre les deux élections et qui n’apportent que de l’inefficacité dans la gestion du gouvernement et donc du pays.

La décision est louable et semble aller dans le sens d’une plus grande équité dans le jeu politique indonésien en permettant à tous les partis éligibles aux législatives de présenter un candidat présidentiel. Le choix se fera dès lors entre davantage de candidats et il reviendra aux électeurs de choisir leur meilleur leader.

Dans le même temps et dans un esprit similaire, le Parlement envisage lui aussi des amendements à la loi de 2004 sur la gouvernance régionale. Les évolutions prévues verraient ainsi toutes les élections locales et régionales dans les 524 différentes régions électorales de l’Archipel organisées le même jour. Par ailleurs, si les gouverneurs seraient toujours élus au suffrage universel direct, ce ne serait plus le cas des maires et des chefs de districts qui seraient désormais nommés par les parlements régionaux. Cette réforme ne verrait pas le jour avant 2020-2021. Elle aurait le double mérite de faire économiser beaucoup d’argent public et de maintenir la motivation et l’intérêt des électeurs qui sont à l’heure actuelle souvent mis à contribution pour toutes sortes d’élections plus ou moins confuses.

Ces différentes évolutions semblent faire preuve de bons sens rationnel et ont d’ailleurs été applaudies par la majorité des partis politiques, les observateurs et autres experts. C’est en revanche le timing qui fait polémique. Dans son jugement de fin janvier, la Cour constitutionnelle a ajouté une clause soumettant la date de 2019 pour cette reforme électorale afin d’éviter le chaos et l’incertitude légale lors des élections de cette année.
En cela, la Cour constitutionnelle a outrepassé son rôle. Elle est compétente sur les questions liées au respect de la Constitution mais en aucun cas ne peut juger de l’aspect technique d’une élection comme sa date par exemple.

Par ailleurs, il est apparu que la décision d’organiser élections législatives et présidentielle simultanément a été officiellement prise le 26 mars 2013, soit 10 mois avant d’être publiquement annoncée. Pourquoi ces dix longs mois entre la prise de décision et son annonce ? La Cour a expliqué que les raisons de ce délai étaient qu’elle fut prudente et très occupée par de nombreuses disputes légales liées aux élections locales.

Ces explications n’ont pas convaincu grand monde. D’autant moins que le 30 mai 2013, soit plus d’un mois après la décision officielle, la Cour a envoyé un courrier officiel expliquant que le verdict était encore en délibération. La Cour constitutionnelle a donc menti et il est probable qu’elle ait été influencée par des pressions politiques pour ne pas appliquer le jugement dès les élections de 2014. En annonçant sa décision en mars 2013 comme cela aurait dû être le cas, elle aurait en effet laissé assez de temps au gouvernement pour organiser des élections simultanées. Mais cela n’aurait pas avantagé les grands partis traditionnels qui ne veulent pas voir arriver trop de concurrence sur leur pré carré présidentiel.

Une autre conséquence de cette décision retardée est purement légale. En affirmant qu’il est inconstitutionnel d’organiser les élections législatives et présidentielle séparées dans le temps mais en ne voulant l’appliquer qu’en 2019, la Cour a indirectement jugée que les élections à venir cette année seront inconstitutionnelles. Les recours des perdants seront dès lors probablement nombreux. Ceux-ci ont d’ailleurs déjà commencé. Prabowo Subianto est mécontent et l’a fait savoir. Favori parmi d’autres de la présidentielle, son parti Gerindra n’est crédité que de 4 à 5% des intentions de vote aux législatives. Ce faible score ne lui permettra pas d’être en position de force au moment de négocier un ticket présidentiel, alors que les nouvelles règles électorales l’auraient replacé au centre de la course. Prabowo a lancé un recours légal. A un mois des élections législatives, il n’est donc pas impossible que celles-ci soient annulées. Ou repoussées. Ou contestées. 2014 sera définitivement une année politique riche en Indonésie. Riche ne voulant pas dire juste.

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