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Le Nyepi et les Ogoh-Ogoh

Nyepi est une autre fête que tout Bali célèbre en même temps et tu vas voir comment ! Elle n’est pas régie par le calendrier balinais mais par le calendrier hindou Saka et survient donc tous les ans entre le mois de mars et mois d’avril, juste trois jours après Melasti.
On dit que ce jour-là, le maître de l’enfer, Yama, va ouvrir grand ses portes et lâcher toute une horde de démons sur Bali. En vue de leur arrivée, au moment du coucher du soleil, on place d’alléchantes offrandes sur des tapis tressés, aux intersections des routes (les démons adorent ces endroits d’où ils peuvent facilement nuire aux humains en provoquant des accidents), afin qu’ils y soient attirés. Enfin, comme tu vas le voir plus tard, les offrandes des Kalas et des Bhutas ne sont alléchantes que pour eux ! Le prêtre se rend sur place et, accompagné de nombreux fidèles qui vivent à proximité, il procède à une grande cérémonie. Pour terminer la célébration, à son signal, tout le monde se lèvera et se mettra à tourner autour du tapis en faisant beaucoup de bruit et en tapant le sol avec des morceaux de bambou fendus. C’est très impressionnant mais moins que la suite, tu vas voir !
Lorsque la nuit tombe, vient mon moment préféré de toute l’année !
Nous commençons par faire le plus de bruit possible, tout est permis, pétards, casseroles, cymbales, gongs. Nous accompagnons ainsi nos immenses statues, les Ogoh-Ogoh, en procession jusqu’aux grands carrefours où d’autres banjars vont nous retrouver pour présenter les leurs. Au moins quinze hommes sont nécessaires pour porter un seul Ogoh-Ogoh sur son podium de bambou, ou le faire rouler quand c’est possible. Ils sont très lourds, ce sont des monstres géants qui mesurent parfois plus de quatre mètres de hauteur ! Lorsqu’ils se croisent, les deux groupes vont faire en sorte de figurer un combat féroce entre leurs monstres. Puis, ils cédent la place aux autres et se dirigent vers la mer ou le bord de la rivière.

Certains affirment, et je les crois, que ces combats et ce bruit sont destinés à terrifier tous les démons que nous avons attirés et à les chasser, en leur montrant qu’il y a sur l’île de biens plus forts qu’eux ! Mais d’autres pensent qu’au contraire, ils servent à les ameuter afin qu’ils voient toutes les offrandes que nous avons préparées pour eux et qu’ensuite, ils rentrent chez eux, satisfaits et repus !
Le lendemain, jour même de Nyepi et premier jour du nouveau cycle Saka, tout le monde doit rester chez soi, méditer et prier, en respectant des prescriptions strictes : jeûner, ne pas faire de bruit ni utiliser d’électricité… Face à ce silence et à toutes les rues désertes, les rares démons restés sur l’île penseront bien sûr que tous les gens sont partis. Ils feront donc la même chose, puisque ce qu’ils aiment par-dessus tout, c’est perturber les humains ! Mais encore une fois, ceux qui s’imaginent que l’on a voulu faire plaisir aux démons avec toutes les offrandes, racontent que c’est plutôt une façon de leur prouver notre contentement de les avoir satisfaits… J’aime beaucoup moins cette idée !
Comme beaucoup de garçons de mon banjar, je participe à la fabrication des Ogoh-Ogoh. Nous, les enfants, nous en construisons même un deuxième, il est plus petit (environ la taille d’un adulte), mais exactement comme celui des grands. Ils sont tous fabriqués avec une armature de bambou, recouverte de papier mâché, puis peints. C’est un travail énorme, que nous entreprenons tous ensemble, petits et grands, quelques semaines avant Nyepi.

Ah oui, j’oubliais, normalement, une fois tous les Ogoh-Ogoh ramenés à la plage ou à la rivière, nous sommes supposés les brûler. Mais ces dernières années, il n’est pas rare que nous les laissions quelques semaines de plus décorer le bord des routes. Pour s’amuser, il arrive qu’on leur accroche une pancarte « À vendre », mais c’est une blague. Qui voudrait d’un démon géant chez soi ?
On a assez à faire avec ceux qui traînent partout !
Voilà, tu connais la raison de nos principales fêtes, avant de t’expliquer les festivités qui les accompagnent, je vais te décrire nos plus grandes offrandes pour les dieux, mais en premier lieu, afin qu’ils nous laissent tranquilles, pour les démons…

Illustration : Edith Baudrand

Extraits de « Ma Vie Balinaise »

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