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Yogyakarta-Sidoarjo: des catastrophes et leurs traitements differents…

Ce fut la catastrophe naturelle la plus meurtrière de l’année 2006 dans le monde. Il y a un peu plus d’un an, le 27 mai 2006, la ville de Yogyakarta et sa région étaient secouées par un séisme faisant près de 6000 victimes et laissant plus d’un million et demi de personnes sans abris. Deux jours plus tard, à proximité de Surabaya, la seconde ville d’Indonésie, un autre événement d’importance, mais moins commun, attirait l’attention : l’éruption d’un volcan de boue « spontané », crachant près de 200 000 mètres cube de boue chaude et nauséabonde quotidiennement, soit le volume de 100 piscines olympiques. Quelques semaines plus tard une querelle d’experts, parmi lesquels quelques pseudo experts, éclate. Les deux évènements sont-ils liés ? Ou plutôt, le séisme de Yogyakarta a-t-il provoqué la création du volcan de boue ? Pour la grande majorité des géologues, aucun lien direct ne peut être établi entre les deux catastrophes. L’éruption du volcan de boue a bien été provoquée par un gisement exploratoire de gaz de la société Lapindo Brantas.

En revanche, s’il est un domaine dans lequel on peut comparer le séisme et le volcan, c’est dans la manière dont ils ont été pris en charge. Un an après, sur la route qui mène à Bantul, zone la plus touchée par le séisme et située entre Yogyakarta et la côte au sud, il est difficile d’imaginer qu’ici même plusieurs milliers de personnes ont perdu la vie et que nombre de bâtiments n’étaient que décombres. La vie semble avoir repris son cours tant bien que mal. Dans les semaines qui ont suivi le séisme, plus de 90 000 habitations temporaires en bambou ont été construites par l’ensemble des ONG présentes pour les rescapés. Aujourd’hui moins de 3000 familles vivent encore dans ce type de logement. « La très grande majorité des victimes du séisme vit désormais dans des maisons permanentes », affirme Cici Riesmasari, porte parole de la Croix Rouge.

Il suffit en effet de s’adresser directement aux villageois pour en avoir confirmation. Après l’aide d’urgence apportée par les ONG, l’Etat indonésien semble avoir répondu présent et s’être assuré que l’aide irait bien à la reconstruction. « Le gouvernement m’a d’abord donné cinq millions (de Rupiahs) pour acheter les matériaux de construction, explique Jumadi devant la porte de sa nouvelle demeure. Ils m’ont bien précisé que cet argent ne devait servir qu’à cela si je voulais recevoir le reste de l’aide ». Le reste de l’aide, ce sont dix autres millions de Rupiahs pour la reconstruction effective des maisons. Un peu plus loin, d’autres n’ont pas encore terminé la construction de leur nouvel espace vital. « Notre vie n’est toujours pas redevenue comme avant puisqu’on vit tous dans la même pièce, explique cette femme en montrant l’abri dans lequel toute sa famille s’entasse depuis un an. Grâce à l’aide du gouvernement j’espère que cela va aller mieux ».

A Sidoarjo, le scénario est bien différent. Ici rien ou presque n’a changé un peu plus d’un an après le début de la catastrophe. Les digues de fortune s’écroulent toujours sous la force et la densité de la boue, les camions se succèdent pour déverser la terre qui servira à ériger de nouvelles digues temporaires, et le gisement vomit toujours sa substance pestilentielle. Seule la surface recouverte évolue un peu chaque jour. Plus de 6000 hectares sont à l’heure actuelle ensevelis sous des mètres de boue. Le gouvernement indonésien a mis du temps à réagir. Il a d’abord envisagé de diriger la boue vers une rivière voisine pour la déverser ensuite dans la mer. Une catastrophe écologique annoncée mais rendue difficile par la densité de la boue, qui même mélangée à l’eau a du mal à s’écouler. Puis entre février et mars derniers 1500 boules de béton de 250 kilogrammes chacune ont été envoyées dans la gueule du gisement. L’objectif des géologues et ingénieurs ayant organisé l’opération était de réduire le débit de boue de 50 à 70%. Le 19 mars dernier, l’éruption s’est arrêtée… pendant environ trente minutes. Depuis d’autres méthodes sont à l’étude.

En attendant leur éventuelle mise en application, la fuite continue. Et les victimes en partie oubliées. De longs mois après le début de l’éruption ininterrompue, Lapindo a commencé à indemniser les victimes. Mochamad explique : « Pour chaque membre de la famille nous avons reçu 300 000 Rupiahs par mois sur une durée de neuf mois. Ensuite nous avons accepté il y a peu la somme de trois millions (de Rupiahs) pour remettre en marche notre petit commerce. Enfin nous avons perçu cinq millions pour louer cette maison pendant deux ans ». Las d’attendre des compensations supplémentaires il a décidé d’accepter celles-ci. Ce n’est pas le cas de tout le monde. A quelques kilomètres, dans un marché qui a abrité jusqu’à plusieurs milliers de familles il y a quelques mois encore, vivent encore plus de 800 familles irréductibles. Elles refusent les propositions de relocation offertes par Lapindo. Leur leader, Karyono, explique que « Les victimes vivant encore dans ce marché veulent obtenir 100% de l’argent promis par Lapindo et le droit d’en disposer librement ».

Deux catastrophes, deux constats : d’un côté un événement, le séisme, dont les autorités indonésiennes ont malheureusement l’habitude et qu’elles ont appris à gérer assez efficacement, aidées en cela par les ONG du monde entier. De l’autre, une situation nouvelle, ininterrompue et sans fin prévisible, et dont le retard de prise en charge peut être en partie expliqué par la lourdeur et la lenteur de la bureaucratie indonésienne. Dans un an, pour le second anniversaire, le séisme de Yogyakarta ne sera plus qu’un lointain souvenir. A Sidoarjo, il est à parier que ce nouvel anniversaire ne sera pas le dernier.

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