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Enrichis, croyants et homophobes

Avec le passage (laborieux) du mariage gay en France et le retour dans la Gazette de la rubrique des Indonésiens francophones « Reflets » consacrée ce mois-ci à la difficulté d’être homosexuel en Indonésie, ce sondage mondial sur l’acceptation de l’homosexualité du Pew Research Center ne pouvait pas mieux tomber. Organisée dans 39 pays auprès de
37 653 sondés et intitulée « Global Divide on Homosexuality », cette enquête pointe les pays musulmans du doigt pour leur intolérance envers les relations amoureuses entre personnes de même sexe. Décortiqués par l’agence de presse Reuters, les résultats du Pew Research Center n’ont trouvé quasiment aucun écho dans la presse indonésienne à part la publication de la dépêche in extenso dans le Jakarta Globe.

Et le verdict est sans appel : l’Indonésie demeure un des pays les moins tolérants au monde envers l’homosexualité. 93% des Indonésiens considèrent qu’il s’agit d’une inclinaison inacceptable. Et malgré le développement du pays, la situation n’évolue pas favorablement envers plus d’acceptation puisqu’ils étaient exactement le même nombre à la rejeter en 2007, lors de l’enquête précédente. Si les pays musulmans sont sans appel les plus opposés aux relations entre personnes de même sexe, on note que l’Indonésie y est même plus réfractaire que la Malaisie et le Pakistan, des pays pourtant réputés féroces envers les homos.

Globalement, l’homosexualité semble plus acceptée par les femmes et les jeunes générations que par les hommes âgés de plus de 50 ans, y compris dans les pays riches où le mariage homosexuel est un droit reconnu par la constitution. Comme la France par exemple où la différence entre ces groupes est de 10 points. De quoi émettre un sérieux doute sur l’impact de la libération sexuelle des années 70 puisque les anciennes générations semblent donc les plus coincées sur le sujet !

En Indonésie par contre, la différence entre anciennes et nouvelles générations n’apporte pas de fracture particulière sur la façon d’appréhender l’homosexualité. Le rejet est total et sans nuance. Seulement 4% des moins de 30 ans se disent en mesure d’accepter les relations sexuelles entre personnes de même sexe. Dans la tranche 30-49 ans, leur nombre diminue par deux (2%). Dans la zone Asie-Pacifique, l’Indonésie remporte la palme du pays le plus homophobe des nations ayant participé au sondage. Et dans les pays musulmans, l’Archipel arrive dans le groupe de tête, seulement devancé par des Etats comme le Nigeria, la Jordanie, l’Egypte ou le Sénégal. De quoi se poser de sérieuses questions sur la tolérance supposée des Indonésiens, si souvent célébrée, à commencer par eux-mêmes.
Doit-on y voir là aussi l’empreinte de plus en forte d’un islam conservateur et puritain importé d’Arabie Saoudite, comme certains semblent s’en inquiéter de plus en plus aujourd’hui ? Et qui aurait pour conséquence de jeter un voile d’austérité morale sans précédent sur toute la société indonésienne ? Illustré encore récemment avec cette campagne engagée par les partis musulmans du parlement pour exiger la levée de l’interdiction faite aux policières de porter le jilbab ? Alors que la classe moyenne est déjà évaluée à près de 70 millions de personnes et qu’on estime qu’elle doublera d’ici 2020, l’Indonésie ne devrait-elle justement pas devenir, en toute logique, plus ouverte et tolérante ? Les conclusions globales de l’enquête du Pew Research Center abondent pourtant dans ce sens en notant que « l’acceptation de l’homosexualité est particulièrement répandue dans les pays où la religion est moins centrale dans la vie des gens. Ce sont aussi les pays parmi les plus riches du monde. Par contraste, dans les pays les plus pauvres avec de hauts niveaux de religiosité, peu estiment que l’homosexualité doit être acceptée par la société. » L’Indonésie se pose donc là en exception aux conclusions du centre américain sur cette vaste
enquête : un pays qui s’enrichit certes, mais qui, au lieu de s’ouvrir comme on pourrait s’y attendre, notamment avec les pratiques démocratiques et l’émergence d’une société civile, cultive en même temps toujours un haut niveau de religiosité. Et l’intolérance qui l’accompagne.

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