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L’un des “seven summits”, en terre papoue indonésienne

Le « défi des 7 montagnes », les sept sommets mythiques de la planète dont fait partie Puncak Jaya ou « Carstensz Pyramid » avec ses 4884 mètres… Ce seul nom évoque l’aventure pour tous les grands alpinistes qui depuis des décennies tentent de conquérir les plus hauts sommets du monde et plus particulièrement les sept plus hauts sommets des « 7 » continents : Afrique, Asie, Amérique, Antarctique, Arctique, Europe et Océanie. L’Autrichien Heinrich Harrer fut le premier de l’ère moderne, dans les années 60, à vouloir vaincre la pyramide de Carstensz, suivi d’un autre grand, l’Italien  Reinhold Meissner. Puis vint le tour des Francais Bernard Domenech et Christine Janin, moi-même en 1993 lors d’une expédition « Terres d’Aventure », enfin le MAPALA (club d’alpinisme indonésien) et son chef de file Norman Edwin.

Le Hollandais Jan Carstensz, en reconnaissance navale dans le sud de la Papua en février 1623, fut intrigué par ces hautes montagnes où se devinait un blanc manteau en toute saison. Croisant au large de la côte Casuarina en frégate, il fit part de ce qu’il avait vu et une expédition de plusieurs centaines d’hommes fut mise sur pied pour tenter de traverser la jungle inextricable et escalader cette barrière immense des montagnes Jayawijaya. Après bien des efforts, l’expédition arriva au sommet et la découverte des nombreux glaciers d’altitude sous de telles latitudes fut une énorme surprise. Il donna son nom à la plus haute barrière, la pyramide de Carstensz.

Le Carstensz retomba dans les oubliettes papoues pendant trois siècles avant que des géologues américains ne mettent à jour un véritable trésor minéral, composé de cuivre mais surtout d’or, et la région, à partir des années soixante-dix, devint l’eldorado de milliers d’Indonésiens cherchant fortune. Tembagapura (le temple du cuivre) vit donc le jour, cette mine à ciel ouvert de Grasberg arrachée aux falaises, là, tout près du camp de base du Carstensz.  Un temple du cuivre et de l’or qui en fait la 1ère mine d’or au monde. Mais Tembagapura, c’est une autre histoire… Concentrons-nous sur ce fabuleux plateau basaltique dans le parc national Lorentz qui va de la mer Arafura aux contreforts du Puncak Jaya. Au siècle dernier, les glaciers couvraient la chaîne de Papouasie-Nouvelle-Guinée jusqu’à l’Irian Jaya, c’est-à-dire jusqu’à l’Est de Nabire, soit 1500 km d’une chaîne de montagnes ininterrompue. Même dans la vallée de la Baliem, refuge des derniers vestiges de la préhistoire, on aperçoit, à 3000/4000 m, une roche polie par les vents et les glaciers d’antan sur le mont Trikora, les passes de l’Eilit, Sohosa et Oranje.

Mais le réchauffement climatique pourrait tout chambouler d’ici dix ans. Depuis que je contemple ces sommets, dans les années 1980, je me suis aperçu que les glaciers ont régressé de plusieurs centaines de mètres  sur le Naga Pulu, la langue du Meren et le Carstensz. A ce jour, il ne reste que 22% de glace sur cette partie des Jayawijaya, basé sur des données satellite et des photos prises par les hélicoptères de la compagnie minière Freeport. De 1936 à 2010, 78% de la surface de glace a disparu et a fait place à six glaciers séparés, entrecoupés d’une roche blanchâtre désormais visible. Le fautif, la mine de Grasberg ! Non, plus sérieusement, les perturbations climatiques créées par El Nino qui se concentrent depuis plusieurs années sur l’Equateur. Idem au Kilimandjaro en Afrique. Le glacier, sur son sommet arrondi à 5895 m d’altitude, s’est réduit comme une peau de chagrin. L’Amérique du Sud n’est pas mieux lotie, voir les glaciers des Andes comme le Huascaran…

Que restera-t-il d’ici quelques années du glacier du Carstensz, Kal Muller anthropologue et ami de longue date (cf. La Gazette de Bali
n°30, novembre 2007
) qui supervise la situation écologique de la région de Tembagapura, ainsi que Lonnie Thompson, professeur à l’université de l’Ohio, signalent tous les deux que la disparition du glacier n’est qu’une question de temps très limité et que c’est aussi un signe néfaste pour les générations à venir. Que faut-il en conclure ? Alors, profitons-en pour contempler ces quelques photos prises en 2005 lors d’une reconnaissance et remémorons-nous, pour les initiés, les jours et les jours de marche depuis le village de Ilaga pour atteindre via la « New Zealand pass » le camp de base au pied de la pyramide de Carstensz. Ensuite, alpiniste n’est pas qui veut, les 400 m de muraille à angle droit, là devant nous. Pas une mince affaire lorsque le mauvais temps sévit sur ces montagnes 300 jours par an…

Si vous êtes amateur d’exploits sportifs, d’aventures extrêmes ou tout simplement si vous souhaitez voir le plus haut glacier d’Océanie, il est encore temps de préparer votre barda et d’aller vous mesurer à cette nature sublime mais ô combien difficile ! Pyramide de Carstensz ou Puncak Jaya 4884 m, quel que soit ton nom, tu as bien mérité de figurer dans la bible des plus grands conquérants de l’inutile, là-bas, très loin au bout de cet autre monde qu’est la Papouasie.

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