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Jason Monet et les orangs-outans

Autant le dire tout de suite afin d’en finir, Jason Monet n’a aucun lenté avec Claude Monet, le célèbre chef de file des Impressionnistes. Tous les deux ont peint des nymphéas durant leur longue carrière, mais la similitude s’arrête là. Les arts graphiques et les animaux sont les caractéristiques essentielles de la présence de cet artiste unique à Bali et mettent en lumière ses engagements d’être humain. S’il reconnaît que la peinture le tient depuis toujours, Jason Monet raconte toutefois que sa première passion le poussait vers les animaux, qu’il passait de longues heures au Musée d’histoire naturelle de Londres à les étudier et qu’il voulait devenir vétérinaire.

Aujourd’hui encore, rien ne l’enchante plus que d’aller en promenade dans les environs d’Ubud pour observer les oiseaux et il rappelle toujours à ses interlocuteurs qu’il est « un peintre d’extérieurs et non de studio ». Son œuvre prolifique et ses nombreux voyages à travers le monde ont jalonné l’évolution de sa carrière de nombreuses teintes différentes mais le trait énergique de sa peinture et la virtuosité avec laquelle il manie les couleurs est reconnaissable entre mille. C’est de sa rencontre avec Lucy Wisdom, la fondatrice de l’ONG Sumatran Orangutan Society, qu’est né son implication dans la sauvegarde des grands singes et il a récemment dessiné le logo qui orne les t-shirts de l’association.

Cet engagement a commencé il y a deux ans et depuis il a dû laisser de côté son travail personnel car le volontariat pour la cause des primates lui prend du temps. Pratiquement, il s’agit de campagnes de sensibilisation et d’information dans les écoles des villages. Les enfants montent et jouent des pièces de théâtres avec les bénévoles de l’association et portent pour l’occasion les masques d’animaux créés par Jason. Des séries de tableaux illustrant la nécessité de préserver la forêt sont également exposées dans les classes. Ils incitent les gens à consommer du bambou, facilement renouvelable, plutôt que d’abattre les arbres qui constituent l’habitat des grands singes.

Depuis quelques mois, Jason Monet et les bénévoles de S.O.S travaillent sur un projet qui va les emmener en Allemagne lors de la prochaine Coupe du Monde de football. Il s’agit cette fois de créer des masques en papier recyclé représentant un animal par pays en lice et de les vendre aux supporters afin d’attirer l’attention sur les activités de S.O.S. Les Français porteront un masque de coq, les Allemands, un masque d’aigle, les Anglais, un masque de bulldog etc. Selon les explications de Jason, les masques seront vendus dans une camionnette, point de vente mobile posté à l’entrée des stades. La démarche iconoclaste de l’ensemble aura toutes les chances d’attirer une presse toujours friande de phénomènes décalés sur ce type d’événement international.

Jason Monet affirme que malgré le grand intérêt qu’il porte aux singes, il ne lui serait pas possible de vivre près d’eux tant la lumière irremplaçable de Bali sied à sa peinture. Il a découvert l’île en 1984 et s’y est installé en 1988 « séduit par la lumière et la nature » et peindra pas moins de quarante toiles sans s’arrêter à son arrivée. « Des huiles et des pastels » précise-t-il, des éléments essentiels de son univers. Il vivra quelques temps dans la maison de son illustre prédécesseur, le peintre hollandais Rudolf Bonnet. Après avoir vécu et travaillé dans des endroits aussi différents que Londres, les Antilles, l’Australie et Malte, l’artiste anglais affirme avoir trouvé à Bali « le sens de la liberté ». Il s’y construit actuellement une maison et affirme avec le détachement des gens qui ont bien vécu qu’il « pourrait bien mourir ici».

Artiste apprécié dans les années soixante, il a exposé à Londres et à New York. Il se souvient d’avoir été accueilli « comme un dieu » aux Etats-Unis parce qu’il était « un artiste anglais » et qu’il débarquait après la tournée triomphale des Beatles. Jason Monet reconnaît que la gloire est passagère et évoque avec humour ses souvenirs du Swinging London. Ami du groupe Pink Floyd, qu’il peindra et avec qui il ne partage absolument pas le goût pour la musique psychédélique et les drogues, il aura aussi pour modèle Barbara Streisand, qui possède nombre de ses toiles, mais encore Noel Coward, Michael Caine, Jack Palance, Stewart Granger, Eliot Gould et plus récemment Dona Karan. Il exprime néanmoins un peu de regret de n’avoir jamais percé en France où son nom lui a fermé toutes les portes.

Deux fois marié, père de six enfants, Jason Monet estime que les peintres d’aujourd’hui sont « trop intellos et mortellement ennuyeux » et ajoute qu’il faut « du cœur et des couilles » pour faire ce travail. Egalement sculpteur sur bois, il a produit des milliers d’œuvres tout au long de son existence et n’est pas prêt d’arrêter car il « redécouvre la lumière tous les jours à Bali». Il ne tarit pas d’éloges sur Pablo Picasso, met en avant les traits communs de son œuvre avec celle de Chaïm Soutine, se souvient de Francis Bacon comme d’un ami même s’il pense que Jérôme Bosch « avait déjà fait mieux bien longtemps avant lui » et affirme que les peintres d’Ubud ont peu d’intérêt à l’exception de « trois ou quatre ». Ces jugements à l’emporte-pièce font tout le sel du personnage et distille une bonne humeur renforcée par son goût immodéré des blagues. Finalement, Jason Monet ne retrouve son sérieux que pour parler des singes de S.O.S, il leur reste des milliers de masques à produire avant le début de la Coupe du Monde et le temps presse…

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