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Grippe aviaire : Paris envoie un ange gardien

Le docteur Jean-Pierre Pic se veut rassurant. « Pour l’instant, les gens sont malades à cause d’un virus d’oiseaux » indique-t-il en expliquant que nous n’avons à faire qu’à une épizootie (maladie contagieuse qui atteint un grand nombre d’animaux – NDLR) et que la pandémie (épidémie qui s’étend sur un ou plusieurs continents – NDLR) tant redoutée n’a pas encore commencé. Pour cet homme de 44 ans, dont la mission est à la fois d’informer et de s’informer, il convient de cadrer les faits au plus précis. « Seuls des gens énormément exposés sont victimes de la grippe aviaire » explique-t-il. « Nous sommes encore loin d’une catastrophe mondiale puisque le nombre de victimes se situe entre 60 et 80 personnes seulement », poursuit-il en rappelant que « la tuberculose tue beaucoup plus de gens tous les ans».

Et le médecin d’enchaîner sur la partie pédagogique de sa mission avec les conseils de bon sens qu’il faut savoir respecter dans notre vie quotidienne : « Bien cuire le poulet, à 70° minimum, ne pas le remettre dans le plat où il a été coupé après la cuisson, se laver les mains entre ces deux opérations, et éviter le jaune d’œuf encore coulant, comme celui utilisé dans la mayonnaise ou la mousse au chocolat». Autant de règles à suivre simples et efficaces qui suffisent à nous garantir une alimentation débarrassée du virus tant redouté. Ce médecin nous rappelle encore que « le meilleur antiseptique, c’est le savon » et nous invite à nous laver les mains très souvent.

La vie quotidienne en Indonésie n’est cependant pas aussi aseptisée que celle que nous connaissons en France et des dangers particuliers
existent. Jean-Pierre Pic reconnaît qu’il est préférable d’éviter de « rester coincé sur la route derrière un camion rempli de volailles » ou de collectionner « des oiseaux en cage ». S’il préconise d’acheter son poulet « de préférence au supermarché plutôt qu’au marché », il reconnaît cependant que la piètre qualité des mesures sanitaires en Indonésie, même dans la grande distribution, « n’offre guère de garantie d’où l’importance de la cuisson correcte pour se prémunir ». Enfin, le porc, véhicule habituel de nombreux virus communs aux hommes et aux animaux, doit faire l’objet des mêmes précautions d’hygiène.

Dans la plupart des pays développés, les volailles sont abattues en masse dès que le virus H5N1 est détecté et les éleveurs sont indemnisés. Ce n’est malheureusement pas le cas en Indonésie où le gouvernement n’offre aucune compensation aux paysans, qui rechignent donc fort logiquement à exterminer leur gagne-pain. De vastes campagnes de désinfection des fermes d’élevage, ou de vaccination des bêtes, sont par contre mises en place et très largement télévisées afin de rassurer la population.

Chez l’humain, les symptômes de la grippe du poulet sont les suivants : « fièvre, toux, douleurs musculaires et articulaires », poursuit l’homme que la France a mis à notre disposition. Si pandémie il y a, les spécialistes s’accordent à dire qu’elle devrait se déclarer dans un délai de « six mois à dix ans », affirme-t-il. Il faudrait pour cela que le virus mute et devienne transmissible d’un humain à l’autre, ce qui n’est pour l’instant qu’une probabilité et non une certitude. « Il sera ainsi plus contagieux, mais moins létal que l’actuel H5N1, afin d’assurer sa propre survie », détaille notre compatriote qui rappelle en toute logique que « ce sont les plus fragiles pour qui le virus pourra être mortel (la mortalité serait au maximum de 1à 2% ».

Au cas où l’un d’entre nous serait contaminé. L’ambassade a déjà mis à la disposition des français enregistrés, petits et grands, du Tamiflu, un remède « efficace si pris dans les 48 heures », poursuit le docteur Pic. « Il y a des pandémies tous les 30 à 40 ans, c’est un phénomène normal » et l’Asie en est généralement le point de départ comme pour les précédentes, la grippe « espagnole » en 1918, la grippe « asiatique » en 1957 et celle de Hong Kong en 1968. « 40% de la population mondiale pourrait l’attraper, contre 4% pour une grippe ordinaire », explique encore le docteur de Jakarta « et les répercussions économiques seraient sans précèdent », ajoute-t-il.

Tout a commencé pour Jean-Pierre Pic, qui exerce en Indonésie pour le compte de International SOS, une société d’assistance médicale, en novembre dernier lorsque après avoir accepté la proposition des autorités françaises, il a assisté à une grande réunion de formation à Paris sous la tutelle des ministères des Affaires étrangères et de la Santé. Sa mission repose sur trois axes, tout d’abord informer la communauté française, mais aussi les membres de l’ambassade et préparer avec eux une cellule de crise le cas échéant. Une commission d’évaluation existe et se réunit régulièrement, prête à délivrer les prescriptions de Tamiflu si besoin est.

Pour ce médecin originaire de Draguignan, marié et père de trois enfants, le bien-fondé de cette mission ne fait aucun doute. Il se dit convaincu « de la bonne volonté du gouvernement » même si des problèmes techniques peuvent survenir. Comme ceux rapportés fin janvier par une mission parlementaire qui met en exergue les difficultés que rencontre actuellement la France à produire suffisamment de masques de protection et d’antiviraux. Une situation qui devrait s’aggraver en cas de crise sanitaire avérée car la production des vaccins se fait à partir d’œufs qui deviendront difficiles à trouver en pleine pandémie. En attendant ce scénario catastrophe qui ne se produira peut-être jamais, les conseils du docteur Pic sont basiques : « Si vous êtes diagnostiqués positifs, prenez votre boite de Tamiflu et restez chez vous ». Et bien sûr, évitez de rentrer au pays. « Si les gens reviennent en France, ils vont ramener le virus là-bas », ce qui ne serait pas la meilleure chose à faire…

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