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Les îles Banda, un trésor qui disparaît

Il y a près de trente ans, j’ai visité les îles Banda qui, pour moi, représentaient un paradis pour naturaliste. Elles se situent au sud des Moluques, à près de 2000 km à l’est de Bali et à 200 km à l’est d’Ambon. A l’époque, j’avais vu des récifs coralliens si merveilleux, dans des eaux claires comme le cristal, que rien ne pouvait les égaler. Et alors que je faisais du snorkelling seul sur un de ces récifs de Banda, j’ai eu l’occasion d’une rencontre remarquable avec une femelle dugong (un gros mammifère marin de la famille des lamantins). Elle s’est approchée de moi, très près et, se tenant verticalement dans l’eau, se mit à m’observer. Envouté par cette sirène, je me décidais à la suivre. Alors qu’elle disparaissait au loin, je me rendis compte que j’étais entraîné par le courant marin, et j’ai dû nager dur pour sauver ma peau et, finalement, réussir à rejoindre la zone sécurisante du récif. Cela m’a servi de leçon ! Cette expérience et d’autres souvenirs ont fait des îles Banda un endroit très spécial pour moi.

Aujourd’hui, je ne voyage pas autant que je le pouvais auparavant et j’ai donc sauté sur l’opportunité de me rendre aux îles Banda à nouveau. Il y a six îles habitées – Naira, où la plupart des gens vivent, Banda Besar, le cône volcanique de Gunung Api, à 656 m, qui domine le paysage et a connu sa dernière éruption en 1988, Ai et Run, à l’ouest, et Hatta, à l’est. « Découvertes » par les Portugais en 1512, les îles Banda sont devenues le centre du commerce des épices au début du 17ème siècle, lorsque des quantités énormes de muscade, de macis, de poivre et de cannelle étaient expédiées en Europe, leurs valeurs supplantant celle de l’or. La flotte hollandaise fut suivie de la flotte britannique, qui lutta sans merci pour le contrôle du commerce des épices jusqu’à ce que, finalement, l’Angleterre échange avec la Hollande en 1667 l’île de Run contre celle de Manhattan, en Amérique, où la ville de New York fut par la suite érigée ! Les îles de Banda sont empreintes d’une histoire riche et sanglante, un héritage de la violence de la colonisation et du coût énorme en vies humaines au prix duquel l’Europe est devenue riche. Plus récemment, les îles Banda sont devenues le théâtre de conflits entre chrétiens et musulmans, qui ont démarré à Ambon en février 1999, et qui se sont répandus dans les Moluques, d’où les chrétiens ont finalement été éjectés.
Ces îles sont très loin des terres et on peut s’émerveiller de l’abondance des espèces qui y vivent et aussi de la façon dont elles y ont atterri. Les îles Banda sont bien à l’est de la ligne Wallace et possèdent une véritable faune australienne. Il y a 23 espèces d’oiseaux endémiques et une d’opossum connue sous le nom de kuskus, un marsupial mammifère pas plus gros qu’un écureuil. A Naira, nous en avons vu un monter le long des poteaux téléphoniques, sa silhouette touffue se détachant dans le ciel d’une nuit tombante. Sur les pentes forestières de Banda Besar, il y a d’anciennes plantations de muscade et de majestueux arbres kenari portant des amandes tropicales. De petits lézards détalent dans tous les coins parmi les racines en forme de pilier de ces arbres gigantesques, des Araneidae y tissent leur toile et il y a des histoires de pythons (qui ont dû arriver en nageant dans les courants de l’océan) allant dans les villages pour manger les poules.

La mer de Banda regorge aussi de richesses. Les pêcheurs utilisent des leurres faits maison qui ressemblent à des poissons volants qu’ils font voler comme des cerfs-volants au dessus de la mer. Quand le cerf-volant est tiré vers le bas, on sait qu’on a fait une touche. Si l’on en croit les pêcheurs, les stocks de thons, de requins et de mérous ont décliné de façon significative et les poissons en vente à l’étal sont désormais plus petits que par le passé. Toutefois, ils nous ont montré un thon de 85kg pêché récemment. Lorsqu’une telle prise est au bout d’une ligne à main, le canot du pêcheur peut être traîné en mer sur des kilomètres avant que le poisson n’abandonne, ou ne s’échappe. La houle peut être énorme, les courants puissants, difficile d’imaginer le cran qu’il faut avoir pour pêcher par ici ! Autour de la ville, d’énormes coquillages – conques trompettes, casques cornus, mélos et nautiles se retrouvent éparpillés dans les jardins. Nous voyons une tortue à écailles flâner le long du tombant du récif près d’Hatta. Il y avait des tortus luths aussi, mais personne ne se souvient d’en avoir vues récemment. La plupart des îliens portent des bracelets de corail noir bien que, comme les coquillages géants, il soit protégé par la loi aujourd’hui.

Il y a eu beaucoup de changements depuis ma dernière fois ici. Sur terre, des parties de la forêt d’origine ont été abattues pour faire du bois de chauffe ou du matériel de construction pour cette population sans cesse grandissante, qui est principalement constitué de migrants venus de partout ailleurs. Les îles Banda étaient un des sites de plongée les plus appréciés mais maintenant que n’importe qui peut prendre un pinisi pour Raja Ampat, près de la Papua, elles sont devenues une arrière-cour, même si elles demeurent une étape des courses de yachts entre Darwin et Hong Kong. Les entrepreneurs du coin parlent avec enthousiasme d’un prochain boum touristique et construisent de nouveaux hôtels. Le commerce de la muscade, du macis et de la cannelle continue de fournir une source de revenus conséquents, comme en témoignent toutes ces maisons qui sortent de terre. Par comparaison, les ruines des vieux forts hollandais et anglais sont délabrés et envahis par la végétation et les quelques résidences hollandaises anciennes qui n’ont pas été démolies, périclitent. La piste aérienne est calme et les îles sont jonchées de constructions calcinées et d’une quantité grandissante d’ordures. Pour certains des locaux, le passé des îles Banda est à oublier…

Je voulais voir si je pouvais rencontrer des dugongs sur Ai et Run. Leurs défenses servent à faire des fume-cigarettes et leurs larmes sont supposées avoir de grands pouvoirs magiques, donc, ces aimables brouteurs sont presque éteints. Parce que nous sommes venus en juillet, il a plu chaque jour et les alizées de l’est rendent les voyages en mer peu sûrs. Les îliens affirment que beaucoup des récifs ont été détruits par les pêcheurs à la dynamite. Par conséquent, avec regret, nous avons décidé d’opter pour le ferry surpeuplé afin de rejoindre Ambon.
Les petites îles d’Indonésie sont particulièrement fragiles et vulnérables devant la croissance rapide des populations. Par conséquent, si vous voulez apprécier leur beauté et rencontrer les autochtones, je conseillerais d’y aller sans tarder avant que tous ces trésors ne soient perdus pour toujours.

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