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Bruyantes grenouilles

La saison des pluies est arrivée bien plus tôt que prévue et les grenouilles et crapauds sont partout. Des croassements de basse gutturaux aux couinements suraigus, ces chœurs viennent s’ajouter à la riche symphonie nocturne déjà créée par les criquets, les tokai, les chauves-souris et autres animaux de la nuit. Une fois le soleil couché, les grenouilles arboricoles, marron comme des olives, sortent de leurs caches sous le toit et redescendent par le living room pour gagner le bassin. Puis, elles se mettent en place et commencent à appeler leurs prétendants, chacune d’entre elles faisant un unique « gak ! » par intermittence. Dans la mare, les crapauds mâles jouent des coudes pour les femelles ou, perchés sur les bords, gonflent leur poche vocale pour produire un long et sec cliquettement. Certaines crapaudes tentent désespérément de nager avec plusieurs mâles sur le dos, chacun d’eux cherchant à évincer ses rivaux. Chez le voisin, une colonie de crapauds-buffles d’Asie, les plus bruyants de tous, produisent une véritable clameur avec leurs plaintifs « aunk ! aunk ! aunk ! » Plus loin encore, dans la bananeraie, les « pip ! pip ! » des minuscules grenouilles d’arbres vont se poursuivre jusqu’à l’aube. Chaque nuit, je suis bercé par ces sons qui célèbrent une vie nouvelle après une rude saison sèche.

Mais ces sons de la nature ne sont pas du goût de tout le monde. Certaines personnes se plaignent de cette cacophonie nocturne et portent des boules Quiès pour trouver le sommeil. Pour ces gens-là, il y a fort à parier que le seul endroit où ils peuvent trouver le sommeil en paix, c’est dans un appartement en ville, au-dessus des bajaj, mobylettes et autres nuisances du trafic urbain. D’autres encore, trouvent que les crapauds sont hideux, s’imaginent qu’ils vont attraper des verrues en les touchant ou encore que leur urine peut rendre aveugle. Il n’y a bien sûr aucune preuve de ces qu’en dira-t-on.

Après quelques jours, les bassins et mares occasionnelles vont contenir des nuées de petits têtards noirs, émergeant de ribambelles de frayères gluantes. C’est tout de suite une course contre la montre car ils vont devoir se transformer en grenouilles ou crapauds miniatures complets avec bras et jambes avant que la mare n’aient complètement séché et avoir ainsi unechance de survivre, si un oiseau ou un serpent ne les a pas mangés avant !

Pour bien appréhender la riche variété de la faune des amphibiens d’Indonésie, il faut aller explorer les forêts pluviales de montagne où des centaines de différentes espèces de batraciens ont déjà été découverts. Ils vont de la minuscule grenouille de la taille d’un ongle au crapaud géant quasiment de la taille d’une assiette. Certaines sont très colorées, alors que d’autres sont comme revêtues d’un camouflage afin de mieux se dissimuler dans les feuilles mortes.

Les grenouilles mangent beaucoup d’espèces différentes d’insectes, y compris les nuisibles qui s’abattent sur les champs, et leur collecte intensive peut avoir des répercussions sur les zones agraires en réduisant les récoltes. L’Indonésie est le plus grand exportateur de cuisses de grenouilles au monde avec des milliers de tonnes de spécimens sauvages prélevés par an en plus des grenouilles d’élevage. Des sacs et des porte-monnaie en peau de crapaud font également leur apparition dans le commerce.

Bientôt, même si le temps semble désormais détraqué, les pluies cesseront à nouveau, les températures monteront, sonnant l’heure de la retraite pour ces batraciens, sous des pierres ou dans la terre. Il a été
découvert récemment que les espèces indonésiennes étaient menacées par une infection qui a décimé d’autres espèces dans le monde. Ceux qui les haïssent pourraient bientôt avoir la paix qu’ils recherchent. Quant à moi, je vais tâcher de continuer d’apprécier leurs chants nocturnes aussi longtemps que ce sera encore possible !

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