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Education nationale : l’Indonésie au dernier rang

En décembre dernier, le ministre de l’Education nationale Muhammad Nuh présentait sa réforme des programmes scolaires. Une réforme qui, selon lui, allait permettre à l’Indonésie de combler ses lacunes en matière d’éducation. En résumé et en partant du constat ministériel que les jeunes Indonésiens travaillent sur trop de matières à l’école et que leurs sacs sont trop lourds, cette réforme consiste à mettre l’accent sur l’éducation religieuse et morale, au détriment des sciences et de l’anglais. La réforme fut attaquée par tout ce que le pays compte d’intellectuels, ainsi que par une majorité de professeurs, les premiers lui reprochant de représenter un énorme pas en arrière pour la compétitivité future des Indonésiens sur le marché mondial du travail et des affaires, les seconds l’accusant d’être inapplicable parce que non préparée. Le ministre a répondu aux critiques en affirmant que les sciences pourraient être absorbées par d’autres disciplines du nouveau curriculum et qu’il ne suffisait que de quelques mois pour maitriser l’anglais. La réforme va donc être appliquée dès la rentrée prochaine, mais au lieu des 102 453 écoles initialement incluses, seules 6325 le seront dès juillet prochain. Ce nouveau programme ne répond pas non plus à une critique ancienne sur les méthodologies de travail, les étudiants indonésiens étant formatés par un apprentissage magistral laissant peu de place à la créativité, à la formulation d’idées et d’opinions et à la pensée critique.
Muhammad Nuh a ensuite fait un retour très remarqué dans l’actualité à l’occasion des examens nationaux ces dernières semaines. La grande messe annuelle des examens était déjà réputée pour ses tricheries généralisées, elle l’a été aussi cette année en raison du retard dans l’impression et la distribution des épreuves. 11 des 34 provinces indonésiennes ont ainsi reçu les épreuves plusieurs jours après la date des examens. Le ministre a refusé de prendre la responsabilité de ces échecs, rejetant la faute sur les entreprises impliquées dans le processus d’impression des épreuves, ainsi que sur ses subordonnés et collaborateurs à la suite d’une enquête interne. Personne au sommet de l’Etat n’ayant jugé bon d’intervenir, Muhammad Nuh demeure jusqu’à maintenant le ministre de l’Education d’un archipel dont le système éducatif est en perdition.
Les événements médiatiques exposés ici ne sont en effet que des îlots cachant des maux bien plus profonds. Le gouvernement se refugie souvent derrière le fait que
20 % de son budget annuel (soit environ 35 milliards de dollars) est consacré à l’éducation, laissant ainsi penser que ce domaine est érigé en veritable priorité nationale. Mais un des problèmes réside justement dans la manière dont ce budget est dépensé. Les avertissements ne manquent pourtant pas. Dans un de ses programmes phares d’investigation, la chaine Al Jazeera dressait il y a quelques semaines un constat désastreux de l’état du système éducatif indonésien, images à l’appui. Il y a quelques jours, c’est la Banque Mondiale qui insistait dans un rapport dédié à la question sur l’inadéquation entre le budget de l’Education et la manière dont il est dépensé. La majorité est en effet destinée aux salaires des professeurs. Des études ont par ailleurs estimé que 40% de ce budget était détourné par les pratiques corruptrices des officiels du ministère de l’Education.
En 2012, l’« Economist Intelligence Unit », un organisme lié au magazine « The Economist » et fournissant recherches et analyses dans de nombreux domaines, a comparé la qualité de l’éducation dans quarante pays. L’Indonésie était un de ces pays et s’est classée dernière. De cette étude ressort entre autres que dans les zones rurales du pays seuls
60 % des élèves d’école primaire vont à l’école malgré neuf années de scolarité obligatoire. Même s’ils sont assidus, ces élèves sont souvent confrontés à l’absence de leurs professeurs. Ou à leur incompétence puisque cette même étude révèle que seuls 51 % des professeurs indonésiens ont les diplômes nécessaires pour enseigner.
En Indonésie, l’éducation nationale n’est plus un droit. C’est devenu un véritable business. Des frais généraux exorbitants et illégaux sont demandés aux parents, laissant de fait un grand nombre d’enfants défavorisés sur le bord de la route et créant une éducation à plusieurs vitesses selon que l’on soit issu d’une famille aisée ou non. La méritocratie et l’école pour tous sont des notions inexistantes et les plus aisés se tournent vers l’enseignement privé. Certaines pistes pouvant permettre à l’Indonésie de combler son retard semblent évidentes. La formation des enseignants doit être repensée ; les programmes scolaires ne devraient plus tourner autour des idées de religion et de morale mais au contraire mettre l’accent sur les disciplines qui permettront à l’Indonésie d’être compétitive sur la scène mondiale ; et la corruption doit être éradiquée afin d’offrir la même chance à chacun ainsi que des conditions optimales d’apprentissage.
Le long échec du système éducatif indonésien est à la source de tous les problèmes de l’Archipel. De son amélioration viendra la seule solution aux maux du pays. Les réformes actuelles ne semblent pourtant pas aller dans ce sens. Mais le gouvernement sait certainement qu’un peuple éduqué se montrera moins conciliant face à la corruption, à la collusion et au népotisme.

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