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SENSATIA : DYNAMIQUE A L’AMERICAINE POUR DES COSMETIQUES INDONESIENS

Certaines histoires personnelles ont valeur d’exemple. On dit alors qu’elles sont archétypales. C’est le cas de celle de Michael R. Lorenti Jr, un Américain à Bali, qui a bâti en moins de 18 ans la marque de cosmétiques indonésienne Sensatia dont la notoriété en magasin ne cesse de grandir, à la fois en local mais aussi à l’étranger. Mais à l’inverse des habituels combats menés dans l’adversité, thématique commune à toutes les success stories à l’américaine, celle de Sensatia semble s’être déroulée sur la voie royale, sans le moindre accroc, comme prédestinée. Michael Lorenti, surfeur photographe à l’origine, nous conte sa belle histoire balinaise faite d’une suite ininterrompue de bonnes intuitions et de signes du destin favorables…

Nous sommes en 1999. Cela fait deux ans que le jeune Michael surfe les vagues de Jasri, dans le village de Subagan, une côte magnifique et isolée de Karangasem où peu de touristes se perdent. Entre sessions de surf et fiestas avec les potes, cet Américain originaire de l’état de New-York se la coule douce sans trop se soucier du lendemain. Photographe spécialisé dans la pub, il descend travailler dans le sud quand il a besoin d’argent. Un jour, un concitoyen lui demande de lui emprunter son garage pour bidouiller un labo dans le but de fabriquer du savon à partir de la noix de coco. Le virus est transmis rapidement. Quelques mois plus tard, en 2000, la marque Sensatia est créée officiellement et la société dûment enregistrée grâce aux 3000$ qu’il a empruntés à son père. Entretemps, à une époque où l’Internet indonésien est encore préhistorique, Michael Lorenti a dû s’envoler pour Singapour afin d’acheter des livres et se documenter sur cet univers dont il ne sait rien.

« Nous avons démarré avec du savon et, grâce à un ami américain, après seulement six mois, nous avons eu une commande valant 15 000$ renouvelée tous les trois mois. De quoi nous mettre sur les rails », se souvient-il dans la salle de réunion de sa fabrique aux standards internationaux de Jalan Pantai Jasri où il nous reçoit chaleureusement. Peu après ce départ prometteur, un autre ami surfeur, cette fois japonais, lui demande s’il peut produire des huiles de massage. Sensatia se lance alors dans l’exploration d’un nouveau créneau et l’ami japonais distribue ces huiles dans son pays d’origine. L’appétit venant en mangeant, Sensatia pense alors au marché indonésien et décide en 2006 d’enregistrer 5 produits auprès du BPOM (Badan Pengawas Obat dan Makanan). Mais la difficulté de l’opération dans la jungle administrative indonésienne de cette époque dissuade Michael de toutes velléités locales.

130 produits différents en boutique
L’Indonésie est cependant en évolution permanente et s’extirpe peu à peu de ses archaïsmes. Les réglementations changent, se simplifient, deviennent possibles en ligne. Alors, en 2012, Sensatia évolue aussi tout naturellement et passe à la vitesse supérieure en se conformant aux nouvelles règles qui vont lui donner accès au marché intérieur. Michael Lorenti créé une PMA. « Cette nouvelle configuration nous a obligés à avoir un pharmacien à demeure par exemple », commente aujourd’hui celui qui, à 45 ans, ne s’est jamais départi de son look de surfeur cool. « Je continue de créer nombre de produits moi-même mais je ne vais plus en labo aujourd’hui. Pareil pour le design du packaging, désormais, je compte sur notre propre designer », ajoute-il.

Sensatia répond à tous les besoins en matière cosmétique. De la tête aux pieds, comme le précise Michael Lorenti dans un sourire, en passant sa main sur son crâne chauve. Il revendique une gamme de 130 produits labellisés Sensatia. Mais l’enregistrement auprès du BPOM concerne environ 200 produits, car l’usine crée aussi des lignes de cosmétiques pour des chaînes hôtelières, comme Alila par exemple. Les produits Sensatia, sous leur nom ou pas, sont vendus aussi à Alaya, Karma, Kayumanis, Nihiwatu, Peppers Sentosa, W, The Stones, Potato Head, etc. La clientèle privée peut trouver la gamme complète dans les 12 boutiques (11 à Bali, 1 à Jakarta) de la marque. La répartition du marché aujourd’hui s’est équilibrée entre les exportations et les ventes locales. Ces ventes rapportent en moyenne 2 milliards de roupies par mois, assure-t-il. La vente en ligne se fait en partie par le réseau Sephora d’Indonésie. Et pour les marchés extérieurs, Sensatia vient de signer un contrat avec le géant de la distribution TJX. Michael Lorenti affirme désormais viser le marché du Moyen-Orient. « Si nos produits sont unisexes, notre marché se répartit à 75% pour les femmes, 25% pour les hommes », précise-t-il enfin.

La gestion des matières premières nécessaires à la fabrication de la gamme est complexe et nécessite un approvisionnement international, même si 60% sont quand même « sourcées » en Indonésie. « Nous en achetons beaucoup à Bali même, comme la cannelle, le beurre de cacao, l’huile de coco ou le beurre de karité », s’enthousiasme Michael Lorenti. Il vient même de débourser 10 000$ pour la création d’une appli qui aide le personnel à gérer les stocks et commandes de ces ingrédients, plus de 400 au total, dont il est hors de question de se retrouver à court. « Ainsi, nous savons toujours où nous en sommes dans nos volumes », explique l’entrepreneur américain. Un seul produit peut contenir jusqu’à une quinzaine d’ingrédients différents.

Des salaires qui augmentent tous les ans
Le logo Sensatia est vert. S’agit-il de produits bios ? « Je me tiens à distance de cette notion. Bio, chaque pays en a sa propre définition. Certes, nous utilisons certaines matières premières certifiées bios mais nous préférons le mot naturel. Nous avons deux gammes : Sensatia Leisure, principalement pour les hôtels avec quelques composants synthétiques. Je tiens à dire que le conservateur que nous utilisons est certifié éco, à base de cassis. Nous avons aussi et principalement Sensatia Botanicals, dont l’angle est plus naturel », explique-t-il sans détour. Enfin, dernière précision marketing, Sensatia ne base pas sa communication internationale sur Bali, ni même l’Indonésie « mais tous nos clients savent que c’est une marque indonésienne », s’amuse-t-il. Sensatia vient d’ailleurs d’ouvrir son propre département média à Sanur.

Michael Lorenti est à la tête de 86 employés, tous originaires de Subagan. La fabrique, aussi propre qu’une clinique helvétique, a été construite à côté du lumbung de ses jeunes années où il réside encore, sur un terrain qu’il voyait tous les jours en allant surfer et qu’un jour, le propriétaire lui a proposé à prix d’ami. Encore un signe du destin ? La PMA est détenue à 80% à son nom, les 20% restants par son vieil ami Nengah, aujourd’hui directeur général et représentant des intérêts du personnel. « J’ai une équipe formidable, nous avons démarré à trois et maintenant nous sommes une communauté. Nous partageons les profits, ainsi tout le monde est responsabilisé. En 2015, les salaires ont augmenté de 40%, l’an dernier de 20% », lance Michael Lorenti avec fierté.

En bon chef d’entreprise, cet ancien surfeur pense bien sûr à la prochaine étape de développement de Sensatia et ne s’endort pas sur ses lauriers. La prochaine fabrique sera à quelques encablures et ouvrira dans deux ans, nous dit-il. Il vient de faire adhérer son entreprise au label GMP (Good Manufacturing Practice) pour conquérir le marché moyen-oriental et a mis un programme de récupération des conteneurs de ses cosmétiques avec une bank sampah. Ce système de consigne permet aux clients qui rapportent en boutique 12 conteneurs vides de bénéficier d’un voucher d’un montant de
100 000 roupies sur leur prochain achat. « Je vais faire en sorte que la boite continue de grossir jusqu’au moment où je pourrais me retirer pour me remettre au surf », conclut-il en riant.

Eric Buvelot

https://sensatia.com/id

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