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Un homme de coeur derrière la camera

« Elle dégage une telle force de vie et une telle émotion que ma rencontre avec elle a été décisive pour la relance de ce projet », explique ce réalisateur de 54 ans au sujet de Zoé Félix, l’actrice principale de son dernier film. Il est vrai que « Toute la beauté du monde », film sorti en 2005, a déjà une longue histoire, puisque l’idée même du scénario remonte à 1989. « J’étais en train d’écrire un article sur Dustin Hoffman lorsque l’idée m’est venue », se souvient Marc Esposito. « Une femme perd son mari et sur la suggestion d’une connaissance, part à la découverte de Bali, de Lombok, de toute la beauté du monde, pour chercher à se reconstruire », poursuit-il. Ce film d’amour, qui repose sur le charisme de Zoé Félix, explore le thème difficile de la perte de l’être aimé.

Fondateur du magazine de cinéma « Première » dans les années 70, puis de « Studio » dans les années 80, Marc Esposito a quitté son poste au sein de cette entreprise de presse en 1993 pour écrire à Bali le scénario de ce film qui lui tenait tant à coeur. C’est avec seulement une vingtaine de pages écrites à Paris qu’il débarque pour la première fois à Bali en 1994. Il y restera deux mois et fera les repérages dans la foulée. Une fois écrit, le scénario ne motive cependant guère les producteurs qui veulent un nom d’actrice connue à associer à l’histoire. Une star, longtemps pressentie, fera finalement faux bond, et le projet repartira dans les cartons. Pas pour Marc, qui décide d’en faire un roman. Le livre est écrit en un an et sort en 1999.

C’est grâce au succès de son premier film de fiction, « Le Coeur des hommes » et à la rencontre avec sa jeune actrice, que le projet redémarre. Le tournage à Bali, qui débute fin 2004, a duré huit semaines, auxquelles il faut ajouter une semaine en Thaïlande et quatre en France. Sur le terrain, une vingtaine de Français et de 40 à 70 Indonésiens, recrutés pour tourner dans des lieux que la plupart des lecteurs de la Gazette connaissent parfaitement. « On circulait tous en bebek », précise-t-il. Marc Esposito garde un excellent souvenir de cette aventure cinématographique du bout du monde qui s’est déroulée sans le moindre accroc. « Nous aurions eu plus de problèmes à tourner en France », précise l’ancien journaliste avec humour.

Marc Lavoine est l’autre pilier sur lequel repose « Toute la beauté du monde », pour le rôle clef que le scénario lui donne, en spécialiste de l’île et de la région, mais aussi pour l’expérience personnelle qu’il a de Bali. Le chanteur des « Yeux revolver » y venait déjà il y a une vingtaine d’années pour rencontrer Wana, son maître spirituel, également un expert des arts martiaux, malheureusement décédé depuis. Les deux Marc de l’équipe étaient donc porteurs de ce même amour pour Bali. Soumis à cette « attirance mystérieuse et à cette émotion particulière » qui laissent envisager « la possibilité de vies antérieures », comme l’explique le cinéaste, qui a rencontré ici des dukun lors d’expériences spirituelles.

« Bali est sans doute plus beau qu’avant, plus beau qu’il y a des dizaines de milliers d’années », poursuit Marc Esposito, convaincu qu’ici la culture a embelli la nature, et s’étonne que « malgré les touristes, les Balinais ont su rester cool ». Pour ce voyageur passionné, qui a connu l’Afrique, mais surtout l’Asie, Bali reste la destination numéro un et il imagine déjà y prendre sa retraite de réalisateur, « peut-être pour écrire ». A noter que son photographe de plateau, Patrick Richard, n’a pas attendu la retraite puisqu’il y vient de s’y installer, victime lui aussi d’un terrible coup de foudre pour l’île et ses habitants.

Hormis les deux protagonistes de l’histoire, le film montre également des amis « expatriés », établis de longue date à Bali. Ceux-ci fument du cannabis à tout moment, laissant croire qu’une nonchalante permissivité est la règle en la matière. Inutile de rappeler à nos lecteurs qu’entre la réalité et la fiction il y a un monde, dont toute la beauté ne suffirait à faire oublier les lourdes sanctions qui pèsent sur les consommateurs de drogues dans ce pays, fussent-elles douces. Le livre et le film (qui a fait 600 000 entrées en France) vont sans doute donner à de nombreux Français l’envie de venir par ici, il serait navrant qu’une partie d’entre eux se retrouvent en pension complète à L.P. Kerobokan…

Toujours dans le registre de l’illégalité, Marc Esposito affirme n’avoir rien contre la vente en DVD pirate de son film dans les magasins de Bali, au contraire, conscient qu’il est que « le faible pouvoir d’achat des Indonésiens ne leur permet pas d’acheter des originaux ». D’autant que jusqu’à présent, le seul distributeur indonésien de films étrangers ne s’est toujours pas décidé à diffuser le film en salles et que ce sera sans doute la seule chance de le voir ici. Les films de fiction à Bali sont rarissimes, tout au plus se souvient-on de « In road to Bali », un film hollywoodien des années 50 tourné en studio avec des décors de carton-pâte, et « Emmanuelle 2 », dont les scènes balinaises sont en fait des stock shots. « Toute la beauté du monde » est probablement le premier film de fiction vraiment tourné sur place et offre aux amateurs un véritable régal pour les yeux.

Pour Marc Esposito, ce pied-noir qui parle avec son cœur, et qui s’apprête à tourner la suite du « Cœur des hommes » en France à partir de septembre prochain, la page balinaise est temporairement tournée. Il lui reste cependant les chansons de Mayangsari, celles de Krisdayanti et d’Anang, qui illustrent de nombreuses séquences du film, et enfin ce bebek qu’il a acheté chez un concessionnaire parisien et avec lequel il affronte tous les jours le froid et la grisaille de la capitale…

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