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UN AMBASSADEUR FRANCOPHONE DE LA MUSIQUE BALINAISE

Nous vous avons rarement parlé de danse et de gamelan tant ces pans de la culture balinaise confinent au cliché touristique et font partie intégrante du marketing de Bali. Mais, une fois n’est pas coutume, nous voudrions attirer l’attention de nos lecteurs sur un spectacle de grande qualité donné à Payangan, au nord d’Ubud, dans la maison de Dewa Putra Diasa, le président de l’Alliance Française de Bali depuis 2009 et titulaire des palmes academiques depuis 2011. Ce musicien épris de culture, et qui a vécu 17 ans en France, se bat à sa manière pour qu’on assiste aux spectacles de danse et de musique là où ils se produisent ordinairement, dans les temples et les maisons, et non pas dans les hôtels.

C’est une maison située juste en face du bale banjar dans le village de Payangan au nord d’Ubud. Un groupe d’une quinzaine de musiciens disposé à gauche de l’entrée est déjà en train de jouer, abrité sous un dais. Une maison pas comme les autres, un jero, c’est l’habitation d’une famille appartenant à la caste des ksatria, les princes et les guerriers. Dewa Ngakan Nyoman Putra Diasa joue du tambour au milieu de sa formation de gamelan. A la fin du premier morceau, il se lève et, à la grande surprise du groupe de touristes qui vient de prendre place, se saisit d’un micro et s’adresse dans un français parfait à l’assistance pour présenter le spectacle qui va suivre.

Si on dit qu’il y a derrière chaque Balinais un artiste accompli qui sommeille, dans la famille de Dewa Putra Diasa, on est plutôt musicien. Son grand-père maternel avait d’ailleurs fait le déplacement à Paris en 1931 pour jouer lors de l’Exposition Coloniale, un voyage qui le tint éloigné de sa famille pendant 6 mois. Contrairement à ses deux frères qui sont allés au lycée général, pak Dewa a suivi les cours du KOKAR (Konservatori Karawitan), c’est l’endroit où on s’initiait à la danse et à la musique, en plus de suivre un enseignement académique. Il a ensuite rejoint ses frères à Jakarta mais, faute de moyens, n’a pas pu étudier le droit. Et alors qu’il faisait partie de l’association des musiciens balinais de Jakarta, il a reçu une proposition de l’ambassade d’Indonésie à Berlin qui cherchait un employé spécialisé dans la culture. « Le gouvernement lançait la diplomatie culturelle », se rappelle-t-il, « c’était la seule chose dont on pouvait être fier à l’époque au sujet de l’Indonésie. Tous les ambassadeurs et attachés culturels étaient d’anciens militaires. Mais au bout de 2 ans, le service culturel a été fermé, nous n’avions pas signé de convention avec la RDA qui était communiste… J’ai eu le choix entre revenir à Jakarta et travailler au service culturel du palais, ou bien partir à Paris. Je n’ai pas hésité longtemps, j’ai choisi Paris où je suis resté 17 ans en poste. »

A Paris, Dewa Putra Diasa s’épanouit dans la musique. Il fonde un gamelan franco-indonésien baptisé de la devise nationale indonésienne « Bhinneka TunggalIka » l’unité dans la diversité, tant la musique est un langage universel qui rapproche les hommes. Les répétitions avaient lieu dans les locaux de l’ambassade rue Cortambert. « Notre gamelan était le seul en France à l’époque », précise-t-il, « à présent mes anciens élèves, parmi lesquels des profs d’ethno-musicologie, en ont créé à Marseille et à Angers, et à la Cité de la Musique. Nous avons voyagé aux 4 coins de l’Europe grâce à notre gamelan et même en Afrique du Nord ». L’autre grande réussite à mettre à son actif, c’est au sujet d’un gamelan javanais datant de 1887 qui prenait la poussière au Musée de l’Homme : « J’ai dit au conservateur que ce gamelan devait reprendre vie d’autant qu’il sonnait très bien. On a réussi à le sortir d’une vitrine et à organiser des répétitions trois fois par semaine, toujours dans l’enceinte du musée ». Pour aider ses élèves occidentaux à apprendre la musique du gamelan, le musicien balinais a créé un système de notation. « A Bali, nous n’utilisons pas de partitions, nous apprenons la musique par cœur, nous y passons beaucoup de temps. Et quand nous la notons, c’est en balinais, nous transposons les notes avec les lettres de notre alphabet. Alors, j’ai mis au point un système inspiré de la notation javanaise basée sur les chiffres.Mais ce n’est pas très précis, c’est une base sur laquelle chacun peut improviser mais on doit se souvenir de nos improvisations pour le concert. Et un jour, patatras, un de mes élèves avait oublié sa partition, il n’a pas pu jouer ! »

Parce que la tradition oblige qu’un descendant au moins s’occupe du jero, et parce que sa femme était balinaise contrairement à celle de son frère qui vivait à Jakarta, Dewa Putra Diasa a mis fin à sa mission à Paris au bout de 17 ans à la grande surprise de ses collègues et de tous ses élèves, pour revenir à Payangan.
Son frère lui a acheté un gamelan et c’est ainsi qu’il a pu démarrer cette activité pour recevoir des groupes dans la maison de ses ancêtres.

Les 25 musiciens qui forment le gamelan sont tous originaires de Payangan et trois générations se côtoient sur scène. Et pak Dewa a pris grand soin à sélectionner les danseurs qui interviennent pour la représentation. La danse assise inspirée du grand danseur Mario des années 30 est particulièrement impressionnante ainsi que le Barong qui clôt le spectacle. « J’ai choisi les meilleurs danseurs de Bali » nous dit-il fièrement. « Et nous sommes heureux de réussir à susciter un tel enthousiasme chez nos spectateurs étrangers qui nous applaudissent contrairement aux Balinais qui se moquent un peu de leur culture qu’ils trouvent kuno (vieux jeu). »

Yasa Putra Sedana, Balinese Show,
Jl. Raya Payangan n°47, Payangan, Ubud
Tel. 0812 8842 6166

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