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Ayana Resort: la vie est belle même sans label

Rappelons en préambule que les grandes enseignes hôtelières ne possèdent pas leurs établissements, elles n’en assurent que la gestion et le marketing. Les propriétaires sont donc liés avec ces grands groupes par des contrats. Or, le propriétaire de ce grand hôtel qui compte 290 chambres et 78 villas avait signé en 1991 avec le groupe Ritz- Carlton un contrat de gestion pour son établissement. Entre temps, Ritz-Carlton avait été racheté par le groupe Marriott et ce maxi groupe s’est associé à la famille Bulgari pour gérer l’hôtel du même nom qui a ouvert ses portes il y a quelques années à 3,5 km du Ritz-Carlton de Bali… Pak Rudy, le propriétaire, s’en est bien sûr offusqué et n’a pas hésité à porter l’affaire devant un tribunal à Washington aux Etats-Unis, siège de la maison mère. Il a réussi à casser son contrat en mars 2009 et à obtenir plus de 10 millions de dollars de dédommagements ! Tous les professionnels de l’hôtellerie s’en sont bien sûr émus et ont parié que l’hôtel allait perdre des plumes dans l’histoire, parce qu’il n’est pas si facile d’abandonner la renommée et le niveau d’excellence que confère une enseigne cinq étoiles telle que Ritz-Carlton…

Sauf à aller signer un contrat de management avec l’ancien PDG de Ritz-Carlton, Horst Schulze, qui avait fondé son propre groupe de gestion hôtelière en 2002, West Paces Hotel Group. Et à embaucher un manager français, qui avait passé 17 ans dans le groupe Ritz-Carlton, Charles de Foucault. En politique, ça s’appelle le changement dans la continuité ; dans le monde du business, ça rassure ! Ce General Manager a suivi un cursus à l’école hôtelière de Nice avant de s’expatrier en Angleterre pour parfaire son anglais puis à Düsseldorf pour apprendre une troisième langue, indispensable dans l’hôtellerie. Devenu sommelier à 24 ans aux Bermudes, il décide de se payer des cours d’été intensifs à l’université de Cornell dans l’état de New York pour s’initier au management hôtelier. « Je n’avais pas envie de rester en salle toute ma vie, je voulais progresser et il fallait passer par une de ces deux écoles les plus fameuses au monde, Cornell ou Lausanne. Les cours étaienthorriblement chers mais ça a fait ensuite la différence sur un CV, j’ai été embauché directement par Ritz- Carlton », précise cet homme né en région parisienne.

En prenant les rênes de cet hôtel, il fallait bien sûr assurer la continuité de la gestion mais surtout s’atteler à ce qu’on appelle le rebranding dans le jargon du marketing (le changement de marque en français). « Il a fallu mettre une valeur très rapide sur notre marché le plus important, les Japonais et accessoirement les Coréens qui eux aussi n’achètent que de la marque, rappelle Charles de Foucault. Alors, nous avons beaucoup voyagé et présenté notre hôtel aux professionnels au Japon, en Corée, en Russie, en France… » Le directeur général avait l’habitude de dire à ses interlocuteurs que l’ Ayana était anciennement Ritz-Carlton et « puis, tout a changé le 17 juillet 2009 avec le double attentat de Jakarta qui a frappé les hôtels Marriott et Ritz-Carlton ; à partir de ce moment-là, il valait mieux éviter de mentionner Ritz-Carlton pour ne pas faire peur aux futurs clients… » Et de conclure en matière de marketing que l’Internet a assez radicalement changé la donne au XXIème siècle : « Nous n’aurions jamais pu imposer aussi vite notre nouvelle marque sans un outil comme Internet et sans l’aide de Trip Advisor, un formidable outil pour les consommateurs qui ont besoin de rêver mais aussi de savoir où ils mettront les pieds autrement qu’ à travers le boniment d’ une brochure en papier glacé. »

Outre son emplacement remarquable sur une falaise, Ayana disposait aussi d’un
capital de communication important avec son spa qui emploie par ailleurs plus de 140 personnes. L’activité spa se partage entre le Spa on the Rocks (facturé plus de 500 USD les deux heures et demi pour un couple) et les Thermes Marins, une enseigne de thalasso française originaire de Saint-Malo, qui réserve à ses clients un programme unique en Asie du Sud-est. Sur la lancée de ce Spa on the Rocks, qui est un des emblèmes de l’hôtel, le propriétaire a eu l’idée de lancer le Rock Bar lors de l’inauguration, un bar construit sur la mer qui accueille jusqu’à 400 personnes le samedi soir. Et bien sûr, l’autre atout de taille de cet hôtel, c’est son savoir-faire pour les mariages, il continue d’en accueillir une moyenne de 600 par an dont 450 japonais. La beauté des deux chapelles s’avère très déterminante dans le choix de cet hôtel. Quelques Indiens en sont aussi très friands : sur la lancée du richissime Mittal, roi de l’acier, qui s’y était marié il y a quelques années, les Indiens de Singapour ou de Hong Kong y viennent en famille de 150 personnes et plus, et signent des chèques de 350 000 USD sans sourciller pour régaler leurs proches. Le « Campa Garden », un champ planté de 4000 frangipaniers, a été conçu à dessein pour que la mariée puisse arriver à cheval au milieu de ses convives…

Un peu plus d’un an après avoir lancé ce nouveau label Ayana, l’heure du bilan arrive et il semble très positif selon les propos du directeur général : « La clientèle indonésienne a très bien accroché avec notre hôtel, elle occupe la deuxième position juste derrière le marché japonais. Ce sont des clients qui viennent quatre à cinq fois par an pour des séjours très courts. Malgré la crise de 2009, nous n’avons pas cassé nos prix et c’est tant mieux parce qu’il est toujours difficile de remonter la pente. Les chambres se louent entre 180 et 400 USD et la plus belle villa s’arrache à 8000 USD la nuit, butler compris ! »

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