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Les envoyés du Christ sur Terre

Le Pilatus Porter des missions américaines MAF décolle de la petite ville de Wamena (Papua occidentale, province de la Baliem) pour la mission éloignée de Boma, au nord du territoire Asmat. Le terrain défriché qui sert de piste d’atterrissage n’existe que depuis quelques années, arraché à la jungle dans un territoire encore assez peu connu.

Là-bas, près du fleuve Digul, un missionnaire hollandais tente de convertir et parfois de pacifier quelques irréductibles de la forêt primaire. Une jungle belle et rude sans chemin ni direction. Au loin se profilent la chaîne montagneuse des Jayawijaya, dont le pic Mandala avec ses plus de 4700 mètres. Le Père Van Broukker quitte régulièrement sa paroisse pour remonter en pirogue le cours de la rivière Mappi jusqu’au lac du même nom, à la rencontre de ses quelques administrés que les missionnaires avant lui ont péniblement pacifiés et convertis au protestantisme. Van Broukker sait qu’il n’a pas le droit de franchir certaines limites de la forêt, le père blanc y signerait peut-être son arrêt de mort. De l’autre côté du Mappi, quelques irréductibles guerriers Kassowary n’auraient rien contre le fait de goûter la chair du missionnaire et même de tout ce qui a peau blanche. Le Blanc est ici encore quelque chose de mystérieux et souvent objet de peur panique.

Depuis 3 ans, la mission mère de Jayapura a dépêché un hydravion Cessna à Boma pour aider à la reconnaissance aérienne de l’immense territoire du nord Asmat. Cet appareil peut amerrir sur les larges bras des fleuves comme le Sirets, la Digul, l’Eilanden et ainsi approcher plus facilement les êtres qui se cachent par petits groupes dans la forêt. Les nombreuses reconnaissances aériennes que le pilote Tom Bolzer a réalisé dans le coin lui permettent de repérer s’il y a quelques habitations hauts perchées dans les arbres ou des traces de fumées nouvelles. Et ainsi de noter l’endroit exact au GPS avant de faire son rapport au centre de Jayapura qui pourra au fil des ans compléter les immenses taches blanches qui règnent encore sur les cartes géographiques de la Papua indonésienne.

Les missions américaines sont implantées en Papua depuis le début des années soixante et, grâce à leur ténacité exceptionnelle, ont continué le travail entrepris avant eux, à savoir d’implanter et de faire perdurer le christianisme dans les basses et hautes terres auprès de peuples inaccessibles, de vaincre l’animisme et de lutter contre les pratiques guerrières séculaires et l’anthropophagie. Au fil des années se sont ouvertes des pistes dans des régions à l’accès très difficile, à la sueur des populations civiles, comme les pistes d’altitude d’Eipomeik, Langda, Bomela, Koropun, ou les pistes sablonneuses du grand sud de Yaniruma, Boma, Wanggemalo, Borme.

Pour aller là-haut, ou plus au sud, promouvoir la religion et y apporter en même temps un peu de la civilisation matérielle, il faut des pilotes expérimentés, des as de l’aventure aguerris aux plus difficiles conditions atmosphériques qui n’auront pas peur des montagnes aux falaises abruptes très proches des zones d’atterrissages, des orages parfois violents et des vents tourbillonnants, des pistes détrempées synonymes de sortie de piste, des éboulements au début ou en bout de piste, des amerrissages sur les fleuves aux rives incertaines.

A Wamena, la MAF est une institution, le lien direct entre les Papous et la civilisation, l’aide directe aux peuples perdus dans les montagnes ou les jungles, l’évangélisation par la construction d’églises, la médecine avec des petits dispensaires et l’apport non négligeable de l’alphabétisation avec la construction de petites écoles primaires. La SIL, filiale de la MAF, se chargera de détecter les plus doués et les emmènera d’un coup d’aile d’avion dans les écoles religieuses de Wamena ou Jayapura et prendra en charge les frais de scolarisation et d’hébergement.

Tom Bolzer vit à Sentani depuis de nombreuses années, dans le quartier réservé à la mission. Il est l’un des plus anciens pilotes de la MAF. Sa famille se réjouit chaque soir de le voir revenir sain et sauf car être pilote en Papua comporte de nombreux risques. Les aviateurs disparus depuis les années soixante, qu’ils soient indonésiens, américains ou hollandais, ne se comptent plus. La solidarité ici est à toute épreuve, un crash et c’est toute la Papua qui est en deuil. Les réunions et plannings de vols sont très contrôlés et soigneusement préparés. La radio de la mission porte les nouvelles jusqu’aux plus lointaines contrées.

Etre pilote de mission, c’est dédier sa vie à l’entraide humaine. Mais c’est aussi une grande école de… pilotage, au dessus d’une nature vierge et très préservée. En bref, c’est vivre l’aventure au quotidien. Pour moi, qui parcours le territoire depuis des années, être à bord de l’un de leurs appareils, à survoler l’immensité verte sans fin, c’est toujours une grande expérience. La rencontre de ces hommes hors du commun qui font la vie et l’économie de la Papua est un privilège. L’occasion de participer aux discussions et aux échanges avec ces peuplades des montagnes et des plaines qui, tous les jours, attendent l’oiseau blanc comme… le messie, celui qui apporte les nouvelles des vallées, le sel, la nourriture et parfois des voyageurs.

Ici, en Papua, l’histoire des pilotes de mission de la MAF, de la SIL, des Adventistes ou d’AMA s’écrit tous les jours en lettres d’or sur fond vert de jungle impénétrable. Elle s’écoute comme le vent qui rugit entre les falaises des gorges de la Baliem ou comme lorsqu’elle est racontée par le peuple nu des hautes vallées. Ils rendent hommage à ces envoyés du Christ sur terre, ces disciples d’une foi inébranlable

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