Zohra Boukhari est aujourd’hui une des décoratrices d’intérieur les plus courtisées d’Indonésie avec à son actif une liste impressionnante de réalisations sur le secteur de l’hospitalité. Ayant depuis longtemps la marotte de la restauration, elle a aussi diversifié ses activités avec deux établissements devenus des emblèmes de la scène gustative de Bali. Mais c’est aussi à travers ses propres labels que cette designer belge d’origine marocaine exprime un talent qui ne semble jamais s’altérer, même après plus de 20 ans ici. Hôtels, boutiques, restaurants, villas, meubles, antiquités, bijoux, linge de maison, accessoires… son inspiration, à travers sa griffe ZB Design, se décline à l’infini. Revue de détail avec l’intéressée qui nous reçoit dans son bureau de la Sunset Road…
Nous avions déjà décrit en 2009 le parcours exceptionnel de cette femme de caractère qui est venue avec son époux et quelques économies s’installer à Jimbaran au milieu des années 90 (cf. La Gazette de Bali n°51 – août 2009) dans ce qui est devenu aujourd’hui le Balquisse Heritage Hotel. Depuis, que de chemin parcouru ! Dans son bureau situé au fond de son immense showroom Balquisse Living, où elle vend au grand public les objets de déco qu’elle aime, Zohra Boukhari nous parle d’emblée de sa nouvelle boutique de bijoux et accessoires Shan-Shan qu’elle vient d’ouvrir dans le Marais, à Paris. « Après les Shan-Shan de Seminyak, Jimbaran, Ubud, et BatuBolong en cours d’ouverture, voici le petit dernier rue du Temple », explique-t-elle. Nous nous souvenons que, lors de notre dernière interview, elle avait manifesté le désir de conquérir les marchés des pays arabes, après une première ouverture au Liban. « La situation politique ne l’a pas permis. A part cette boutique en France. Nous nous sommes recentrés sur l’Indonésie », affirme-t-elle.
Un recentrage qui est passé par le développement d’une autre passion du couple Zohra Boukhari/Blaise Samoy : la restauration. Certes, le restaurant Asam Garam de l’hôtel Balquisse existait depuis longtemps mais en 2011, puis en 2012, ils ont ouvert successivement deux gros succès de la restauration à Bali, Balique, à Jimbaran, et The Bistrot, à Seminyak. « Balique, c’était depuis le début un projet personnel pour lequel j’ai reçu une offre de rachat par des clients espagnols qui voulaient en faire un restaurant de tapas. J’ai hésité puis décidé de le garder à mon compte. J’y ai mis un chef belge et au bout de trois mois, le restaurant était rempli tous les soirs», se souvient-elle. Si elle s’occupe de la déco, c’est plus son mari qui met son nez dans la cuisine. « L’offre de notre menu est à la fois orientale et indonésienne. Nous mettons par exemple à l’honneur la présentation du risjttafel (dégustation typique de divers plats indonésiens) à l’ancienne, comme à l’époque des Rajas. Mais ca reste international car nous servons aussi de la bonne viande. On y dine pour 150 000rp par tête », détaille Zohra Boukhari.
Elle réinvente le style rétro à Bali
Côté déco, elle explique qu’elle a voulu évoqué l’Indonésie avec des thèmes qui recouvrent tout l’Archipel. En retour, elle a gagné une énorme clientèle indonésienne, très flattée. « Cela m’a apporté beaucoup de popularité auprès des Indonésiens. C’est de toute façon un pays que j’aime. Etre reconnue par eux, j’adore. C’est Balique qui m’a donné cette dimension en Indonésie. Ils aimaient tout, jusqu’à la présentation des plats », continue-t-elle, confirmant que la clé du succès, c’est la déco, « mais il faut des bons produits aussi, et une bonne formation du personnel par des pros. » Elle demande également à son personnel d’être lui-même. Pas question de service formel, par contre, elle ne passe rien sur l’hygiène. Et puis bien sûr, il faut un bon manager pour chapeauter tout cela.
Avec The Bistrot, ouvert plus tard, et qui est devenu la passion de son mari Blaise, elle a délaissé la déco baroque orientale qui la caractérisait pour une dimension « vintage », comprendre rétro/brocante, qui a fasciné les Indonésiens instantanément. Dans un pays où rien ne dure à cause du climat et où on jette tout parce que ça fait pauvre d’avoir ce qui est sorti il y a seulement six mois, faire un bistro retro rempli d’objets rouillés du passé était donc un pari risqué. Sauf que les temps changent… et l’endroit est photographié continuellement par la clientèle indonésienne qui poste selfies et autres instantanés de The Bistrot sur les réseaux sociaux, en faisant un must incontournable de tout séjour à Bali à cause de son atmosphère unique. Sans parler des réservations du lieu pour toutes sortes de photoshoots, albums pre-wedding et autres pictorial de mode… Si The Bistrot est indéniablement à la mode en Indonésie pour son décor, il est aussi fréquenté par les Occidentaux qui y trouvent également leur compte. « C’est une cuisine de bistrot avec un menu très masculin, des viandes, des fruits de mer, des sauces. Ce n’est pas snob du tout. C’est la chose de Blaise, c’est son antre », poursuit Zohra Boukhari qui rappelle que la salle est pavée comme une vieille rue européenne et que l’ensemble dégage une ambiance entre atelier encombré et friche industrielle. « Nous avons été source d’inspiration pour d’autres… », lance-t-elle fataliste. Notons aussi la poussée des boutiques de brocante depuis…
Je m’éclate autant à travailler qu’à être au yoga
Outre un certain cash flow utile pour réinvestir dans d’autres secteurs, ces succès, dans ces lieux publics que sont les restaurants à la mode de l’île, lui ont aussi servi d’outils de promotion pour le marché local de l’hospitalité. Et si, quand nous l’avions interviewée en 2009, de nombreux articles rendaient compte de son travail dans la presse occidentale et même japonaise, aujourd’hui, c’est la presse indonésienne qui célèbre le talent de Zohra Boukhari comme en témoigne les nombreux magazines éparpillés sur son bureau. « Mes origines orientales m’aident à me fondre facilement dans la culture locale » confie-t-elle en substance. Les contrats 2015 de ZB Design se déclinent sur la liste suivante où, à des degrés divers, l’inspiration polyvalente de cette designer s’est exprimée : l’hôtel Bisma Eight à Ubud ; à l’hôtel Alaya d’Ubud, le restaurant Petani et les Dala Spa d’Ubud et Kuta, le Sheraton Four Points de Kuta, le restaurant La Dunia de BatuBolong, les glaciers Gelato Secrets, le restaurant Jendela à Ubud. « Le gros de mon emploi du temps, c’est la déco », confie-t-elle en forme d’évidence.
Sous l’enseigne Balquisse Living, Zohra Boukhari affirme avoir tout regroupé, tout centralisé, « jusqu’à la compta de nos trois restaurants », dit-elle. Voici la liste de toutes ses marques : l’hôtel Balquisse, le restaurant Asam Garam, la villa The Shaba, le restaurant Balique, le linge de maison Shahinaz, les bijoux et accessoires Shan-Shan, le restaurant The Bistrot, la boutique Balquisse Living et ZB Design. L’empire de Zohra Boukhari, c’est aussi 220 employés. « Je compte dans mes équipes quelques expatriés. En même temps, il m’est tout aussi confortable de collaborer avec mes équipes indonésiennes. La manière de travailler avec les locaux est plus fluide », confie ce bourreau de travail dans un sourire. Je m’éclate autant à travailler qu’à être au yoga ». Elle déplore cependant ne pas avoir assez de temps pour se consacrer à son activité principale : la création. « Je dois rester en avance, je dois être capable de rester en avance tout en gardant mon style. Mais s’il faut, je suis capable de changer comme je l’ai prouvé avec The Bistrot », ajoute cette femme toujours pleine d’énergie et qui n’hésite jamais à se questionner.
Alors, demain, toujours plus fort, toujours plus loin ? Non, répond-elle. Zohra Boukhari et Blaise Samoy estiment être arrivés au maximum de leur capacité. « De toutes façons, on n’a plus de temps. Il faut que ce qu’on a tienne la route, nous sommes arrivés au point où notre objectif, c’est de chérir ce que l’on a créé », explique-t-elle. Balquisse Living, c’est le plus gros chiffre d’affaires, The Bistrot, ce sont les gros bénéfices, Shan-Shan, c’est le petit chouchou… Non, demain, elle se voit plutôt s’occuper de ses deux filles, puis construire une maison sur ce terrain qu’ils ont acheté au Maroc. Enfin, ils verront… Pour l’instant, Zohra Boukhari enchaine les rendez-vous et remercie le ciel que sa vie ait toujours été « fluide comme un ruisseau » !
Balquisse Living, Jl. Sunset Road n°18, Kuta.
Tél. (0361) 847 68 33,
courriel : [email protected],
site Internet : www.balquisseliving.com
