Accueil Média

L’étonnante histoire des Bugis, peuple originaire du sud de Sulawesi

L’on rencontre des communautés Bugis, originaires du sud de Sulawesi (dit autrefois
Célèbes), sur toutes les côtes de l’archipel indonésien y compris à Bali, par exemple à
Singaraja et sur la presqu’île de Serangan, mais aussi, et cela depuis plus de 2000 ans, à
des milliers de kilomètres de leur terre ancestrale. Par exemple en Malaisie où elles ont
intégré les dynasties royales, en Australie, et plus surprenant encore, à Madagascar, vierge
à leur arrivée de toute présence humaine, où elles se sont progressivement réfugiées
sur les hauts plateaux après l’arrivée des Africains et où, retournés à la paysannerie,
elles ont la particularité de produire aujourd’hui du foie gras avec des recettes héritées
de l’ancienne présence française !

Les ancêtres des Bugis s’implantèrent vers 1500 avant Jésus-Christ autour du lac
Tempe, réservoir d’eau qui permettait la culture du riz toute l’année. C’est l’instabilité
politique qui, au cours des siècles, poussa une partie des Bugis à la mer pour chercher
une nouvelle vie. Le sud de Sulawesi a en effet longtemps été le siège de nombreux
petits états, essentiellement bugis et makassar, mais aussi konjo, mandar et kajang. Ces
peuples avaient une réputation de guerriers redoutables de par leur histoire tourmentée
qui les vit maintes fois défendre leur territoire placé sur la route des épices. Au 16e
siècle, le royaume makassar de Gowa, alors l’un des plus puissants de l’Est indonésien,
régnait sur cette partie de l’archipel dominant les autres principautés bugis. Quand les
Portugais arrivèrent dans la région vers 1540, ils tentèrent de la christianiser mais n’y
parvinrent pas. Le roi de Gowa se convertit finalement à l’islam en 1605 et imposa la
nouvelle religion assez rapidement malgré la résistance des principautés bugis.

Le royaume récemment islamisé vit l’arrivée de la VOC (Vereenigde Oostindische
Compagnie) ou Compagnie hollandaise des Indes orientales, en 1609. S’en suivirent
des guerres entre les deux puissances qui ne prirent fin qu’au début du 20e siècle.
Entre-temps, ces conflits poussèrent de nombreux marins bugis et makassar à fuir leur
pays et à prendre la mer, prenant part dans des guerres dans le reste de l’archipel et
constituant ainsi une nouvelle piraterie qui fut le fléau des îles jusqu’au 18e siècle. La
réputation de pirates des Bugis était née. Si les Bugis étaient de redoutables pirates,
ils étaient avant tout de bons marins, connus à travers les océans, traversant les mers
et immigraient souvent de manière définitive. Pourtant, même si par nécessité ou
contrainte les Bugis ont souvent pris la mer, ils formaient à l’origine un peuple agraire.
Et c’est d’ailleurs à tort qu’on attribue aux Bugis la construction et l’équipage des
pinisi, ces voiliers traditionnels originaires de Bira dans la région de Bulukumba, dont
la population est constituée de Konjos, peuple différent des Bugis.

Aujourd’hui, le peuple bugis constitue l’ethnie majoritaire de Sulawesi Sud. Bien que
nombre d’entre eux vivent dans les cités portuaires de Makassar et Pare-Pare, ce
sont principalement des fermiers qui cultivent le riz comme leurs ancêtres. Convertis
de force à l’islam au 17e siècle, les Bugis continuent d’observer des rites appartenant
à leur religion traditionnelle, rites que l’on retrouve dans La Galigo, l’épopée sacrée
des Bugis (rédigée avant le Mahâbhârata, le grand livre indien !). Il existe des rites
royaux qui ne peuvent être exécutés que par un bissu, des êtres ni homme ni femme
considérés comme l’intermédiaire entre les humains et les dieux. En fait, un bissu doit
plutôt être considéré comme une combinaison de tous les sexes, au nombre de cinq
dans la croyance traditionnelle des Bugis (féminin, gynandre, hermaphrodite, androgyne
et masculin). Il existe également des rites de passage marquant les étapes de la vie et
des rites de la vie quotidienne comme l’inauguration d’une maison ou d’un bateau.
Les Bugis, aujourd’hui très majoritairement musulmans, reconnaissent qu’il n’y a qu’un
seul Dieu, mais bon nombre d’entre eux croient également en toutes sortes d’esprits,
gardiens des maisons et des bateaux, habitants les arbres, les pierres, les sources… Les
Bugis vénèrent notamment Sangiang Serri, la déesse du riz connue plus généralement
en Indonésie sous le nom de Dewi Sri, que La Galigo dit être le premier enfant de
Batara Guru, la divinité suprême. Même si aujourd’hui la plupart des rites de la religion
traditionnelle bugis ne sont plus observés, les lieux sacrés ont gardé leur importance
et des offrandes continuent à être faites aux ancêtres en un endroit réservé de la
maison.

LAISSER UNE RÉPONSE

Please enter your comment!
Please enter your name here