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Poursuivre ses rêves de vie meilleure jusqu’à Sumba

D’autres ont eu une autre idée, les Gili, à l’ouest de Lombok, mais ces trois îlots sont bien petits et déjà saturés (cf. La Gazette de Bali n°95 – avril 2013). Alors, que reste-t-il ? Lombok ? Non. Sumbawa ? Non plus. Sur la route qui mène toujours plus loin vers l’est (les NTT), on trouve Sumba. Qui n’a pas un ami ou une connaissance aujourd’hui qui ne cesse de s’émerveiller de la beauté de cette île non volcanique deux fois grande comme Bali et peuplée seulement de 650 000 habitants ?

Sumba, c’est beau. C’est indéniable, les paysages de cette ancienne « île du Santal » sont extraordinaires, les côtes particulièrement, à tomber par terre. Les montagnes, certes pas très hautes, dans les mille mètres, offrent une nature à couper le souffle. Immense plateau calcaire, l’île est parsemée de gorges et de collines. Et si la forêt a disparu avec les coupes intensives du siècle dernier, on trouve encore dans les zones qui ont survécu pas moins de 150 espèces d’oiseaux, dont une vingtaine endémiques de l’île comme ce fameux cacatoès, malheureusement menacé de disparition.

Sumba, c’est effrayant. Les sociétés mégalithiques de Sumba se font encore la guerre et les rivalités ancestrales les animent encore. Largement christianisés, les habitants de Sumba sont surtout des adeptes de la religion animiste marapu. Sacrifice humain, esclavagisme, vendetta sans fin entre les clans qui pratiqueraient encore l’enlèvement et le meurtre rituel, qui n’a pas entendu ce genre d’histoires ? Vraies ou fausses, les Indonésiens eux-mêmes, toujours prompts à effacer toute trace d’un passé barbare révolu dans l’Indonésie moderne, les accréditent pourtant. Sans parler des femmes qui s’achètent, s’échangent, se rétrocèdent comme des biens de consommation ou encore des pasola, simulacres de batailles qui font des victimes bien réelles tous les ans…

Sumba, c’est écolo. Vœux pieux ou réalité, le gouvernement indonésien semble avoir dessiné pour Sumba un plan de développement vert particulièrement ambitieux qui contraste avec ses habitudes en la matière, notamment à Bali avec le résultat que l’on sait. En février dernier, le ministère de l’Energie a signé avec l’ONG Hivos, spécialisée dans ce secteur, un programme de mise en place d’énergies renouvelables pour Sumba. Hydraulique, solaire, éoliennes, ce plan ambitieux soutenu par la Banque asiatique de développement a pour but de fournir 100% de l’énergie dont l’île aura besoin à l’avenir !

Sumba, c’est glamour. Eh, oui, on ne le sait peut-être pas mais les grands de ce monde se pressent à Sumba. Bill et Melinda Gates y ont leur fondation. Albert de Monaco et Richard Branson y sont des habitués. Et bien d’autres encore y séjournent, principalement au Nihiwatu Resort, un des cinq éco-hôtels les plus réputés de la planète et aussi parmi les plus chers. Alors, Sumba, est-ce bien ce nouvel Eldorado indonésien, ce nouveau Bali comme les premiers agents immobiliers actifs sur place l’appellent déjà ? Quatre entrepreneurs français tentent d’y répondre, mais on le voit, Sumba est un joyau encore brut, par ailleurs infesté par la malaria, et le défi que cela représente d’aller s’y installer pour poursuivre ses rêves aujourd’hui n’est pas à la portée du premier quidam venu.

Entre fondation humanitaire et maison de retraite

Si Charles-Antoine Descotis n’est bien sûr pas le premier français à être tombé amoureux de Sumba, il est clairement l’initiateur de cet engouement actuel parmi la communauté francophone de Bali. Patron et fondateur de la célèbre marque de hamac Ticket to the Moon, il n’a de cesse de faire la promotion de cette île parmi ses amis et connaissances installés à Bali et aussi de les amener sur place, dans son havre de paix de Mandorak, sur la côte ouest. Installé depuis 1996 à Bali, après avoir fait la route en Inde, cet ancien hippy de 46 ans emploie aujourd’hui une centaine de personnes et reconnaît être « devenu entrepreneur grâce à la découverte en Indonésie d’une toile de parachute idéale pour fabriquer des hamacs. » Charles-Antoine Descotis exporte ses produits dans une trentaine de pays et affirme être aujourd’hui « le leader mondial du hamac de voyage. »

Comment est-il arrivé à Sumba ? « Bali étant le camp de base idéal pour découvrir l’archipel indonésien, je m’y suis baladé en bus, bateau, moto, cheval, toujours en quête de découvrir l’endroit où poser mon sac, la fin de la route. Je suis arrivé à Sumba car c’était une des dernières îles de l’est indonésien que je ne connaissais pas. Si seulement j’avais commencé par celle-là », répond-il. Et c’est en survolant Sumba qu’il repère un lagon bleu turquoise enclavé dans les terres, du jamais vu selon lui. « Comme personne à Sumba ne connaissait son existence, j’ai décidé d’aller à sa recherche. Une première expédition fut sans résultat, car chauffeurs et guides étaient terrifiés d’entrer dans le territoire inconnu de la tribu des Kodi, réputée dangereuse. Au deuxième voyage et après deux jours de cheval, je suis enfin arrivé à cette merveille de la nature. J’ai ressenti tout de suite que j’avais enfin trouvé la fin de ma route et que j’allais passer quelques temps dans les parages », poursuit-il.

Charles-Antoine Descotis n’est pas à Sumba pour faire des affaires mais pour un projet de vie. Il n’y réside d’ailleurs qu’à temps partiel. Il s’explique : « J’y fais tout sauf du business, que je laisse à Bali. Non, c’est plutôt un concept entre fondation humanitaire, résidence secondaire et future maison de retraite pour mes amis. » Il réfute d’ailleurs l’idée d’avoir ouvert la voie parmi les Français de Bali. « J’espère ne rien avoir ouvert là-bas », s’exclame-t-il. Sa fondation vient de construire une école mais elle s’occupe aussi de dépister la malaria et d’améliorer l’accès à l’eau de cette population très pauvre. « Les Kodi étaient vierges de tout vice comme tous les peuples vivant en autarcie totale. Leurs coutumes, leur artisanat, leur mode de vie m’ont énormément inspiré pour essayer de les aider à conserver leur sublime culture, ce n’était qu’un rêve crédule d’Occidental. La route côtière qui vient d’être construite par Jakarta les a connectés au monde moderne, en quelques années, ils ont bradé leur chevaux pour des motos, leur sublimes ikat pour des t-shirts et des jeans avec des poches, leurs pots de terre pour des plastiques et ils vont à la ville pour recharger leur téléphone et écouter du mp3 », déplore-t-il.

Pourquoi Sumba ? « Il n’y a pas de touristes, pas de plastiques, pas d’islamistes et rien de volcanique », répond-il avec candeur. Et quand on lui demande quels conseils il pourrait donner aux gens qui souhaitent s’y rendre, Charles-Antoine Descotis lance en riant : « Je ne conseille à personne de venir à Sumba. C’est plein de dangereux sauvages, incontrôlables car tous défoncés à la noix d’arec et au bétel, et c’est infesté par les moustiques, la malaria cérébrale et la tuberculose. A éviter. » Le gouvernement indonésien œuvre pour que Sumba devienne la première île au monde sans émission de CO2 et prépare un aéroport international. Alors, Sumba, est-ce le nouvel Eldorado ? « C’est un après-Bali, en espérant que nous n’y ferons pas les mêmes erreurs », conclut-il.
[www.mandorak.org->www.mandorak.org] et [www.ticketothemoon.com->www.ticketothemoon.com]

Un restaurant au bout de la route mais à 500m de l’aéroport

Louis Pereira, 47 ans, a découvert l’île de Sumba il y a une quinzaine d’années à l’occasion d’un séjour de vacances de trois semaines. « Je n’ai vu que la moitié de l’île, l’ouest était très difficile d’accès. Ca m’avait plu mais sans plus. J’avais quand même noté la gentillesse des gens, leur culture et j’avais été impressionné par les maisons traditionnelles », se souvient aujourd’hui cette autre personnalité des affaires de Bali qui était à la tête de la marque Flower Power, spécialisée dans les accessoires de mode. Mais c’est justement avec Charles-Antoine Descotis qu’il y va de plus en plus souvent. Il le rejoint là-bas dans son projet de fondation et participe à cette aventure. « On ne peut débouler à Sumba sans donner quelque chose », explique-t-il. Aujourd’hui, cet Antibois qui avoue être un fou de plages est en train de bâtir un restaurant, baptisé Gula Garam, à 500 m de l’aéroport de Tambolaka, une petite ville de 40 000 habitants destinée à devenir le centre névralgique des NTT (Nusa Tenggara Timur). « Le gouvernement met le paquet sur les infrastructures », reconnait-il, estimant que c’est maintenant qu’il faut être présent à Sumba.

Au départ de ce projet de restaurant, un retour aux sources vers son premier métier. Car s’il a démarré une longue histoire de business dans la mode avec Bali dès 1991, allant jusqu’à posséder trois boutiques à Seminyak, Louis Pereira a commencé sa vie professionnelle dans le tourisme et l’hôtellerie. Aujourd’hui, alors que la concurrence chinoise et l’écroulement du marché européen – Flower Power faisait 70% de son chiffre à l’export – ont eu raison de sa marque, il rebondit à Sumba « qui pourrait devenir une nouvelle destination touristique dans le vent dans 10 à 15 ans ». Avec son épouse originaire de Surabaya, Ima, ils démarrent cet établissement aux standards occidentaux et préparent aussi un petit hôtel d’une dizaine de bungalows. Bâti comme une construction traditionnelle, le restaurant Gula Garam va proposer une carte à l’occidentale et des des produits de Bali », explique pour sa part Ima qui a l’intention de préparer aussi une sélection des meilleurs plats indonésiens pour sa carte.

« J’aime les gens de Sumba, poursuit Louis Pereira, car ils sont plus directs. Avec eux, c’est face à face, ils ne cachent pas leurs émotions. » Un conseil aux nouveaux arrivants ? « Non, je n’ai pas de recommandation spéciale si ce n’est qu’il ne faut pas être pressé », s’amuse-t-il. Stratégiquement situé à la sortie de l’aéroport sur la route qui mène à l’ouest de Sumba, le restaurant des époux Pereira a vocation à devenir le relais des passionnés de l’île qui veulent se rencontrer et échanger leurs bons plans. « Nous sommes au tout début. Les gens qui viennent à Sumba-Ouest vont avoir besoin d’un centre stratégique, d’un lieu de rencontre et d’échange. C’est le sens de notre projet de restaurant », poursuit-il avant de conclure : « C’est l’endroit qui sera sûrement au bout de ma route. »
Restaurant Gula Garam, Jl Airport Tambolaka n°1, Tambolaka
Tél. (0387) 25 24 019

Un hôtel comme projet de développement local

Parmi les 4 Français qui ont posé leurs valises à Sumba ou qui sont en passe de s’y installer définitivement, Ali Derdouri occupe une place de vétéran. C’est le seul à y vivre depuis 13 ans et à tirer sa subsistance de l’hôtel qu’il a monté avec son ancienne compagne Marie-José, toujours associée à la gestion de ce projet depuis la France. Cet ancien conducteur de travaux, ingénieur diplômé, avoue qu’ils ont cherché « à quitter la France et sa morosité » dans les années 90. Tombés amoureux de l’Indonésie en 1991, ils y sont revenus chaque année pour trouver le coin de leurs rêves. Un moment attirés par les Moluques, ils ont évidemment abandonné le projet en raison des troubles interconfessionnels qui ont connu leur apogée en 1999. Ils ont ensuite concentré leur attention sur Sumbawa, Flores et Sumba, des îles situées pas trop loin de Bali et de son aéroport, pour finalement délaisser les deux premières à cause de leur nature trop volcanique. C’est en 1997 qu’ils repèrent ce terrain sur lequel ils commenceront deux ans plus tard la construction de leur resort, un endroit situé à 5mn de la mer en voiture et qui offre 7 vagues magnifiques aux surfeurs. « C’est la partie la plus authentique de Sumba, au sud-ouest de l’île, une région peuplée de paysans paisibles, humbles et souriants dans le district de Lamboya, je n’oublie pas que ce sont d’anciens coupeurs de têtes mais ils n’ont pas la fierté des guerriers Kodi, tout à l’ouest de l’île », indique Ali qui fête ses 50 ans cette année.

La construction de l’hôtel et la formation du personnel ont pris trois ans. « Nous insistons toujours pour dire que notre hôtel a été construit par des gens du coin, des paysans et des fermiers, nous n’avons pas fait appel à de la main d’œuvre extérieure. Ca a pris du temps mais nous avions vraiment la volonté d’aider les gens du cru, la formation à la cuisine et à l’hygiène n’étaient pas une mince affaire, c’est Marie-Jo qui s’y est attelée », nous précise cet entrepreneur plus animé par un projet de vie que par la rentabilité de son affaire à l’origine. « A présent que j’ai des enfants et que les temps changent, je suis plus attentif au chiffre d’affaires mais notre développement est naturellement limité par la capacité de mes 13 employés. Nous connaissons nos limites et c’est pourquoi nous n’avons jamais fait de promotion pour l’hôtel, nous nous développons au fur et à mesure qu’ils prennent confiance en eux dans ces différents métiers qu’ils ont appris ex nihilo. Nous avons tâché de bâtir une grande relation de confiance. La porte reste toujours ouverte chez nous, il n’y a pas de vol, je crois même que les habitants me font plus confiance qu’à leurs responsables politiques, dans le coin, c’est important de faire ce qu’on dit. »

Depuis quelques années, Ali s’est uni avec une femme de Sumba et a fondé une nouvelle famille. Parce que dans l’école du village, l’instituteur enseigne dans le dialecte local, il conduit tous les jours ses enfants à la ville pour qu’ils puissent apprendre correctement l’indonésien. Dans la région où il s’est installé, il pleut très peu, le riz est bien souvent consommé avant la fin octobre, voilà pourquoi la saison humide est appelée ici musim lapar (la saison de la famine). Sans des aides alimentaires du gouvernement, il y a beaucoup de gens qui mourraient chaque année et d’ailleurs, nombreux sont ceux qui ne font qu’un repas par jour. « Pas mal de touristes nous font remarquer que le niveau d’hygiène est très bas dans les villages, ça nous donne l’occasion de leur expliquer qu’il y a peu d’eau à Sumba, très peu pour cultiver et encore moins pour se laver, l’hygiène n’est donc pas une priorité. »

Si vous posez à Ali la question du développement de Sumba, il vous répondra qu’« il ne faut pas que les habitants soient des spectateurs, ça n’ira pas sans poser de problèmes. » Il nous apprend à ce propos que le bupati de Sumba-Ouest vient de promulguer une loi qui oblige tous ceux qui viennent d’acheter des terrains à construire d’ici 2015 sous peine de se voir confisquer leurs terres, ceci afin d’éviter toute spéculation. « Sumba n’est pas Bali, j’espère que le développement sera plus harmonieux. Pour ma part, j’ai choisi Sumba pour vivre différemment, être plus humain que ce que j’étais en France sans pour autant chercher à ressembler aux locaux. Finalement, je travaille plus ici que dans mon ancienne vie, je n’ai toujours pas amorti mon investissement au bout de 13 ans mais je ne regrette rien. »
Sumba Nautil Resort
Tarakatuku, Desa Patiala Bawa,
Kec. Lamboya, Sumba Barat, NTT
[www.nautilsumbaresort.com->www.nautilsumbaresort.com]

Un eco-lodge et pas de bouchons en vue

Le cas de Louis Fontanier est un peu différent dans la mesure où il n’en est qu’à la phase de préparation. « Je pense m’installer à Sumba dès l’an prochain. Avec un partenaire français, j’ai déjà acheté un terrain et je vais y faire un eco-lodge, à pantai Rua, une plage qui se trouve au sud-ouest », explique ce Français qui habite à Bali depuis 18 ans et qui déplore ne plus y trouver ce qu’il était venu y chercher. « Même si on peut s’évader un peu, et Lembongan c’est pas mal, on est toujours rattrapé par la mégapole Kuta-Denpasar-Sanur pour le boulot et ça ne me convient pas. Je suis un campagnard », poursuit-il.
Pourquoi Sumba ? « D’abord et bien sûr, la beauté saisissante des paysages, la simplicité et la gentillesse des habitants malgré ce qu’on en dit, même s’il y a certains villages un peu “rustres”, du côté des Kodi, à l’extrême ouest », détaille Louis Fontanier. Et puis, il nous rappelle la volonté du gouvernement indonésien d’en faire « une vitrine énergétique ». Enfin, l’aspect religieux est à prendre en compte selon lui puisque « c’est une île chrétienne/animiste, très en dehors du clivage musulmans/occident, et sans être particulièrement pessimiste, je pense que ça aura un jour son importance. » Enfin, ce dernier calcul, qu’il fait en s’amusant : Bali, c’est 5500 km2 pour 4 millions d’habitants, et Sumba, c’est 11 000 km2 pour 650 000 habitants. Et d’en conclure : « Pas de bouchons en vue ! »

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