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Sophie, Paris : un as de la VPC à Jakarta

Dans cet immeuble de 7 étages récemment inauguré dans le sud de Jakarta, on court en tout sens. Il faut dire que sortir un catalogue de plus de 200 pages tous les 45 jours avec 30% d’articles nouveaux, ça suscite une certaine pression sur les équipes. « Ce catalogue, c’est notre arme, nous le diffusons à 250 000 exemplaires à travers toute l’Indonésie, explique le président directeur, Bruno Hasson. Notre réseau de 350 agents se charge d’organiser des défilés dans les centres commerciaux pour présenter les nouvelles collections, ils sont tous très actifs et nous les soutenons sur le terrain toutes les semaines. » Les agents sont sélectionnés avec soin pour leur dynamisme et leur capacité à animer leur réseau, ils ont un intéressement sur les personnes qu’ils parrainent. « Notre meilleur agent gagne plus de 200 millions par mois, ça en fait rêver beaucoup », ajoute-t-il.

Ce patron français avoue ne pas souffrir de la copie comme nombre d’entreprises en Indonésie : « Nous sortons environ 300 nouvelles références à chaque catalogue, on prend tout le monde de court. La mode est éphémère, Mango ou Zara produisent aussi de nouveaux modèles chaque mois. Nous tachons de décliner au mieux les articles qui marchent sur la collection suivante. Tout est designé chez nous et c’est aussi une de nos forces. L’intégralité de nos produits sont sous-traités en Indonésie sauf les montres qui sont produites en Chine. C’est notre rapidité d’exécution qui est notre alliée, tout est envoyé chaque jour aux quatre coins du pays par avion, la logistique représente 6 à 10% de notre C.A annuel. »

Outre cette recette magique de la vitesse de production, du réseau d’agents actifs et bien rémunérés et la fréquence de sortie du catalogue, Sophie, Paris a aussi su trouver son créneau dans la mode « entre Zara et H&M, pas cher et pas cheap. Nous vendons environ 10 000 sacs par jour, beaucoup de cosmétiques et aussi des chaussures, Sophie est la marque préférée des Indonésiennes parce qu’elle leur donne l’impression d’être dans le vent sans dépenser trop. L’essentiel de nos articles coûtent moins de 200 000 Rp, un rouge à lèvres s’achète environ 10 000 Rp », poursuit-il.

Au sujet de la marque à consonance française qui a aussi beaucoup contribué à la réussite de l’entreprise qu’il dirige, le créateur émet des idées intéressantes : « Avant de lancer cette marque et de m’installer en Indonésie, j’avais tenté d’importer à Hong-Kong des produits artisanaux français haut de gamme. J’ai compris à ce moment-là que le made in France, comme gage de qualité, n’intéressait personne. Peu importe pour les asiatiques que les produits soient fabriqués en France, ce qui compte, c’est l’image qu’il véhicule. Nous avons monté une agence de mannequins qui utilise des modèles étrangères afin de satisfaire nos besoins en photos pour nos catalogues. Cette agence, Victory Model Management, nous permet de produire un catalogue tous les 2 mois avec l’illusion que les photos ont été prises dans un bel appartement parisien… C’est ça le rêve que procure notre concept. C’est très important. L’autre élément qui véhicule cet air de Paris, c’est la présence de notre équipe française lors des défilés et sur le terrain en permanence, ça assoit notre réputation de société française. Enfin, nous ne travaillons qu’avec des designers et directeurs artistiques français, ça contribue aussi à ancrer notre marque dans un ailleurs chic. »

Français, mais bien impliqué dans le tissu social et médiatique indonésien comme en témoigne le partenariat avec Dewi Arwel Hughes. « En matière de responsabilité sociale et environnementale, nous soutenons une seule cause à laquelle nous versons une bonne part de nos bénéfices, celle menée par Dewi Hughes contre les trafics humains en tout genre : travail des enfants, kidnapping pour les trafics d’organes… nous lui avons remis en public un chèque de 100 000 dollars il y a quelques mois », explique Bruno Hasson.

Le président de Sophie, Paris reconnaît devoir une partie de son succès aux circonstances favorables en Indonésie, entre autres à la fin des années 90, au moment de la chute de Suharto, « quand beaucoup d’entreprises ont fermé et que les importations étaient interdites, on a marqué des points, on était les seuls à proposer des produits sympa », se souvient-il. Il ne s’est pour l’instant installé que dans des pays en voie de développement et à petit marché tels que les Philippines ou le Maroc. Son rêve ? S’attaquer à des « économies mûres », entendez des pays riches. « Notre modèle économique n’est pas encore adapté à de grands pays, notre capacité de production ne pourrait pas fournir, il nous faut d’abord doubler notre chiffre d’affaires en continuant notre implantation à l’étranger à raison d’un nouveau pays par an, prochaine étape, la Roumanie », ajoute-t-il. Même s’il sait que la Redoute est en déconfiture et que la VPC souffre en France, Bruno Hasson rêve à haute voix de s’implanter un jour dans son pays d’origine, c’est tout le bien qu’on peut souhaiter à cet homme qui avait écrit, en 1994, un livre au titre prémonitoire : « Réussir en Asie ».

 

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