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Le noir Soulage(s) à Lembongan

Tout le monde le sait : le lagon de Ceningan est aussi turquoise que “pédiluvien” de par sa profondeur. La frustration de ne pouvoir y faire des longueurs toute la journée me conduit donc à sauter sur ma monture à deux roues. Cahin caha j’éprouve la qualité de l’asphalte local – une vertèbre à la fois – à la recherche d’une activité qui me rappellerait que je ne plonge pas ou même pour mieux effacer mon échec à rencontrer des raies manta lors de mes snorkelling dans les eaux voisines de Penida.

Et c’est finalement dans la noirceur que je finis par trouver une planche de salut. Du bord de la route, une femme de pêcheur me hèle. Je n’ai pas tout
compris mais mes deux vertèbres encore intactes me crient de prendre
congé des nids de poule.
Mon errance m’a en fait mené à Mangrove Point/Forest, au nord-est de Lembongan.
Pour ceux qui auraient séché les cours de géographie, la mangrove c’est
un écosystème de marais maritime. Une végétation compacte aux eaux
sombres, comme une invitation au mystère.

Autant vous prévenir, le lieu est de prime abord austère et monotone.
Oui mais non. Seulement pour ceux qui n’ont pas su garder leur âme d’enfant aventurier.

Pour faire de cette banale toile noire un Soulages qui révèle la lumière intrinsèque à l’obscurité, je vous conseille d’éviter la balade de 20mn à bord de l’embarcation d’un pêcheur. Les explications sont rachitiques et le fait d’être accompagné étouffe à mon sens le sentiment d’exploration.

Privilégiez l’expérience en kayak ou en paddle. Le paddle c’est tout simplement une planche sur laquelle on se tient debout et qu’on dirige
grâce à une longue rame. Une discipline très branchée qui nous vient des équilibristes bobo hipster californiens et fait particulièrement appel à
votre sens de l’équilibre. Amateur de gamelles dans la gadoue de la mangrove…bonjour ! La balade dans cette version est enfantine et farceuse.

De mon côté, ayant déjà fait un masque de boue la veille, j’ai rapidement opté pour 1 heure en kayak. Me voici tel Livingstone qui parcourt
le Zambèze, aventurière le temps d’une balade au fil de l’eau et au rythme des battements sonores de la nature.

Après 15 minutes, j’arrive même à me perdre dans ce petit labyrinthe.
Ah le calme ! Le calme…du calme… je me calme : j’oscille entre plaisir et angoisse.

“Frrrr” les ailes énergiques d’un martin-pêcheur mettent fin à mon isolement. Ce point bleu vif est un ravissement pour les yeux. Je me paie le luxe de le suivre des yeux et des mouvements de pagaies.
Je finis alors par m’engouffrer dans un long tunnel formé par la végétation. Il fait plus sombre, puis une percée de lumière, et au bout du virage : un petit banc de sable doré. Ici, grouillent des dizaines de petits crabes dont on entend le claquement de pinces.

Car il y a de la vie dans ce paysage à priori désert. Ce que ne laisse pas réellement percevoir cette végétation linéaire. C’est simple, prenez un arbre fin, mais avec d’impressionnantes racines courtes sur pattes. Copiez. Collez : et voilà, vous avez une mangrove. Mais il ne faudrait pas trop dénigrer cette Cendrillon des Nusa. Ces racines jouent un rôle essentiel pour fixer la plante dans un sol vaseux peu stable. Ce faisant, la mangrove aide à lutter contre l’érosion des côtes, s’érigeant en rempart contre les vagues.

Un claquement me réveille de ces divagations géologiques. Cette fois-ci, c’est celui d’un mécanisme de défense : ma main qui chasse un moustique un brin trop vampire. Pensez donc à vous aspergez d’un répulsif avant de jouer aux explorateurs ou à porter des vêtements longs. Je n’aurai donc pas connu d’autre “menace” que celle-ci, n’ayant point croisé (sic) les varans présents dans ces marécages. Vous serez peut être plus chanceux que moi dans la course à l’épouvante. Certains, paraît-il, peuvent mesurer jusqu’à deux mètres et peser jusqu’à 20 kilos.
J’ai par contre vu une étonnante bestiole appelé le “Periophthalmus argentilineatus”, mi-poisson mi-grenouille qui sautille dans la vase. Pas de photo désolée, vu le rythme et la taille de la bête, c’était soit la pagaie soit le cliché.

Retour à la terre ferme, soulagée de ne pas avoir goûté à la gadoue ébène et surtout d’avoir su voir des rais de lumière
dans cette obscure mangrove. Après tout :

“Si l’on ne voit que du noir, c’est qu’on ne regarde pas la toile.
Si, en revanche, on est plus attentif, on aperçoit la lumière réfléchie
par la toile…

(Pierre Soulages)

En une heure, ma déconnexion du monde des humains n’a été
interrompue que par deux kayaks et 1 famille à bord d’un bateau de
pêcheur. Sans compter les corbeaux et hérons.

Mangrove Point and Forest
Une balade entre terre et eau, peu spectaculaire certes mais très
apaisante et que l’on conseille aux esprits vagabonds.
Tarif : de 70 000 jusqu’à 150 000 rp pour 2 personnes en fonction
de la marée et de vos talents de négociateur.

Meryam El Yousfi

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