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Les grottes, des lieux de mystère et de peur

Il y a quelque chose de très excitant à entrer dans une grotte, à laisser dehors la chaleur et ramper dans le noir. Avec ses odeurs froides et humides et peut-être aussi ses courants d’air frais, on sait qu’on met les pieds dans un monde très différent. Et quand la lumière de l’entrée diminue, mes yeux sont à la peine de percevoir quoi que ce soit, à l’exception de l’intense obscurité. L’odeur du guano de chauve-souris est étouffante. Il y a quelque chose de particulier à être dans cet environnement, le noir y est plus intense et complet que lors d’une nuit sans étoiles. Et puis je prends conscience des millions de tonnes de roche au-dessus de ma tête et, alors que la lumière de ma faible lampe-torche m’aide à trouver mon chemin au milieu de ces rochers de la taille d’une voiture tombés de la voute, j’essaye de ne pas penser à ces îles si sujettes aux tremblements de terre. Etre écrasé par une chute de rochers serait terrible mais finir vivant mais piégé sous terre sans espoir de secours serait encore bien pire !

Deux sortes de grottes naturelles sont à noter en Indonésie. Ce sont d’abord celles de calcaire ou de grès, que les eaux de rivière et de pluie s’insinuant à travers la roche ont creusées, laissant derrière tunnels souterrains et galeries. En second, il y a celles formées par la lave en fusion des volcans en éruption qui est descendue en aval, laissant derrière des tunnels de coulées de lave. A cause de la géologie de l’Indonésie, les cavernes des plus grandes îles de l’Ouest (Bornéo, Sumatra, Java et Célèbes) et de la Papua à l’extrême-est sont sur d’anciennes zones terrestres et par conséquent matures. En contraste, de nombreuses grottes calcaires de Bali, Nusa Tenggara et des Moluques ont été formées il y a seulement un million d’années – et pour les plus récentes, seulement dix mille ans – comme conséquences du grand soulèvement calcaire qui a envoyé des parties du fond marin au dessus du niveau de la mer.

Cependant, un grand nombre de cavernes et de tunnels sur ces îles ont été percés par les hommes et ces voûtes souterraines sont la preuve du labeur éreintant et de la peine endurée par ces gens qui étaient souvent forcés à creuser cette roche sans pitié, quelquefois jusqu’à y mourir d’épuisement. Les grottes ont aussi été des cachettes pour échapper à ses ennemis. A Célèbes, j’ai parlé à un vieux villageois qui se souvenait que toute la population de son village s’y était cachée pendant des semaines à l’époque de l’occupation japonaise.

Les grottes (gua en indonésien) sont souvent perçues par les autochtones comme des endroits de mystère et de magie et nombre sont devenues des sites sacrés où des générations de prêtres s’y sont assis dans le noir pour prier et méditer. A Florès, des autels à la vierge Marie gardent les entrées de certaines cavernes. A Bali, la Grotte de l’éléphant (Goa Gaja), réalisée de mains d’hommes, est un élément d’un ancien ensemble de temples.
Et la représentation et les autels devant la Grotte de la chauve-souris (Goa Lawah), le long de la côte sud-est de l’île, sont des lieux de prières quotidiennes. Ces deux sites sont également des attractions touristiques. Les guides de cette dernière sont d’ailleurs toujours enclins à raconter des salades sans fin sur l’importance de cette grotte, à la fois comme cachette de différents princes et autres héros d’époques révolues mais aussi comme la demeure d’un dragon géant (naga). La longueur de la caverne varie entre 5 et 11 km selon à qui vous demandez, mais tous sont d’accord pour affirmer qu’il y a une autre entrée à cette galerie quelque part sur les pentes du volcan sacré Agung.

Sans doute, les grottes déjà connues– et il en reste de nombreuses à découvrir – ont besoin de la protection que leur donnent les tabous religieux et culturels sinon elles seraient rapidement abîmées si on en autorisait l’accès. Un exemple peut être vu à Nusa Penida, une île au sud-est de Bali, dans une grotte composée entièrement de calcaire. Puisque l’endroit est utilisé pour différents rituels religieux et est aussi visité par les touristes, on y a installé l’électricité. La lumière des ampoules a déclenché l’apparition d’une algue sur les parois, qui a le potentiel de les fragiliser. Et puis, toute la vie sauvage nyctalope a disparu de cette immense voûte caverneuse pour se réfugier dans les galeries laissées dans le noir.

Pour moi, la vie dans ces grottes est fascinante. La biospéléologie, l’étude des organismes qui vivent dans les grottes, révèle constamment de nouvelles et uniques espèces animales. En plus des nombreuses espèces de chauves-souris et autres mammifères qui y vivent, ces grottes recèlent d’uniques insectes, scorpions, poissons, oiseaux et reptiles vivant dans le noir. Nombre d’entre eux n’ont pas d’yeux car ils n’en ont aucun besoin.

Au centre de Sumatra, un vieux paysan m’a invité à visiter l’entrée d’une caverne qui selon lui était la cachette d’un tigre. En effet, il y avait des poils et des déjections autour de l’entrée et l’odeur piquante caractéristique de ces grands fauves qui refoulait des profondeurs de la grotte. D’une voix étouffée, tout en plaçant une petite offrande à l’entrée de la caverne, le paysan m’a régalé d’histoires de villageois, adultes comme enfants, y ayant été amenés par des tigres, et m’a assuré qu’il ne nous ferait aucun mal tant que nous payons notre respect à ce « seigneur de la jungle » sans égal. Celle-ci, je l’avoue, je ne l’ai jamais explorée !

Alors que les hommes des cavernes s’y réfugiaient pour se protéger du mauvais temps et des bêtes sauvages, les traces de leur présence en Indonésie sont rares car la plupart des objets ou restes trouvés dans ces grottes sont depuis longtemps dans les musées et les collections privées. Celles accessibles aux visiteurs d’aujourd’hui sont très mal gérées, les stalactites formées depuis des millions d’années par le lent goutte-à-goutte d’une eau riche en minéraux étant arrachées et écrasées sans vergogne et les noms des visiteurs grossièrement gravés sur les parois. La vente de cet héritage ancien de l’Indonésie aux collectionneurs étrangers pour quelques rupiah a laissé ces sites préhistoriques dénudés et l’état lamentable des musées du pays, avec leurs maigres assemblages de restes de la Préhistoire et quelques poteries, est un témoignage du manque d’intérêt et de compréhension de la part des gens d’ici. Bien des grottes, qui furent avant pleines de chauve-souris, d’oiseaux et d’autres animaux uniques, sont maintenant vidées, y compris les grandes grottes le long de la côte sud de Java, pillées pour y placer les nids d’oiseaux avec lesquels sont faites les soupes. Pour moi, il s’agit d’une perte tragique et le pays s’en trouve d’autant plus pauvre.


Pour de plus amples informations sur la vie sauvage à Bali, contactez l’auteur à
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