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Que penser du second cabinet SBY ?

Jamais dans l’histoire indonésienne un
président n’a joui d’une telle légitimité
populaire et politique. Son Parti Démocrate
est passé en cinq ans de nouvelle entité
à une force politique majeure du pays,
renvoyant à l’occasion des dernières
élections législatives les historiques PDI-P et
Golkar à leurs manquements. Le président
lui-même, non content de pouvoir compter
sur une majorité parlementaire confortable,
s’est fait réélire dès le premier tour de
scrutin avec 60% des suffrages, un quasi
plébiscite qui oblige ses adversaires, Jusuf
Kalla et Megawati, à prendre du recul et
à laisser le devant des scènes politique
et médiatique au grand vainqueur. Dans
la même veine, le choix de Boediono,
économiste respecté et apolitique, à la
vice-présidence avait été perçu par tous
comme un message fort : le second mandat
sera placé sous le signe de la compétence et
de l’efficacité. La légitimité acquise par SBY
lui permet de se passer des nominations
purement politiques.

L’annonce du cabinet composé par SBY
était donc très attendue. Bien que de
nombreuses fuites et spéculations aient eu
lieu dans les derniers jours, des surprises
de dernière minute pouvaient néanmoins
intervenir. Il y a effectivement eu des
surprises : malgré la chance unique que
les Indonésiens lui ont offerte, SBY n’a
pas fait le choix tant attendu de confier
la majorité des postes ministériels à des
professionnels. La première déception
tient du faible nombre de représentantes
féminines. Sur les 37 membres nommés
à des postes ministériels ou équivalents,
seuls cinq sont des femmes, dont deux,
Sri Mulyani et Mari Pangestu, étaient déjà
membres du précédent cabinet et très
fortement annoncées comme candidates
à un nouveau bail. Une déception quand on
sait que nombre de femmes indonésiennes
ont très largement les capacités requises
pour ces postes. Mais malheureusement,
pas une surprise après les récentes
déclarations de hauts responsables du
Parti Démocrate qui affirmaient qu’il était
encore trop tôt pour que des femmes
puissent prétendre aux plus hautes
fonctions de l’Etat.

Tous les observateurs espéraient
que beaucoup de professionnels, des
spécialistes dans leur domaine sans lien
avec un parti politique, feraient partie
de l’aventure afin de crédibiliser le
gouvernement et de le faire tendre vers
le choix de l’efficacité. Il n’en est rien.
20 des 37 membres sont issus de partis
politiques. Six postes ont été attribués
au Parti Démocrate du président, onze
aux partis musulmans issus de la coalition
(quatre au PKS, trois au PAN, deux au PKB
ainsi qu’au PPP) et trois ont même été
attribués au Golkar qui ne délaisse dès lors
pas complètement les arcanes du pouvoir.
Un résultat qui découle probablement de
la volonté du nouveau responsable de ce
parti, Aburizal Bakrie, de rester à tout
prix proche du centre décisionnaire, au
risque de provoquer des conflits d’intérêt.
Rappelons-nous Lapindo. Dès lors, comme
le suggère Yudi Latif, directeur exécutif
de l’Institut de Réforme, « l’annonce du
gouvernement confirme que la sélection
opérée par Yudhoyono est basée sur des
accommodations politiques bien plus que
sur d’éventuelles capacités afin de contrôler
sa coalition. C’est la raison pour laquelle il a
confié des postes à des individus ayant une
forte emprise sur leurs partis plutôt qu’aux
plus compétents et professionnels d’entre eux.
Dès lors, je pense que l’objectif d’avoir un
programme des 100 premiers jours efficace
est un non-sens. Environ 40% des ministres
occupent des postes qui n’ont pas de lien avec
leur spécialité. Ces ministres vont avoir besoin
de temps pour s’imprégner des nouveaux
dossiers qu’ils vont traiter. »

Un exemple allant dans ce sens est celui
de Purnomo Yusgiantoro. Le ministre
sortant de l’Energie et des Ressources
minérales, docteur en économie et en
ressources minérales, vient d’être nommé à
la surprise générale ministre de la Défense.
L’intéressé lui-même a reconnu qu’il n’y
connaissait pas grand-chose. Au chapitre
des nominations politiques, on retrouve
Freddy Numberi aux Transports. Ministre
sortant des Affaires maritimes et de la
Pêche, son ministère a vu la corruption
très sensiblement augmenter pendant
son mandat. Mais il représente un soutien
financier indéniable pour les campagnes de
SBY, expliquant certainement sa présence
à cet autre poste. Mais quand on sait le
besoin en infrastructures dont l’Indonésie
a besoin, et la promesse du président de
s’y attaquer, on peut légitimement se poser
quelques questions sur la manière dont
les grands chantiers nécessaires vont être
menés. On attendait enfin la présence de
Kuntoro Mangkusubroto à un poste de
coordinateur de la politique économique.
Celui-ci a fait preuve de ses compétences à
la tête du BRR, l’agence de reconstruction
et de réhabilitation d’Aceh, et a mené la
préparation du programme économique
des cinq années à venir dans l’équipe
présidentielle. Mais c’est Hatta Radjasa, un
des plus fidèles lieutenants du président, qui
va mener la politique économique du pays.
Sans être une complète désillusion, ces
choix interrogent. On sait que SBY a
souffert au cours de son premier mandat
de devoir composer trop souvent avec
les membres de sa coalition. On peut
certainement attribuer à cette faiblesse la
gestion désastreuse du cas Lapindo ou le
vote de lois comme celle anti-pornographie.
Dès lors, pourquoi accorder encore une
fois la part belle aux partis politiques ?
D’autant plus que le président était assuré
d’avoir une majorité parlementaire sans
avoir recours au Golkar, pour ne citer
que celui-ci. Accordons toutefois à ce
nouveau gouvernement le bénéfice du
doute et laissons-lui le temps de travailler.
Il sera dès lors temps de juger des progrès
entrevus pour les Indonésiens. Mais aux
yeux de beaucoup, le président Yudhoyono
a manqué la première occasion de donner
des gages de bonne volonté pour son
dernier mandat. Un mandat qui pourrait
lui permettre de laisser une marque
considérable dans l’histoire de son pays.

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