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UN FORUM SUR LES EVENEMENTS DE 65 INTERDIT PAR LA POLICE

Une fois encore, police et armée indonésiennes ont annulé de force un atelier de discussion sur la compensation des victimes des massacres anti-communistes de 1965 qui devait se tenir à Jakarta.

Les forces de l’ordre ont “interrogé et intimidé” les organisateurs du meeting, affirmant qu’il n’avait pas d’autorisation.

Cet énième déni de justice et de démocratie reflète le long tabou officiel sur cette période noire et encore irrésolue de l’histoire indonésienne qui a vu le massacre délibéré d’environ un million de personnes.

Aucun des gouvernements successifs de l’Indonésie depuis la fin du dictateur Suharto n’a réalisé un progrès substantiel sur ce dossier. Le terme du président Jokowi n’a également apporté aucune amélioration malgré ses promesses de campagne.

Fin septembre 1965, un faux coup d’état contre Sukarno a été mis habilement sur le compte du parti communiste et a permis au général Suharto, soutenu par les Occidentaux, de s’emparer du pouvoir.

Il s’en est suivi une chasse aux sorcières qui a duré deux ans environ, durant laquelle, police, armée et milices ont massacré quiconque ils considéraient comme communiste, sans la moindre forme d’enquête et de procès.

Les victimes incluaient les membres du PC indonésien (PKI), les syndicalistes, les activistes, les artistes, les professeurs bref, toute l’élite intellectuelle du pays. Et bien sûr, comme à chaque fois que le pays s’enfonce dans des troubles politiques, les Chinois ont également été victimes de pogroms.

Depuis, la rhétorique officielle a justifié ces massacres comme une nécessaire défense contre le parti communiste, diabolisé à outrance.

C’est encore le cas aujourd’hui lorsque des cadres de l’armée n’hésitent pas à affirmer sérieusement et régulièrement que le communisme est encore une menace pour le pays, au même titre que le terrorisme islamiste ou la drogue.

En 2012, le ministre des Affaires légales et de Sécurité Djoko Suyanto n’hésitait pas à affirmer en réponse à une enquête de la Commission nationale des Droits humains (Komnas HAM) que la répression aveugle de 1965-66 était “justifiée”.

Cependant, les discussions publiques sur les tueries se sont quand même accrues ces dernières années, aidées substantiellement par la diffusion des documentaires de l’Américain Joshua Oppenheimer “The Act of Killing” et “The Look of Silence”, qui ont connu un succès mondial.

En 2016, le gouvernement avait même organisé un symposium de deux jours qui a permis aux victimes de témoigner.

Cela leur a donné l’occasion de faire entendre leur voix officiellement pour la première fois depuis 50 ans. Ils ont décrit les violences qu’ils ont subies par les forces de l’ordre et les milices, incluant les exécutions de masse, les enlèvements, tortures, viols et détentions arbitraires.

A cette occasion, le président Jokowi avait ordonné que les sites des charniers à travers le pays soient officiellement documentés.

Après cela, le gouvernement avait annoncé qu’une équipe allait être constituée afin d’enquêter sur ces fosses communes qui s’effacent peu à peu de la mémoire des gens.

Mais depuis, rien n’a été fait et le gouvernement s’est replongé dans un silence total. Le manque évident de volonté de l’armée et de la police pour que la lumière soit faite sur ces tragiques événements qui plombent depuis 50 ans la vie publique du pays, empêche toujours le dossier d’avancer.

L’isolement du président dans la jungle politique du pays ne plaide pas non plus pour un changement prochain de cette position, tant Jokowi a besoin du soutien de l’armée en ce moment.

La plus grande maladie psychologique dont souffre l’Archipel n’est donc toujours pas prête d’être soignée. En faisant depuis 50 ans le pari de l’oubli, impossible souhait dans le monde d’aujourd’hui qui archive et se souvient de tout, les dirigeants du pays font le mauvais choix et condamnent à tout jamais l’épanouissement du pays.

Comment dès lors, les Indonésiens pourront vivre en paix avec eux-mêmes si ce devoir de mémoire qui s’impose continue d’être bafoué ?

D’après Human Rights Watch

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