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Hiérarchie à la Balinaise

Contrairement aux échelons hiérarchiques des Hindous, déterminés dès la naissance, l’ordre de bienséance qui répartit les étrangers de Bali est basé… sur une simple émotion ! Surnommant l’île « le paradis terrestre », l’Occidental éprouve le besoin de s’en accaparer et d’en faire partie le plus possible. Quatre castes divisent la communauté de l’Homme Blanc :

Les sans caste
Le visiteur néophyte. Sa valise déborde de froufrous à la dernière mode estivale, achetés à grands frais avant le départ, car il ignore l’offre avantageuse qu’il trouvera sur place. Ce pauvre naïf est la victime parfaite pour subir toutes sortes de recommandations. Les conseils plus avisés sont dispensés, grâce à leur immense savoir des mœurs locales, par les membres de la deuxième caste.

Les bourgeois
Le touriste récidiviste. Peu importe si c’est son deuxième ou son énième séjour, il s’autoproclame « initié ». Introduit dans tous les secrets de « son île » et maîtrisant dix mots de bahasa, il connaît le coût exact d’une chambre d’hôtel et sait négocier le prix de la moto à louer. Affublé d’un t-shirt Bintang et d’un bermuda déchiré pour faire cool, il porte des tongs à 3.000 Rp pour faire local. Pour bien asseoir son ascendance sur le « sans caste », il lui révèle volontiers l’adresse du resto confidentiel au fabuleux rapport qualité-prix : « Un vrai bijou ! Le soir, avec les lampions, c’est tellement romantique ! Et en plus, on y mange typiquement balinais ! ». Mais ce qu’il adore avant tout, c’est expliquer Bali aux Balinais.

Les seigneurs
L’acheteur. Depuis des années, il vient régulièrement sur l’île pour couvrir ses besoins en produits d’artisanat. Lors de longues journées harassantes, il s’échine à écumer la foule des fournisseurs, justifiant ainsi son séjour de deux mois. Il domine le simple vacancier par son statut de pro et se permet même de piétiner certains privilèges de la « noblesse ». Par exemple, dénigrer la main-d’œuvre locale.

Les nobles
Le résident permanent. L’être suprême, admiré et envié par l’ensemble des autres castes : « Vous habitez ici à l’année ? Quelle chance vous avez ! ». Ce privilégié n’a plus besoin de faire étalage de son savoir, car il fait partie intégrante du tissu social. Faisant inévitablement du bisnis, il affiche une mine désabusée, résultat de son combat permanent contre les carences de ce « pays arriéré », et souffre le martyre à cause de l’incompétence des « indigènes ». Ce noble personnage domine ses semblables grâce à son ancienneté : « T’es là depuis 3 ans seulement ? Quand t’auras, comme moi, 10 ans de Bali derrière toi, tu comprendras mieux ! »

En venant à Bali, nous avons tourné le dos aux contraintes de notre patrie et trouvé ici une liberté nouvelle. La hiérarchique n’est pas une hydre dont les têtes en formes de castes repoussent sitôt coupées. Si nous ne nous laissons pas aveugler par l’orgueil et des préjugés, nous n’éprouvons pas le besoin de dominer notre prochain à tout prix !

Bali est imprégné de tant de beauté qu’il mérite que nous remplacions le petit bout de notre lorgnette par un objectif grand-angle. Non pas pour saisir la vue panoramique d’une rizière, mais pour discerner toute la gamme d’une harmonie trop fragile pour résister aux dissonances de la zizanie.

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