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Un festival de chenilles!

En tirant les rideaux la nuit dernière, j’ai vu quelque chose qui ressemblait à un petit amas de poussière que j’ai envoyé sur le sol d’une pichenette. Ca s’est mis à se tortiller puis à ramper sous l’interstice de la fenêtre puis a disparu. Quand mon bras a commencé à me démanger puis à brûler, j’ai réalisé trop tard qu’il s’agissait en fait d’une… chenille.
Janvier 2013 a été très humide, la pluie tombant cette année plus régulièrement que je ne puisse m’en souvenir par le passé. Cette humidité supplémentaire a reverdi les paysages séchés, de nouvelles pousses et de nouvelles feuilles ont bourgeonné partout apportant une palette chatoyante de couleurs aux paysages de Bali. Toute cette nourriture végétale a fait le bonheur des animaux herbivores, les stimulant dans leur reproduction puisque leurs jeunes peuvent ainsi tirer avantage de cette nouvelle végétation douce. Parmi eux les lépidoptères, plus connus sous le nom de papillons. Bali recèle de centaines d’espèces de papillons de jour et de nuit et, à cette période de l’année, ils représentent un des groupes d’animaux les plus visibles, volant alentour de jour comme de nuit, déployant leur longue trompe pour aspirer le nectar de mes bléphilies.
Pendant ces vols, les femelles vaporisent des phéromones, des stimulants sexuels qui attirent les males dont les antennes frémissent comme de petites plumes afin d’attraper les minuscules molécules de senteur. Invisible et sans odeur pour nous, ces nuages chimiques de papillons emplissent l’air néanmoins et c’est un spectacle de voir plusieurs males faire des loopings dans le ciel, chassant le parfum de la femelle dans une danse nuptiale aérienne. L’heureux gagnant se retrouvera quelque part dans la végétation avec sa promise et ils resteront là assis, queue à queue, quelquefois pendant des heures, à se reproduire.
Une fois le rapport terminé, la femelle, lourde de ses œufs, aura besoin de trouver un endroit adéquat pour les déposer. Au microscope, ces œufs sont merveilleusement sculptés, leur forme dépendant de l’espèce à laquelle ils appartiennent. L’abondance des espèces de plantes permet à chaque type de papillon de sélectionner sa propre nourriture de prédilection et il est intéressant de noter que de nombreuses plantes d’importation n’ont absolument aucune défense contre ces chenilles affamées, au grand désarroi des jardiniers.
Après l’éclosion, les minuscules chenilles, au mieux quelques millimètres de long, commence à se nourrir et à croître. Les gens qui ont des jardins potagers peuvent s’alarmer rapidement de la vitesse à laquelle disparait le feuillage quand les chenilles sont lâchées. Quelquefois, comme cela s’est produit il y a quelques années à Bali, d’immenses armées de chenilles de certaines espèces deviennent une nuisance véritable, débarrassant entièrement les arbres fruitiers de leurs feuilles. Les chenilles changent de peau plusieurs fois avant d’atteindre leur taille maximale et certaines des plus grosses chenilles de papillons à soie auront la taille d’une saucisse de Francfort. En trouvant un de ces monstres, les gens sont généralement impressionnés, ne voulant pas croire qu’une simple chenille puisse atteindre une telle taille ! A la fin, la chenille comme ses milliers de cousins se transformera en pupe d’où sortira un splendide papillon et le cycle recommencera.
Bien sûr, quand cela se produit en telle quantité, ils représentent aussi un formidable banquet pour la vie sauvage locale, servant de plat à de nombreux oiseaux, lézards et grenouilles. Les volatiles en feront des heures sup, allant et venant constamment de leur nid, leur bec rempli de juteuses chenilles pour leurs petits toujours affamés. Et puis, de nombreuses araignées, mantes et autres guêpes sont aussi à l’affût des chenilles.
Par conséquent, avec autant d’animaux prêts à les dévorer, les chenilles ont développé une impressionnante série de défenses. Certaines se camouflent, comme ces minuscules chenilles qui prennent la couleur vert tendre des jeunes feuilles dont elles se nourrissent, alors que d’autres, plus grosses donc plus vieilles, deviennent vert foncé comme les feuilles également plus grosses et plus matures dont elles se nourrissent. Certaines fabriquent de petites tentes de feuilles séchées et de brindilles et elles circulent en transportant cette maison sur leur corps, devenant invisible lorsqu’un prédateur approche. D’autres encore ressemblent carrément à de petites brindilles, elles appartiennent à la famille des geometra et n’ont de pattes qu’aux extrémités avant et arrière de leur corps. Elles avancent en étirant le devant de leur corps puis regroupe l’arrière en pliant la partie du milieu presque de moitié avant de s’étirer à nouveau, comme si elles mesuraient la branche. Puis, il y a les noires et blanches qui ressemblent à des fientes d’oiseaux, une tactique connue chez les insectes. Certaines chenilles ont développé de vives couleurs afin d’avertir qu’elles ont mauvais goût ou sont carrément du poison (à manger des plantes vénéneuses, certaines chenilles en adoptent les propriétés et les prédateurs comme les oiseaux apprennent rapidement à s’en méfier).
Au final, il y a encore ces chenilles qui se protègent avec des épines et des poils. Elles sont de la sorte que nous humains n’aimons pas. Connues en anglais sous le nom de « Wooly bear caterpillars », elles se sentent facilement dérangées si on passe dans les bosquets d’un jardin et nous le font immanquablement savoir. Démangeaisons et brûlure peuvent durer des jours avant que le poison ne soit finalement digéré par notre système. En général, cela peut être soigné par une crème antihistaminique ou tout autre produit anti-inflammatoire, aussi vite que possible afin de réduire l’irritation. Mais quand les petits poils urticants sont dans les yeux ou toute autre partie cutanée sensible, il est nécessaire de suivre un traitement médical. C’est ce qui s’est produit lorsque j’ai tiré les rideaux. Je venais de rentrer en contact avec une chenille velue ! Elle était couverte d’épaisses épines noires pointues mais, entre ces dernières et sur deux extensions poilues de chaque côté de sa tête, il y avait d’épaisses touffes de minuscules poils urticants qui ont été projetés dans l’air en petits nuages.
Le jour suivant, l’irritation avait diminué ne laissant qu’une petite marque rouge qui ne me démangeait qu’occasionnellement. Cela aurait pu être pire. Peu importe le nombre de gens qui souhaitent sauver les forêts pluvieuses, ces bestioles qui piquent restent parmi leurs plus méchants locataires et font de la jungle un endroit définitivement inhospitalier pour la plupart des humains. Et dans notre désir de recréer cette jungle dans nos jardins ici à Bali, nous les invitons sans le savoir à vivre parmi nous. Toutefois, en contrepartie, je continue quand même d’apprécier cette célébration de la vie autour de moi. Je peux toujours aller dans le jardin en tenant mon parapluie ouvert à l’envers sous un bosquet, remuer les branches avec vigueur et m’émerveiller de cette pluie de chenilles et autres petites créatures qui tombent dedans !

Pour de plus amples informations sur la vie sauvage à Bali, contactez l’auteur à [[email protected] ->[email protected] ]ou par tél. 0813 3849 6700

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