Accueil Média

La société indonésienne à la loupe: 10 ans de chroniques média

132 chroniques médias sont parues dans la Gazette depuis 2005 ! Difficile alors d’en choisir une poignée qui serait représentative des événements ou des changements qui ont marqué la vie sociale, politique ou culturelle de l’Archipel. Et comme notre propos n’est pas seulement l’importance que ces jalons ont en Indonésie mais aussi comment ils résonnent dans notre culture francophone ou occidentale, la tâche était ardue. Voici donc notre sélection, l’occasion de mesurer comment la société indonésienne a évolué ces dernières années et de saluer cette liberté d’expression encore chancelante mais résolument acquise que marque l’établissement de la démocratie depuis la fin du régime de Suharto…

Attentats : panne de vocabulaire à Metro TV (novembre 2005)
Juste après les attentats à Bali, nous écrivions sur la façon dont ces sinistres événements, qui se produisaient pour la seconde fois sur l’île, avaient été relatés par la chaine Metro TV, alors la seule station d’infos en continu du paysage audiovisuel local. Pendant les 24 heures de quasi direct, les mots « religion », « islam » et « Jamaah Islamiyah » n’ont pas été prononcés une seule fois à l’antenne. Par contre, différentes personnalités musulmanes avaient pu exprimer clairement leurs suspicions à l’égard de « terroristes communistes » ou de « mécontents de l’augmentation du carburant » pour expliquer ces attentats-suicides…


Le playboy indonésien est cultivé (mai 2006)


« Il est enfin sorti et il nous a surpris. Non pas parce que les playmates ne sont pas très déshabillées, on nous avait prévenus et il aurait été suicidaire qu’elles le soient, mais parce que les articles de cette première édition du Playboy Indonesia sont d’une excellente tenue journalistique. Il est même rare de lire dans la presse indonésienne des articles de cette envergure avec une ligne éditoriale aussi courageuse. » Surpris, nous l’étions, cette première édition de Playboy en Indonésie était impeccable. Cela n’empêchera pas les organisations musulmanes d’obtenir son interdiction puis d’envoyer en prison son initiateur…

Des paranormaux traînés dans la boue (octobre 2006)

Nous n’étions encore qu’au début de la fuite de gaz toxique mélangé à de la boue chaude qu’un forage de la société Lapindo du ministre Aburizal Bakrie avait provoqué accidentellement à Sidoarjo (Java-Est). 400 hectares d’habitations et 10 000 personnes avaient déjà été touchés par cette catastrophe survenue le 29 mai que personne ne savait comment contenir. Alors, un chef de village a appelé à la rescousse des paranormaux. « Mais afin d’éviter de perdre son temps avec des charlatans, il a eu l’idée de l’épreuve éliminatoire suivante : stopper l’eau qui s’écoule d’un robinet grand ouvert. Devant nos yeux de téléspectateurs incrédules, Metro TV a donc diffusé des images de mages crispés, paumes en avant, tout à la concentration nécessaire pour réussir le test. »

Suharto, le dernier monarque javanais (février 2008)

Alors que le vieux dictateur était mourant et que les personnalités nationales et régionales défilaient à son chevet, nous expliquions pourquoi « cette figure du patriarche intouchable n’est pas prête de disparaître du cœur des Indonésiens et qu’il restera probablement pour la postérité, n’en déplaise aux défenseurs des Droits de l’Homme et de la liberté d’expression que nous sommes, comme un des plus grands monarques de cet archipel à l’histoire millénaire. » Il était donc illusoire de penser que ce « tigre asiatique », ce « père du développement » aux pouvoirs « sakti » soit jugé pour ses crimes après son retrait en 1998…

Dewi Persik: chaude comme la braise (mai 2008)

Dans un pays où l’émancipation des femmes n’est encore qu’un rêve nébuleux et où on attend de la gent féminine qu’elle soit l’exemple même des bonnes manières en toute circonstance, toujours propre sur elle et bien comme il faut, les personnalités qui osent transgresser ces clichés ne sont pas légion. Véritable bâton de dynamite dans les rangs des starlettes locales dont la majorité reste toujours nunuche malgré certaines audaces vestimentaires jamais assumées, la provocante chanteuse de dangdut Dewi Persik lance aux conservateurs musulmans qui veulent interdire un de ses shows à Tangerang : « Nous sommes dans un pays de droit. Je peux remuer comme je veux, où je veux. (…).
WJe ne vais pas changer mon style ni ma façon de danser. »

Indonésiens et athées (novembre 2008)

Bien avant l’affaire Alexander Aan, jugé puis emprisonné pour avoir affirmé sur les réseaux sociaux qu’il ne croyait pas en dieu, nous abordions le délicat dossier de l’athéisme en Indonésie, une nation qui exige de ses citoyens de croire à une des six religions qu’elle reconnait. Créé en 2007, le site web « Athées indonésiens » s’enorgueillissait de regrouper 76 membres. Un début en quelque sorte dans un pays de 240 millions… Rappelons que pendant les dix ans du président SBY aux commandes du pays, c’est près de 150 athées qui ont été emprisonnés pour « blasphème »…

Jouons aux Kuta cowboys et aux Indonésiens ! (juin 2009)

Soyons clairs, ce n’est pas parce que Bali est hindouiste qu’on y serait plus libéraux qu’ailleurs dans l’Archipel sur les choses du sexe. Pour preuve, l’émoi qu’a provoqué sur l’île la sortie du documentaire du Singapourien Amit Virmani « Cowboys in Paradise » sur la prostitution masculine, pourtant bien connue des amatrices. « Les interviewés ont été manipulés, payés, ils n’étaient pas balinais (l’honneur est sauf ?), c’est une attaque de l’étranger, il faut lancer Interpol après le réalisateur », ridicule effervescence et gesticulations sans fin pour un simple docu qui ne faisait que mettre en lumière ces fameux gigolos des plages de Bali…

Cikeusik: le verdict qui fait douter de l’Indonésie (septembre 2011)

Quelques mois après les violences à l’encontre des membres d’une communauté Ahmadiya à Cikeusik (Java-Ouest), faisant trois morts et cinq blessés graves, c’est l’heure du procès à Banten. Les douze accusés de ces violences insoutenables perpétrées devant les caméras et des policiers passifs écopent de peines allant de 3 à 6 mois. « Ces sentences incompréhensibles ont déclenché un haut-le-cœur international très perceptible. Tout ce que le monde compte de pays démocratiques et d’associations pour le respect des Droits de l’Homme s’est indigné de ces rendus de justice. »

Anggun chantera pour la France à l’eurovision 2012 (janvier 2012)

« C’est un beau cadeau pour moi qui suis indonésienne d’origine, naturalisée française depuis 2000. Je symbolise sans doute la France d’aujourd’hui, métissée, faite de plusieurs cultures. Votre pays m’a donné une belle langue, une belle identité. Moi, j’y vais pour faire briller la France », a expliqué la belle chanteuse à Paris. Ici, où on est toujours très chatouilleux sur les questions de drapeau et de nationalité (la double nationalité n’existe pas, à part pour les enfants de couples transnationaux et seulement depuis peu…), on fera comme si de rien entendu. Silence radio.

La relation difficile de l’Indonésie avec les JO (septembre 2012)

Nous avons souvent écrit sur la difficulté de l’Indonésie à s’insérer dans le concert des nations. S’il y a des raisons historiques et culturelles à cela, l’absence d’intérêt pour les Jeux olympiques en représente probablement le symbole le plus concret. En effet, depuis son instauration en 1948, les PON (Pesta Olahraga Nasional) entrent directement en concurrence avec les JO car ils ont lieu à la même date, en juillet tous les quatre ans. Les PON reprennent trois anneaux olympiques et font s’affronter plus de 10 000 athlètes des 33 provinces dans 750 épreuves. Alors pourquoi s’intéresser aux JO, les vrais, quand on a sa propre version à la maison ?


Massacres de 65-66 : Quand les zéros sont des héros (octobre 20)


Chronique du fameux premier volet du film de Josuah Oppenheimer (The Act of Killing) sur les massacres de communistes des années 1965-66 après le « coup d’état rampant » de Suharto. S’il est vrai que ce docu-événement à résonance mondiale a secoué l’Indonésie bien au-delà de ce qu’il était permis d’espérer, cela ne fut pas encore assez pour que germe une véritable remise en question. L’occasion de rappeler que les bases de l’Indonésie moderne et post-sukarnienne repose sur un énorme mensonge fondateur que personne encore n’ose dénoncer… L’abcès n’est donc toujours pas percé.

Le bupati qui voulait s’offrir une épouse jeune et vierge (janvier 2013)

« Après l’avoir achetée, je me suis rendu compte qu’elle n’était pas comme on me l’avait promise, alors je l’ai
rapportée », a déclaré Aceng Fikri, le bupati de Garut. Parle-t-il de sa nouvelle Avanza toutes options ? Non, de sa deuxième épouse de 17 ans qu’il venait juste de marier et qui n’était pas vierge comme il se doit et dont il a divorcé tout à fait légitimement quatre jours après. Ce fait divers people, qui en dit long sur l’arrogance masculine dans un pays musulman qui n’arrive pas à éliminer la polygamie, provoquera un émoi certain. L’indélicat sera même limogé.

Enrichis, croyants et homophobes (juillet 2013)

Terrible réquisitoire contre la tolérance supposée des Indonésiens, ce sondage mondial sur l’acceptation de l’homosexualité du Pew Research Center où il apparait que 93% de la population de l’Archipel considèrent qu’il s’agit d’une inclinaison inacceptable. Et alors que les résultats de cette enquête affirment que plus les nations s’enrichissent, plus elles deviennent détachées de la religion et tolérantes, l’Indonésie se pose donc en bien singulière exception aux conclusions de cette vaste enquête du fameux centre américain de sondages.


Epidémie du sida : l’exception indonésienne (novembre 2013)


« Alors que pour la première fois depuis son apparition, l’épidémie du sida recule dans le monde, il est bien triste de constater que la maladie continue de progresser en Indonésie. Doit-on cette affligeante et peu enviable singularité à la façon dont les services de santé indonésiens ont géré le problème ? », écrivions-nous. Les mentalités sont et restent rétrogrades dans le plus grand pays musulman du monde et les distributions de préservatifs auprès des populations à risques sont déjà perçues comme des incitations à la débauche. Comment en parler auprès des autres alors ?

Education : plus j’en sais moins, moins t’en sauras plus (janvier 2014)

Vaste sujet que celui de l’éducation en Indonésie et nous ne pouvons que vous renvoyer à l’article pour plus d’information. Dans cette évaluation PISA de 2014, l’Archipel se classe avant-dernier dans deux des trois classements. 74% des élèves n’ont pas le niveau en maths, 66% n’ont pas le niveau en sciences et 20% ne savent pas lire correctement. Nous décortiquions alors les raisons de cette terrible prestation éducationnelle du pays, qui ne manque pourtant pas de budget, et qui est pris dans une spirale de l’échec qu’il lui sera très difficile de surmonter.


Bali : peu de résidents étrangers et déjà beaucoup d’intolérance (mai 2014)


« Aujourd’hui, les Balinais ne sont donc guère distincts de nous-mêmes. Et alors qu’ils commencent à chercher des coupables à leur insatisfaction, ils sont devenus soudain de moins en moins indifférents à la présence étrangère. Il ne se passe plus une semaine désormais sans que des figures éminentes de l’intelligentsia locale répandent dans la presse des constatations très négatives sur les étrangers à Bali, » écrivions-nous. Lentement mais sûrement, la xénophobie gagne du terrain à Bali, notamment à l’encontre des Occidentaux, pourtant la population étrangère de Bali ne représente que 0,75% de la population totale. A lire en intégralité sur le site.

Jilboobs kommunitas: musulmanes et sexy (septembre 2014)

« Ces derniers temps, les gens de notre communauté francophone qui connaissent l’Indonésie depuis un moment font souvent cette réflexion : ne trouvez-vous pas qu’on voit de plus en plus de filles « bâchées » par ici ? » C’était sans compter sur les jilbabes, ces jeunes Indonésiennes qui s’habillent en muslimah mais qui veulent rester belles et désirables. Un vent de fraîcheur dans le conservatisme puritain qui envahit de plus en plus cette Indonésie du 21ème siècle, démocratique certes mais de plus en plus bigote.


Peut-on «Etre Charlie» en Indonésie? (février 2015)


Au lendemain des attentats à Paris contre le journal satirique, nous avons publié en français et en indonésien un texte que l’ethno-sociologue Jean Couteau venait de publier dans sa chronique hebdomadaire de Kompas. L’occasion de rappeler qu’ici, les dessins et articles de Charlie-Hebdo enverraient leurs auteurs et éditeurs en prison en vertu d’une loi qui interdit de porter atteinte à la religion, la race, l’ethnie ou l’appartenance communautaire. L’Indonésie est en effet un pays patchwork qui a tout à redouter des divisions qu’une telle liberté de ton ne manquerait pas de créer au sein des innombrables peuples qui le constituent.

LAISSER UNE RÉPONSE

Please enter your comment!
Please enter your name here