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DES ELECTIONS LOCALES AUX MULTIPLES ENSEIGNEMENTS, LOCAUX

Le 27 juin dernier, les Indonésiens étaient appelés à élire leurs gouverneurs, chefs de districts et maires dans 17 provinces, 115 districts et 39 municipalités, à moins d’un an des élections législatives et présidentielle. Si les enseignements sont nombreux, ils concernent davantage l’échelon local de la vie politique indonésienne qu’une préfiguration des élections générales à venir.

En totalité, ce sont des provinces comptant pour 175 millions des 260 millions d’Indonésiens qui étaient appelées aux urnes il y a quelques semaines, dont les quatre plus peuplées : Java-Ouest, Centre et Est, et Sumatra-Nord. A moins d’un an des élections générales d’avril prochain, les résultats étaient donc scrutés afin d’anticiper les potentielles répercussions nationales à venir.

Le premier enseignement concerne la participation. A plus de 70%, celle-ci est forte et confirme l’enthousiasme des Indonésiens pour leur droit de vote et le choix direct de leurs leaders. Cette conscience politique croissante semble s’accompagner, au moins dans les régions les plus développées, d’une appréciation elle aussi croissante pour des candidats perçus comme compétents ou ayant prouvé cette compétence à des postes différents dans le passé.

L’exemple le plus marquant tient dans l’élection de Ridwan Kamil à Java-Ouest. Maire de Bandung, la principale ville de la région, architecte de formation passé par les Etats-Unis, il est perçu comme un modéré qui a digitalisé une partie des services rendus aux citoyens de la ville tout en la rendant plus verte. Son élection à la tête de la province la plus peuplée du pays (près de 50 millions de personnes) et plutôt traditionnellement conservatrice est un signe de maturation politique selon les observateurs.

De la même manière, la réélection de Ganjar Pranowo à Java-Centre et le choix de Khofifah Indar Parawansa, une ancienne ministre du Président Jokowi à Java-Est ont été interprétés comme des choix rationnels. Tout comme celui de Nurdin Abdullah, un professeur ayant démontré sa compétence dans le district de Bantaeng, à la tête de la province de Sulawesi-Sud.

A l’échelon local, ce sont ainsi les personnalités des candidats davantage que les noms des partis qui les soutiennent qui semblent prévaloir dans les choix des électeurs. Une tendance qui confirme la désaffection indonésienne pour les partis politiques, perçus comme corrompus, sans programme et incapables de renouvellement de cadres.

D’après les résultats, le PDI-P, principal parti soutenant le Président Jokowi, n’a vu que quatre des candidats qu’il soutenait être élus dans les 17 provinces soumises au vote. Une extrapolation nationale montrerait ainsi une tendance très négative pour la réélection du Président sortant l’année prochaine.

En continuant à considérer l’affiliation politique, il ressortirait que les grands vainqueurs des élections régionales de juin sont le Nasdem, le PAN, Hanura et Golkar, qui ont tous vu plus de 50% de leurs candidats être élus localement. Or, mis à part le Golkar, qui avait pris la deuxième place avec 14,75% des voix, tous les autres partis précédemment cités n’avaient pas attiré plus de 8% des voix aux élections générales de 2014.

Tout cela confirme que les électeurs indonésiens font une grande différence entre les élections régionales, où l’« électabilité » et la personnalité des candidats sont les facteurs majeurs, et les élections législatives où l’affiliation partisane prend davantage de sens et d’importance.

Pour les élections locales, les partis politiques sont vus comme apposant leur nom auprès de celui d’un candidat, et pas bien plus. L’attirance pour un candidat se fait davantage sur des critères locaux, qui outre la compétence ou les positions passées, peuvent également être d’ordre religieux ou ethnique. Ainsi, à Kalimantan-Ouest, l’identité politique locale fut le facteur majeur entre une paire de candidats siglée Dayaks chrétiens et une autre répertoriée comme représentant les Malais à majorité musulmane. Pendant la campagne, l’identité religieuse fut ainsi au cœur du débat.

A Sumatra-Nord, le candidat du PDI-P et ancien éphémère gouverneur de Jakarta Djarot Saiful Hidayat a perdu l’élection parce que principalement considéré comme étranger à la province. Malgré sa réputation de politicien « propre », de nombreux électeurs ne souhaitaient pas d’un gouverneur au manque d’affiliation locale et parachuté. Il a aussi peiné à recueillir le vote musulman alors que son colistier était de confession chrétienne.

Les questions ethniques et religieuses ont donc pris une part dans ces élections, mais pas autant que redouté par beaucoup d’analystes. A ce titre, l’élection du maire de Bekasi revêtait une importance symbolique forte. Rahmat Effendi, le maire sortant de cette ville de 2,7 millions d’habitants à la bordure de Jakarta, y a été réélu avec plus de 60% des suffrages. Effendi, un musulman, avait essuyé les foudres des musulmans radicaux pour avoir autorisé la construction d’une église dans cette ville très pieuse après 17 ans de palabres de la part des autorités locales.

Victime de campagnes haineuses et mensongères sur les réseaux sociaux, il a tenu bon et en a été récompensé. A Java-Ouest, Ridwan Kamil a aussi été accusé de ne pas être « assez islamique » avant d’être finalement élu gouverneur. Dans les deux cas, le dénominateur commun s’appelle le Front de Défense de l’Islam (FPI), qui avait aussi été la force numéro un derrière les immenses manifestations ayant entrainé la défaite puis l’emprisonnement de Ahok l’année dernière. Leur influence aura été bien moindre à cette occasion.

Une autre tendance positive dans la politique locale indonésienne a été la mise en demeure faite à plusieurs dynasties locales. Sumatra-Sud, Kalimantan-Ouest, Kalimantan-Est, Sulawesi-Sud, Sulawesi-Sud-Est et Moluques-Nord ont toutes vue la défaite de candidats dynastiques. Ces résultats ne préjugent en rien de la possibilité pour ceux-ci de revenir en jeu dans un futur plus ou moins proche, mais ils montrent encore cette demande de changement de la part des électeurs.

On le voit, les élections régionales de juin ne manquent pas d’enseignements. Pour la plupart, ceux-ci vont dans le sens d’une maturité politique accrue de la part des électeurs. Néanmoins, les considérations électorales appliquées aux scrutins locaux ne peuvent être symétriquement apposées aux élections générales.

Si Jokowi demeure l’immense favori à sa réélection en avril prochain, la violence des attaques extrémistes qu’il devra subir sera bien supérieure à celle observée cette année. Et les choix des électeurs seront basés sur d’autres motivations. La démocratie indonésienne sort indemne des élections 2018. Avec l’enregistrement des candidats à la présidence et vice-présidence ce mois-ci, ce sont les élections de 2019 qui s’annoncent.

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