Accueil Papua, île aux trésors

Une photo de famille à 25 dollars

9 novembre 2007

7h00

Les habitants des villages d’Aorket et Primapun sont réunis sur la plage. Tout le monde est là comme sur un marché populaire, chacun attend debout devant ses biens que je choisisse. Il y a de tout et il faut être patient. La marchandise de qualité est cachée et les belles pièces ne seront présentées que bien plus tard.
Une fois mes achats réalisés, je prétexte de devoir partir avant la marrée descendante.Mokhtar et Tinus, un jeune de la tribu, se chargent de tout embarquer sur la pirogue. Je dois dire au revoir au cousin de Mokhtar et le remercier pour son hospitalité. Je suis suivi de deux secrétaires de tribu assermentés, vêtus de leurs beaux uniformes municipaux. Ceux-là, ils veulent des sous !
Tous deux s’assoient dans la cabane du cousin de Mokhtar et me présente chacun un grand carnet ou je dois écrire mon nom et apposer ma signature ainsi que le montant de la redevance que je suis prêt à leur payer. Je leur explique que je suis là uniquement pour récolter le fruit du travail du peuple et que mon argent ne va qu’au peuple en échange de son travail.
Ils se fâchent et menacent de saisir ma cargaison si je ne leur verse pas 100 $ chacun. Etant contre tout type de corruption, je prétends avoir tout dépensé avec les villageois. Il ne me reste que 4 $ dans mon porte-monnaie et je donne 2 $ à chacun. Ils protestent, alors je propose à l’un de prendre les 4 $ et à l’autre de lui donner ma lampe électrique. Ils finissent par accepter.
De retour sur la plage, la marée a baissé et la pirogue est échouée. Il nous faudra une demi-heure avec l’aide d’une dizaine de jeunes pour la remettre à l’eau.

10h00

Notre canoë arrive à Kayrin. Tinus nous montre le chemin à marée basse. Une fois sur la plage, je demande au premier homme qui se présente de m’emmener auprès du chef.
Nous nous enfonçons dans la jungle. La maison du chef est la dernière de la grande allée centrale qui traverse le village. Le terrain est boueux, en lisière de forêt et, une fois de plus, il faut garder son équilibre sur des troncs couchés. Finalement, j’arrive à la maison du chef, à qui je remets le paquet coutumier.
Je lui explique que j’ai peu de temps et que j’aimerais qu’il réunisse tous les habitants sur la plage avec leurs objets à vendre. Les nez percés me proposent des colliers en os humains sans se faire attendre mais je me concentre sur les boucliers et les tifa.
Le chef de la tribu nous a rejoints. C’est un homme d’une quarantaine d’année, le teint pâle, l’air intelligent. Il est accompagné de son fils de 16 ans. Le jeune homme a aussi le teint assez pâle, comme un métis. D’une main, il tient un énorme tifa, récent, mais digne d’un chef, de l’autre un superbe salawaku. Fier, il reste sagement derrière son père.
Je me tourne vers le chef et lui demande combien il veut pour le tifa et le bouclier. Il sourit mais ne me répond pas. Je lui propose le double de ce que j’ai donné aux autres, il accepte et apprécie mon geste.
Je dois maintenant m’en aller. La foule est toujours agitée autour de la pirogue qui manque à plusieurs reprise de se renverser. Pour trouver une sortie, je propose une grande photo de famille, que tout le monde accepte, mais en échange de 10 $ la photo. J’acquiesce à condition que cela revienne au chef. Il accepte mais demande 20 $.
Je prends une première photo puis, j’en reprends une et là, un individu me regarde méchamment et dit : « Maintenant c’est 40 $. » Je regarde le chef qui continue de me sourire.
Je lui tends les 20 $ promis. Il m’en demande 5 de plus. Je lui donne et il s’éloigne. J’essaie de faire une dernière photo mais des cris fusent : « On est pas des marionnettes ! » Je range vite mon appareil.

11h30

Nous naviguons maintenant vers la tribu de Bayun, à une demi-heure de Kayirin. Une fois sur la berge, je demande où je peux rencontrer le chef. On m’annonce qu’il est à Basim.
Je questionne les gens pour savoir s’ils ont des objets à vendre. Quelques-uns me présentent des articles mais la plupart d’entre eux sont avec le chef à Basim pour une cérémonie. Je me contente de quelques boucliers et couteaux en os de casoar.

12h30

Nous remontons la rivière de Bayun à Simsagar.

13h30

Nous accostons sur un ponton. Je me rends à la case du chef qui est sous la douche. On me fait patienter. Dès son arrivée, je monte le petit escalier fait de branches. Des hommes étalent à mes pieds des nattes une à une jusqu’à lui.
Je m’assois en tailleur et lui remets le paquet coutumier. J’explique le but de ma visite, qu’il prend très au sérieux, et j’insiste sur le fait que la marée descend et que je recevrai les gens directement sur la pirogue. Il accepte et donne ordre aux autres hommes de rassembler les objets. Je me rends compte aussitôt que tout le village connait déjà la raison de ma visite et m’attend au ponton.
Je demande que l’on m’apporte les salawaku en premier. Ainsi, je récupère une vingtaine de boucliers magnifiques. La pièce la plus ancienne est celle du chef de la tribu qu’il a hérité de son père. Les négociations sont rapides et honnêtes. La pirogue, malgré son large volume, est quasiment pleine.

15h00

Nous rentrons plus profondément dans le territoire de Pantai Kasoari. Mokhtar me suggère de reprendre le chemin vers la mer en direction de Santambor. Notre niveau de carburant ne nous permet pas un retour sur Basim et il est difficile de trouver du pétrole à moins de 3 $ le litre.

15h30

Nous arrivons à Santambor, moins chaleureux que Simsagar, où je ne récolte quasiment rien. Le chef du village, grand et maigre, une trentaine d’années, souhaite se rendre à Basim avec nous.
La marée est maintenant à son plus bas, on a du mal à sortir du couloir qui rejoint la mer. Heureusement que le chef nous aide mais le moteur cale et il faut 15 minutes à Mokhtar pour le redémarrer. Le chemin vers Basim se fait sous la pluie.
A Basim, le chef de la tribu de Santambor ne nous lâche plus. Il reste planté devant la maison du père de Mokhtar. Il me
fait comprendre qu’il veut aller à Agats avec nous.
Nous ne pouvons nous permettre de prendre une quatrième personne sur la pirogue. Après une heure de discussion, il finit par s’en aller.

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