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Planning familial indonésien : éduquer les plus jeunes

Nous sommes au km 12 sur la route entre Balikpapan et Samarinda. C’est une salle de classe comme tant d’autres. Les dessins bariolés sont affichés sur les murs, les boîtes de jouets s’alignent sur les étagères et les petites chaises en bois se font face. Les enfants, tous en survêtement bleu et blanc, font quelques pas de gymnastique. En chantant. Les petits du dernier rang sont euphoriques. Ils ont tous entre trois et quatre ans. Nous ne sommes donc pas dans une école. En Indonésie, la scolarité n’est obligatoire qu’à partir de cinq ans. La ribambelle de sourires qui nous fait face ce matin appartient à une Bina Anaprasa (abréviation de « pembinaan anak prasekolah desa » ou « éducation préscolaire des enfants des villages »), un programme du PKBI, le planning familial indonésien, pionniers dans ce domaine. Ils proposent des structures éducatives pour les enfants entre trois et cinq ans. Un beau succès.

Les petits se réunissent deux heures par matinée, tout au long de la semaine sauf le dimanche. L’occasion de poser des bases d’éducation. A Balikpapan, le planning familial a commencé à œuvrer en 1967 mais le Bina Anaprasa ne fut démarré qu’à partir de 1984. Dhina Sayogyo, psychologue et bénévole raconte. « En 1985, avec le PKBI, nous avons introduit le contrôle des naissances dans les communautés, se souvient-elle. Pour les remercier d’avoir suivi les formations, nous avons donné la priorité aux familles qui avaient participé à ce programme. Nous leur avons proposé de donner des facilités d’éducation aux enfants ». L’idée consiste à préparer les enfants à l’entrée à l’école mais surtout à les faire se sentir bien dans leur corps et avec les autres. Ici, pas de maîtresse mais une éducatrice volontaire, une pengasuh (celle qui prend soin). « Nous formons des volontaires communautaires, explique Dhina. Elles doivent répondre à différents critères : avoir un tempérament déterminé, disposer d’un entourage familial favorable à cet engagement et aimer les enfants bien sûr. Elles s’engagent à transmettre régulièrement les programmes.  Dans tous les villages, il y a des femmes exceptionnelles. Certaines font cela depuis vingt ans. Nous leur donnons une formation basique de vingt jours à Balikpapan ».

Pendant ces deux heures matinales, les activités se multiplient selon un planning bien précis. « Aujourd’hui, raconte Hasniah, une éducatrice, ils ont fait des petites figurines en pâte à modeler qui représentent des fruits et légumes. Nous avons tout un programme à suivre au fil des semaines. Il se partage en plusieurs domaines : la langue, l’émotionnel, le cognitif, le physique. Nous ne dépendons pas de l’éducation nationale indonésienne. Mais des souhaits des communautés ». Un système angulaire qui fonctionne autour de trois « pierres » : les chefs des communautés, les familles et les responsables du PKBI. Le mode est donc très flexible. Le PKBI est une association qui fonctionne en réseau avec d’autres entités nationales ou internationales (comme la World Population Organisation) qui lui apportent leur soutien. Le PKBI Balikpapan travaille également en très bonne collaboration avec les autorités qui délivrent un appui matériel ou financier. 

Education sexuelle aux plus jeunes
Les formations se multiplient au cours de l’année. Des spécialistes de la petite enfance donnent régulièrement des conférences pour guider ces éducatrices dans leur travail. Préparer les enfants à être bien avec leur environnement est l’un des objectifs essentiels de cette structure. « En tant que psychologue, explique Dhina, je leur explique l’évolution des enfants. Les gens qui sont volontaires sont issus de milieux différents et ont besoin d’être guidés.  Nous sommes comme tous les pays concernés par le virus du Sida, nous voulons donner aux plus jeunes une bonne compréhension de leur corps. Et nous partons du principe que cela commence très tôt. Ils doivent devenir une personne en fonction de leur situation de garçon ou de fille. Nous avons le programme « aku dan kamu » (moi et toi) qui leur permet de réaliser qu’ils sont uniques. C’est fondamental qu’une personne de cet âge se représente en tant qu’individu. Par exemple, je suis Dhina, c’est ma main, c’est ma tête… Ils apprennent la pudeur. Ils deviennent fiers de leur sexe et de leur identité. C’est une façon de les protéger. Ils comprennent qu’ils ne doivent pas être touchés par d’autres. Ils dessinent également leur corps ». Ce programme de santé reproductive a lieu tous les mercredis. Les enfants apprennent les fondements de la toilette, le développement de leur corps et le respect des autres. Ils essayent d’exprimer leurs émotions.

Changement de décor. Le quartier Kampung Butun RT 59 de Balikpapan est l’un des plus défavorisés de la ville. Les habitants sont issus de l’ethnie Buton de Sulawesi. Dans la salle de classe, les enfants, une vingtaine, se concentrent sur leur découpage. Dans cette autre structure de PKBI, le principe est le même qu’au km 12. Ces petits partagent l’école avec les élèves de cinq ans qui viennent en cours plus tôt le matin. Pour financer ces programmes, les familles déboursent une petite somme tous les mois. Elles en discutent entre elles et fixent un montant. Ici, cela leur revient à 35 000 roupies par mois. Au km 12, 40 000 par mois. Cela permet de payer les frais de transport quand il y a des visites ou des photocopies à faire. Les enfants reçoivent aussi un magazine. A tour de rôle, les familles assurent le goûter de dix heures. A voir le sourire des mamans à la sortie  des « classes », les réactions sont très enthousiastes dans les communautés. Aujourd’hui, quatorze Bina Anaprasa existent autour de Balikpapan. Six autres dans la zone voisine de Penajan. En tout, 560 enfants et 33 pengasuh sont concernés. Un programme qui a de beaux jours devant lui.

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