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Un ambassadeur près de chez vous

« Quand il était un peu plus jeune, mon fils m’avait demandé en quoi consistait ma fonction. J’ai eu beau essayer de chercher les mots justes pour lui expliquer, il m’a répondu qu’à choisir entre ambassadeur et éboueur, il préférait le métier d’éboueur ! Moi-même, pendant mes études, je m’étais juré que je ne serais jamais diplomate, les garden-parties et les cocktails me faisaient horreur, déclare-t-il d’emblée ». Alors, M’sieur l’ambassadeur, comment dans ces conditions décide-t-on d’occuper la plus haute fonction dans la hiérarchie diplomatique ? « Le déclic s’est produit avant l’ENA lors d’un stage en Egypte, sur le chantier du barrage d’Assouan. J’ai compris alors qu’elle était bien plus riche que la fonction de représentation qu’on imagine. Pour moi, c’est avant tout un rôle de maire des Français de l’étranger, j’essaie d’être là quand il y a des problèmes ». Renaud Vignal est très attaché à sa double casquette d’élu local et d’ambassadeur. Ce natif de Loriol (petit village de la Drôme) tout en étant ambassadeur en Roumanie et aux Seychelles, a occupé le poste d’adjoint au maire pendant 12 ans et celui de conseiller général de 1988 à 1994, il faisait de très fréquents allers-retours dans la Drôme. « J’ai eu besoin pendant longtemps de rester en relation avec des Français de l’hexagone, souligne-t-il, on a du mal à représenter un pays qu’on connaît moins à cause de l’éloignement ». En revanche, il ne cache pas que son élection au poste de conseiller général a été difficile : « j’étais ambassadeur aux Seychelles, ça ne faisait pas sérieux et puis, l’image des diplomates est si mauvaise ! »

Ce qui frappe Renaud Vignal à son arrivée en Indonésie en 2002, c’est l’insuffisance de la présence française, si peu de moyens, si peu de crédits pour un si grand pays en comparaison de ceux alloués au Vietnam ou au Cambodge, anciennes colonies françaises. « Bien sûr, nous tentons d’assurer une présence culturelle à travers nos quatre centres culturels et notre réseau d’alliances, notre budget de coopération mais c’est vrai que l’Indonésie souffre d’être méconnue en France, les ministères ont une vue post-coloniale de notre présence hors des frontières ». Le président Mitterrand s’était rendu en Indonésie en 1986. Depuis quelques ministres viennent de-ci delà ; en revanche, les ministres indonésiens sont bien plus nombreux à se rendre à Paris.

Parmi toutes ses obligations, il en est une qui consiste à adresser des rapports réguliers au Quai d’Orsay sur l’état de l’Indonésie et sur les relations franco-indonésiennes. Et là, surprise : « je reçois très peu d’instructions de mon ministère de tutelle, j’ai une très grande liberté d’action. C’est choquant intellectuellement et assez propre à la France, le Quai d’Orsay devrait tenir un peu plus ses agents. Dans le même temps, c’est ce qui rend ce métier aussi formidable ». Alors qu’il était en poste en Argentine il y a quelques années, c’est cette fameuse liberté d’action qui permit à Renaud Vignal de faire revivre un dossier « droits de l’homme » et de faire poursuivre un haut gradé de l’armée coupable de l’assassinat de deux religieuses françaises. Et les droits de l’homme en Indonésie ? « Il y a bien sûr l’affaire Munir (du nom du défenseur indonésien des droits de l’homme empoisonné le 7 septembre 2004, NDLR), nous donnons des coups d’éclairage de temps à autre, nous apportons un soutien moral. Nous nous demandons pourquoi le rapport de la commission d’enquête n’a pas vu le jour. Et parce qu’en Indonésie le discours est celui du rétablissement de la démocratie, nous essayons de prendre le gouvernement au piège de ses propres contradictions ! A ce propos, trône dans le bureau du ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, le portrait de cet opposant notoire !» De manière plus constructive, la France finance la formation de magistrats et policiers indonésiens à l’Institut des droits de l’homme René Cassin à Strasbourg, elle participe ainsi à sa manière à la constitution d’un état de droit en Indonésie.

Autre sujet juridique concernant une bonne partie des plus de 2000 expatriés français installés en Indonésie, celui des couples mixtes : « ce pays a-t-il la volonté d’empêcher les mariages mixtes, se demande à haute voix le haut fonctionnaire. Je n’ai guère de solutions à proposer parce que ça relève du droit civil indonésien, il faudrait un mouvement qui émane des Indonésiens eux-mêmes. Mais, je fais des mariages mixtes civils, déclare-t-il avec un grand sourire, c’est une conquête de la laïcité ».

Renaud Vignal n’a rencontré le président Susilo Bambang Yudhoyono qu’à trois reprises et lors de l’une d’elles, le président indonésien a remercié notre représentant pour l’accueil que la France avait réservé à Yasser Arafat mourant ! L’ambassadeur reconnaît à SBY « un talent fabuleux » qui remonte à la commémoration du premier attentat à la bombe de Bali : « les Balinais ne voulaient pas de cette cérémonie, la présidente Megawati avait dépêché SBY, alors ministre de la sécurité et qu’on pouvait tenir indirectement responsable de la survenue de l’attentat. Le premier ministre australien fait une courte déclaration, il est à peine applaudi par ses troupes. Puis survient SBY, sans discours écrit, il s’exprime dans un parfait anglais, parle avec sincérité et recueille à la fin de son intervention une standing ovation ». Et Renaud Vignal de renchérir : « c’est un homme courageux et intègre, sa famille n’est pas dans les affaires, n’a pas de cadavres dans le placard, ni de Jaguar dans le garage… Ce qui me sidère, c’est qu’il donne suite à toutes les demandes de poursuite pour corruption, plus personne ne peut se dire, « je suis protégé par ma fonction » et ça, c’est un très bon début pour la démocratie ».

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