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UN PROJET PILOTE DE CENTRE DE TRI

Entre le manque de sensibilité à l’environnement, la corruption et le développement incontrôlable de l’île, les autorités de Bali sont totalement dépassées par le problème de la gestion des ordures. Les grandes décharges sont pleines, les routes encombrées par les camions d’ordures, il est à présent nécessaire bien sûr de réduire la consommation de plastique et d’ordures mais aussi de trouver des solutions locales de tri au sein des villages. C’est ce à quoi s’est attelé Sean Nino, co-fondateur de l’association Merah Putih Hijau [rouge blanc vert, les couleurs du drapeau indonésien assorties du vert pour l’orientation écolo de cette association] avec un projet pilote de centre de tri dans le village de Pererenan, rendu possible grâce à une nouvelle législation promulguée par le président Jokowi en 2015.

Bali-Gazette : Pouvez-vous d’abord vous présenter à nos lecteurs ?
Sean Nino : j’ai passé 10 ans de mon enfance à Bali avant de retourner en Allemagne faire mes études. Des années plus tard, je suis revenu ici et j’ai fondé avec deux autres « Bali kids » au sang mélangé comme moi, PT.Mantra Bali, une société qui fait de l’optimisation énergétique pour les grandes entreprises et les hôtels. En gros, on s’engage à réduire leur consommation d’énergie et d’eau de 40%. Par ailleurs, au titre de la responsabilité sociale et environnementale de notre entreprise, nous avons créé l’association Merah Putih Hijau dans laquelle nous n’avons aucun intérêt financier, je le précise. Un des premiers projets de cette association a été de lancer ce projet de centre de tri de Pererenan en levant de l’argent.

B-G : Quelle est la raison première de ce projet de centre de tri de déchets ?
S.N : La première raison, c’est que les grandes décharges de Tabanan, Suwung (pour Badung et Denpasar) et Gianyar sont archi-pleines. Il faut en moyenne 6h aller-retour entre Pererenan et Suwung en raison du long temps d’attente sur place, parfois jusqu’à 10h. Si on gère les déchets à la source, dans le village, ce ne seront plus 60 camions qui font l’aller-retour chaque mois mais seulement 6. Oui, on peut réduire à 10% les déchets qu’on ne peut recycler. Le reste part en compost ou est revendu à la bank sampah [banque de déchets qui rachète les matières recyclables]. Pour vous donner une idée du volume d’ordures généré chaque jour par les communes avoisinantes, Tibubeneng envoie 5 camions par jour à Suwung et Canggu 3. En triant à la source dans les villages, on peut réduire de 90% le nombre de ces camions qui encombrent les routes. De toutes façons, les décharges sont pleines, on n’a plus le choix.

B-G : Ce projet de centre de tri de Pererenan a commencé en janvier 2017, pourquoi n’est-il toujours pas achevé ?
S.N : C’est un projet pilote, ça va doucement, nous n’avons pas encore finalisé les aérateurs qui permettent de produire un bon compost. Mais une des autres raisons, c’est un problème de transparence financière, là est le vrai défi. Le ramassage des ordures sur Pererenan rapporte 80 à 90 millions par mois et cet argent n’est pas réinvesti au fur et à mesure, entre autres pour embaucher du personnel, il n’y a que deux ouvriers qui travaillent sur la zone de compostage alors qu’il en faudrait dix. On est en train de mettre au point des outils de transparence : un cabinet d’audit pour superviser les comptes, des GPS sur les camions, un centre de pesée pour vérifier le chargement des camions et surtout une application qui permettra à tous les habitants d’accéder à toutes ces données. Le projet est communal, il ne nous appartient pas, nous n’en sommes que les initiateurs mais on s’est arrangé pour en faire un vrai projet collectif et les habitants demandent des comptes, ils ont raison parce qu’ils paient aussi pour le ramassage des ordures, leur argent doit être bien employé.

B-G : Ce projet communal n’aurait pas été possible sans une loi promulguée en 2015, c’est vrai ?
S.N : Oui, c’est le président Jokowi qui a voulu cette loi qui permet aux villages de créer des entreprises à caractère social pour générer des revenus pour la communauté, par exemple produire de l’eau et la distribuer, gérer eux-mêmes leurs déchets, etc. Auparavant, Pererenan passait par un sous-traitant. A présent, ce sont déjà 39 000 villages en Indonésie qui ont créé leur BUMDES (Badan Usaha Milik Desa, entité commerciale appartenant au village). C’est une très bonne chose que de générer du revenu pour la communauté, c’en est une autre de le faire avec transparence. Pour le montage financier de ce centre, la commune a mis à disposition 20 ares, nous avons levé 500 millions pour financer les travaux et l’état a abondé de la même somme.

B-G : D’autant que les revenus potentiels d’un projet pareil ne reposent pas seulement sur la taxe de ramassage et sur la revente des matières recyclables telles que le papier ou le plastique…
S.N : Bien sûr que non. Le centre va produire du compost qui sera revendu mais surtout un centre de tri comme celui-ci peut être éligible au titre des crédits carbone. Sachez par exemple que le centre de Temesi près de Gianyar touche 85 000 USD par an de crédits carbone. Si on est capable de créer un réseau de centres de tri qui fonctionnent et dans lesquels les investisseurs ont confiance, ça peut vraiment générer des revenus complémentaires.

B-G : C’est le projet de l’association pour l’avenir ?
S.N : Oui, notre association MPH a le projet de monter 25 installations de ce type qu’on appelle en anglo-indonésien des TPST3R, Tempat Pengolaan Sampah Reduce Reuse Recycle (centre de gestion de déchets Réduire Réutiliser Recycler) mais ça prend du temps. J’essaie de faire miroiter aux habitants de Pererenan que leur village peut devenir un exemple pour tout le monde. Je consacre beaucoup d’énergie à ce projet, c’est comme un hobby pour moi et on me fait d’autant plus confiance que je n’ai pas d’intérêt financier dans cette affaire. C’est dans ce sens que nous travaillons avec mes partenaires, Bali nous a beaucoup apporté dans notre enfance, nous sommes heureux d’être revenus vivre ici et nous tachons d’œuvrer pour le bien de cette île magnifique.

Plus d’info sur l’association Merah Putih Hijau http://mph-bali.org/en/downloads/

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