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Bali en bouteille

Philippe Bonfils a accepté de se confier – autour d’un bon verre d’eau bien sûr – sur son aventure entrepreneuriale “Balian” démarrée en 2011 avec Lionel Letessier. Comment deux amis amoureux de Bali, et forts de 40 ans d’expérience en Indonésie, ont pu créer une entreprise autour de leur passion de l’eau.

Quel parcours vous a mené à Bali ?

J’ai commencé dans l’univers des financements de projets d’infrastructure et dans l’industrie pendant une quinzaine d’années à Jakarta et Surabaya. J’aimais beaucoup ce que je faisais mais il me manquait la passion et surtout le challenge d’entreprendre. C’est lors d’un passage a Bali en rendant visite à mon ami Lionel qui habitait Bali avec sa famille que nous avons décidé de fonder “Balian”. 

Pourquoi et comment vous êtes-vous lancés dans le secteur de l’eau minérale, ça n’est pas aussi simple que de se balader avec une baguette de sourcier, si  ?

Depuis longtemps, je nourrissais un intérêt certain pour les marques d’eau et la façon dont elles sont commercialisées. Cela provient je pense de mes origines qui sont en Auvergne, une région surtout connue pour ses volcans et qui regorge de marques d’eau minérale de qualité. Lionel, qui est biologiste marin et spécialiste d’aquaculture se faisait la réflexion que Bali n’avait pas d’eau minérale de qualité alors que cette terre de volcans devait bien disposer de sources remarquables. Nous nous sommes alors lancés dans l’aventure. Après beaucoup de recherches et une étude de terrain avec un hydrogéologue du Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM) en France, nous avons identifié une source qui convenait à notre projet. En parallèle, on réfléchissait au type d’eau que l’on souhaiterait commercialiser et quel serait son positionnement. Entre le moment où on a repéré notre source sur les pentes du Mont Agung et celui où on nous a délivré notre licence d’exploitation, il s’est tout de même passé quatre ans. Tout simplement parce qu’il a fallu auparavant mener des études qualitatives sur 2 ans pour s’assurer de la stabilité de notre eau sur la durée en terme de débit composition et de qualité. 

Comment qualifier le marché de l’eau en Indonésie ?

Sans nul doute : hyper concurrentiel, il y a 280 millions d’Indonésiens, dans un pays où l’eau du robinet n’est pas potable, avec un acteur majeur en quasi situation de monopole. Une fois que c’est dit, on comprend bien les enjeux et les opportunités de ce secteur.Et bien sûr, s’ajoute aujourd’hui à cela la problématique du plastique et de la responsabilité environnementale (NDLR : sur laquelle nous reviendrons dans l’entretien).

Alors comment avez-vous réussi à vous faire une place ?

Une toute toute petite place ! D’abord, il faut rappeler qu’ici, il n’y a pas une forte culture populaire autour des eaux minérales, comme ça peut l’être en France ou en Italie, par exemple. Alors, nous avons fait le pari de démarrer avec un petit camion qui livrait des bonbonnes à la  communauté des expatriés qui est plus sensible à la qualité d’une eau pure. Et puis, le bouche-à-oreille a rapidement fonctionné. Nous avons su être patients et procéder sans brûler les étapes trop vite.

En quoi votre eau est pure et qualitative ?

D’abord j’aimerais souligner l’importance de distinguer deux grandes familles d’eau : les eaux de source et les eaux minérales naturelles. Balian est une eau minérale naturelle.Pour être certifiée en tant que telle il faut : qu’elle soit embouteillée à la source, qu’elle soit stable dans sa composition minérale et qu’aucun traitement chimique de désinfection ni aucun ajout de molécule chimique de conservation ne viennent perturber sa composition naturelle. C’est pour cela que nous avons dû aller « haut dans la montagne » pour trouver une eau encore pure non contaminée par la pollution anthropique (engrais et pesticides).

Imaginez le mont Agung qui recueille, goutte par goutte, les pluies tombant depuis des millénaires sur le versant sud. En traversant les couches de roches, l’eau est filtrée naturellement et s’enrichit en minéraux. Cette abondance d’eau accumulée crée alors ce qu’on appelle un “impluvium”, une sorte de réservoir naturel souterrain. A la fin de ce processus de filtration, cette eau pure va alors buter sur une roche plus ancienne qui va la faire remonter progressivement et rejaillir à la surface. Voilà d’où vient l’eau minérale naturelle que l’on propose à nos clients. Nous sommes fiers de ne procéder à aucun forage, et donc de ne pas modifier l’écosystème de l’île. 

Quels sont les challenges technique et sanitaire concernant l’embouteillage ?

Le vrai challenge sanitaire consiste à ne pas modifier les qualités de cette eau. Une fois à l’usine (200 mètres après le point de captage), l’eau va passer à travers un circuit complexe de tuyauteries en acier inoxydable et des machines d’embouteillage qu’il faut maintenir dans un environnement aseptique.

Nous procédons à un nettoyage des installations en place une à deux fois par semaine : un nettoyage qui aseptise les moindres recoins de nos machines et tuyauteries depuis la source jusqu’au point de remplissage. Enfin la qualité de l’eau à la source et sur le produit fini est surveillée et analysée a intervalles réguliers. Notre but est de suivre les mêmes critères d’exigence en matière sanitaire que les grandes sociétés du secteur en France mais appliqués à notre petite échelle. 

Par manque de connaissance on choisit souvent son eau minérale par le critère du prix, avez-vous une astuce plus objective à nous donner ?

S’il n’ y en a avait qu’un à retenir c’est d’avoir le réflexe de lire l’étiquette apposée sur la bouteille en gardant en tête l’information suivante : il y a une différence entre la certification d’une eau et l’appellation qu’on peut lui donner. La certification c’est un peu la catégorie légale à laquelle appartient l’eau. Cette mention est souvent écrite en tout petit sur une bouteille, alors que les appellations choisies par certaines marques, sont généralement bien visibles en grand et ne sont souvent que des messages marketing. Prenons l’exemple d’une eau positionnée très haut de gamme dont l’appellation, bien mise en évidence, est “eau naturelle artésienne”. Cela peut sonner vraiment authentique, géologique et écologique, mais je ne suis pas certain que ça soit une certifiee eau minérale naturelle… Où que vous voyagiez dans le monde (même s’il peut y avoir des exceptions dues à la réglementation de chaque pays), si sur l’étiquette est portée la mention “eau minérale naturelle”, alors vous êtes en présence d’une eau pure microbiologiquement parlant, non-modifiée et de qualité.

Sur le marché indonésien, de manière plus informelle, circulent des eaux embouteillées à la traçabilité un peu incertaine. Comment s’assurer que l’eau que l’on achète réponde à des standards sanitaires ?

La réglementation qui s’applique en Indonésie aux marques produites localement ou importées est vraiment très stricte puisque le cadre réglementaire SNI (Standard Nasional Indonesia) qui régit l’eau découle de ce qui existe au niveau international avec la norme “CODEX alimentarius”. Donc le bon réflexe à adopter, en cas de doute, c’est de vérifier qu’il y a bien un numéro BPOM (l’instance sanitaire indonésienne) et un numéro SNI sur l’étiquette de l’eau que vous souhaitez acheter. 

Maintenant que nous avons saisi ce qu’est une eau minérale naturelle, et la logistique que cela implique, pourriez-vous nous décrire l’identité commerciale de Balian ?

La source de Balian est sur le Mont Agung, le volcan sacré des balinais qui fixe l’identité, l’origine, la qualité et la pureté de notre eau. Quant au nom Balian même s’il signifie le guérisseur traditionnel en Balinais nous l’avons choisi en réalité pour sa résonance géographique afin de marquer l’origine de l’eau en tant que produit local. En ce qui concerne le positionnement il n’est pas question de guérison miraculeuse mais plus d’un style de vie tourné autour de la méditation et de l’hydratation du corps soit « un esprit sain dans un corps sain ».

Vendre de l’eau pure dans du plastique, ça n’est pas un peu contradictoire ?

Il n’y a pas de produit parfait. Vendre des bonbonnes en verre serait très compliqué à cause des risques de casse et des contraintes de poids. Un jour peut être mais pour l’instant nos bonbonnes sont en polycarbonate qui est un plastique plus résistant aux chocs et facilement nettoyable.

Elles sont donc retournables jusqu’à une quinzaine de fois avant d’être finalement recyclées. C’est donc une solution durable. Depuis septembre 2019, nous avons également lancé les bouteilles en verre consignées pour les client institutionnels comme les hôtels, les restaurants et les beach clubs. Nous récupérons les bouteilles puis les nettoyons avant de les re-remplir. C’est ainsi une solution qui  permet aux clients de s’assurer que leurs bouteilles aient un cycle de vie durable. Nous sommes ravis de recevoir chaque jour davantage de demande pour cette prestation. Cela va dans le sens de notre stratégie d’ici à 2 ans qui est de ne proposer que des produits retournables sur Bali. Tout le monde le sait déjà: l’avenir est aux produits locaux, naturels et durables.  

Dans une île où l’accès à l’eau est problématique et où existent de nombreuses menaces environnement, menez-vous des actions caritatives ou de sensibilisation ?

Notre marque souhaite amoindrir son impact environnemental et participer à la prise de conscience qu’une planète noyée sous le plastique n’est pas possible.

A cette fin, nous nous appuyons sur Diah Rahayu qui est une surfeuse balinaise. Elle nous aide, en fonction des campagnes menées, à attirer l’attention du grand public et des enfants sur ces problématiques liées à l’eau, l’océan ou l’environnement.

Ainsi pour les enfants nous avons créé “Balianers Go Green”, une B.D en indonésien et en anglais autour de la cause environnementale. Nous la distribuons dans des écoles ou auprès des enfants des salariés d’entreprises partenaires, et la diffusons sur les réseaux sociaux. Enfin, dans le domaine caritatif nous sélectionnons chaque année deux ou trois ONG à qui nous donnons gratuitement des bonbonnes d’eau. En 2019, pour deux orphelinats de Karangasem et aussi Solemen qui s’occupe des personnes en situation de handicap.

https://balianwater.com/   •   IG @balianwater

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