Le président avait promis une croissance de 7% à la fin de son mandat. Même s’il lui reste quatre années pour y parvenir, celle-ci est à l’heure actuelle à son plus bas niveau depuis six ans. Les signaux négatifs se succèdent et le gouvernement actuel semble naviguer à vue…
La croissance indonésienne n’a pas débuté son ralentissement avec l’arrivée de l’ancien maire de Solo aux affaires. De 6,3% en 2012, elle est passée à 5,7% en 2013, puis 5,1% en 2014. Les deux premiers trimestres de cette année n’ont fait que confirmer la tendance, avec une croissance inferieure à 4,7% sur l’ensemble du premier semestre. L’élection de Jokowi avait pourtant suscité un grand espoir, partagé à l’intérieur des frontières comme à l’international.
L’histoire avait même très bien débuté. En annulant les subventions au prix du carburant dès le début de son mandat, Jokowi mettait fin à une pratique vieille de 70 ans que personne ne pensait vraiment politiquement réalisable, même si elle apparaissait économiquement indispensable. Grâce à cela, le gouvernement s’est ouvert un large espace fiscal. Le budget 2015, le premier de l’ère Jokowi, rendait ainsi réaliste l’énorme programme de développement des infrastructures. Les agences de notation y croyaient aussi, Standard & Poor’s faisant évoluer la note de l’Archipel de stable à positif.
Malheureusement, l’optimisme n’a pas tardé à décliner. Le sentiment positif est devenu négatif en même temps que les mauvais chiffres de la croissance apparaissaient. Les raisons ne sont pas toutes à chercher du coté du gouvernement. Dès 2012, le prix des matières premières a diminué. Le ralentissement économique chinois et les décisions anticipées de la Reserve Fédérale américaine en sont les autres éléments extérieurs. Tout cela devait être compensé par la hausse des dépenses publiques et le maintien à haut niveau de celles des ménages, la consommation intérieure étant traditionnellement le point fort de l’Indonésie.
Mais le gouvernement n’est pas parvenu à atteindre ces objectifs. La réalisation des dépenses publiques n’a atteint que 39% dans la première moitié de l’année, un niveau encore plus faible que les 40% de 2014 à la même période. Parallèlement, les dépenses des consommateurs, qui contribuent généralement à 50-55% de la croissance, sont restées faibles. Le pouvoir d’achat des Indonésiens a baissé, entrainant un ralentissement de toute l’économie nationale.
Forte dépréciation de la rupiah
<img5715|left>Ce déclin du pouvoir d’achat a été provoqué par l’inconsistance du gouvernement et son incapacité à contenir l’inflation. Faible en début d’année, celle-ci est devenue incontrôlable entre avril et juillet. Les politiques d’approvisionnement alimentaire ont clairement échoué. Par exemple, les prix actuels du bœuf, très élevés, auraient dû diminuer après la fin du Ramadan. Mais en se montrant incapable d’anticiper l’offre et la demande, le gouvernement n’a pas rendu cela possible. Un constat que le manque de coordination entre les ministères n’a pas arrangé.
Dès lors, le pays se retrouve dans une situation combinée de diminution de la confiance domestique et de hausse des risques à l’échelle mondiale. Auxquelles il faut ajouter une dépréciation de la rupiah à plus de 14 000 pour un dollar.
C’est dans ce contexte que le président Jokowi, après avoir effectué un remaniement de son équipe économique gouvernementale, a récemment dévoilé une première série de mesures économiques censées attirer les investisseurs, diminuer la pression sur la rupiah et aider les plus pauvres. Deux autres séries de mesures devraient suivre dans les semaines à venir. 89 directives ont ainsi été ajustées afin de faciliter et simplifier l’investissement dans le pays et sa compétitivité. A l’attention des plus pauvres, le président a annoncé une réduction du prix du carburant pour les pêcheurs, des fonds supplémentaires vers les villages et le renforcement d’un programme d’approvisionnement en riz bon marché.
Mais il est permis de douter de l’efficacité de ces mesures sur la confiance des investisseurs et des Indonésiens. Le gouvernement lui-même ne cache pas que l’effet de ces mesures, si effet il y a, ne se fera ressentir qu’à moyen terme, et dépendra aussi d’éléments extérieurs incontrôlables. Par ailleurs, cette omniprésence du gouvernement dans l’orientation économique semble contre-productive.
Multiplication des politiques interventionnistes arbitraires
Jusqu’à ces dernières années, la réussite indonésienne a beaucoup résulté du boom économique chinois et de son appétit pour les matières premières. Cela a engendré la forte croissance de l’Archipel, et comme souvent dans les pays émergents, les périodes positives entrainent l’application de politiques négatives. L’Indonésie n’a ainsi, pendant cette période faste, pas jugé utile de mettre l’accent sur des politiques favorisant l’amélioration de sa productivité, des réformes pourtant nécessaires à une croissance plus saine et plus durable. Au lieu de quoi, les différents gouvernements ont multiplié les politiques interventionnistes arbitraires qui ont ralenti le boom économique.
Il est un fait avéré que l’Etat indonésien a toujours privilégié le dirigisme économique plutôt que d’offrir un environnement propice à l’activité économique privée. Cela s’est clairement matérialisé dans les récentes évolutions du cadre économique légal. La loi de 2014 sur l’industrie envisageait le choix par le gouvernement des secteurs économiques à favoriser. L’interdiction d’importer certains produits ou l’obligation d’incorporer des composants locaux dans les biens de consommation vont dans le même sens. Tout comme l’injection de capitaux dans les entreprises publiques. Toutes ces mesures et leur évolution permanente n’ont pas permis d’installer la confiance dont les investisseurs privés ont besoin.
Le potentiel de croissance de l’Indonésie n’est pas remis en cause. Mais dans un modèle actuel accordant le rôle central au secteur public, la confiance dans le gouvernement est essentielle. Or celui-ci montre trop d’inconstance pour inverser le mouvement. Ce sont au contraire ses politiques qui doivent être inversées afin de relancer l’investissement, le commerce et la productivité dont le pays a grandement besoin dans cette période pleine de défis qu’il affronte.