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Beau-père … à la Balinaise

Il n’y a pas que George W. Bush qui est un « re-born ». Mon beau-père l’est également ! Ma femme est issue d’une famille de brahmanes. Quand son père fut ordonné prêtre, il dut d’abord mourir ! Le lendemain, il renaissait avec le titre de Ratu Pranda Lanang. Pour cet événement, il lui fallait renouveler entièrement sa garde-robe. Même le lit devait être neuf : normal pour un nouveau-né. Ses deux épouses devenaient des Ratu Pranda Isteri. Elles peuvent ainsi le remplacer le cas échéant. Leur existence est désormais consacrée à l’exercice du culte, ce qui met fin à leur statut parental. Le jour où ils devenus prêtres, ma femme a perdu ses parents. Elle doit désormais s’adresser à eux en employant le titre Ratu.

Mon beau-père a toujours été un homme extrêmement actif, comme le prouvent ses 21 enfants. Très impliqué dans la vie communale, il s’est longtemps refusé à devenir guide spirituel. Mais pour des raisons de lignée, son père, son grand-père, et son arrière-grand-père avaient tous été prêtres, il s’est finalement résigné au sacerdoce. À Bali, on ne va pas contre sa destinée ! Un pedanda doit maîtriser les textes sacrés. Libellés en kawi sur des feuilles de lontar, ces écrits anciens sont très ardus à mémoriser. Surtout quand on est d’un âge canonique. Les Ratu Isteri bouillonnaient d’impatience : une quinzaine d’années plus jeunes, elles apprenaient plus vite. Après 6 mois d’un dur apprentissage quotidien, un prêtre devait vérifier que tout avait été bien retenu. Un tel « examinateur » doit être plus âgé que le candidat. Mes beaux-frères ont sillonné l’île pendant des semaines avant de dégoter un pedanda de plus de 84 ans, encore assez valide pour le déplacement.

Un prêtre est si respecté que nul doit se placer au-dessus lui. Conséquemment, mon beau-père ne peut plus passer sous un pont. S’il doit se rendre en ville, il évite d’entrer dans des maisons à étages. Lors de son ngaben, sa tour de crémation sera moins élevée que celle de son père qui mesurait huit mètres. Aujourd’hui, les câbles électriques le long de la route interdisent de telles hauteurs. On ne passerait pas aux carrefours et ne pourrait effectuer le trajet en zigzag nécessaire pour perdre les mauvais esprits. Il lui restera le sarcophage en forme de taureau, réservé aux brahmanes. Caste suprême, mais finalement pas si privilégiée que ça !

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