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TPM : un atelier de mécanique moto à l’italienne

« Des fois, je travaille jusqu’à minuit, alors que mes deux employés sont déjà rentrés chez eux depuis 17h30. Mais je suis comme ça, la moto, c’est ma vie, il faut que je sois plongé dans cet univers pour me sentir bien », raconte cet Italien à l’œil pétillant, installé à Bali depuis une quinzaine d’années. Dans son atelier à la propreté irréprochable et à l’équipement complet, on mesure à quel point l’Indonésie a encore des progrès à faire pour accéder aux règles de l’art en la matière. Ici, point de bengkel graisseux avec un fatras de clés chinoises de mauvaise qualité dispersés aux quatre coins. Outils et machines-outils sont d’importation. « Quand j’ai ouvert en 2001, sur la suggestion d’un ami indonésien, j’avais déjà avec moi l’outillage de base. Et quand je suis rentré en Italie, j’ai préparé une grosse boite avec tout le nécessaire », explique ce Milanais né au Japon, marié à une Indonésienne et père de deux enfants.

Ancien mécanicien de Yamaha et d’Aprilia en championnat du monde de vitesse, Luciano Bernardini a découvert l’Indonésie par hasard. Un de ses amis avait ouvert des villas à Canggu et cela représentait une bonne opportunité pour des vacances. Comme beaucoup d’autres, il attrape le virus et il revient. Au troisième séjour, il se construit une petite maison dans les champs de Kaba Kaba, près de Tabanan. Après quinze ans en compétition au plus haut niveau en tant que mécanicien, il pense alors à une reconversion à Bali. Un de ses amis a un projet de resort à Tulamben, Luciano serait en charge des équipements nautiques motorisés. Un retour à ses premières amours puisqu’il est diplômé de l’Institut technique de l’industrie navale de Milan. Mais le projet prend l’eau et l’ancien mécano se retrouve un peu en difficulté. Il manage des villas, construit le catamaran The Pamela à Benoa, et finit en toute logique par se relancer dans ce qu’il sait faire de mieux, la moto.

L’Indonésie a beau être le troisième marché mondial du deux-roues, c’est de mobylette qu’il s’agit, et les gros cubes qui fleurissent de plus en plus à Bali sont loin d’avoir le suivi technique nécessaire. « Ici, les motos de plus de 250 cc sont surtaxées », rappelle le patron de TPM. Seules quatre marques ont appréhendé ce marché impossible réservé à une élite fortunée. Harley Davidson, BMW, Ducati et KTM sont en effet les seules à avoir ouvert des concessions en Indonésie. Pour le reste, les machines présentes sont des importations d’occasion illégales en provenance de Singapour et l’obtention des papiers est laissé à la discrétion des fonctionnaires de police. Des policiers qui sont d’ailleurs historiquement au centre de l’activité motocycliste ici. Mais leur goût les porte surtout vers Harley Davidson, sans doute à cause de la série américaine ChiP’s diffusée à loisir ici dans les années 80 et 90…

« Je n’ai jamais eu besoin de faire de la pub. Ca fonctionne grâce au bouche-à-oreille. Certes au début, ça a démarré doucement mais après deux ou trois ans, j’ai été obligé d’embaucher un premier mécano », se souvient Luciano Bernardini. Et quand il reçoit un candidat à l’embauche, il montre le sol impeccable de l’atelier et dit : « Tu vois, ça fait huit ans qu’on est ici et on n’a jamais lavé le sol. Nous, c’est comme ça qu’on travaille ». De quoi en effrayer plus d’un… Si au départ, la clientèle était surtout composée d’étrangers résidents et amateurs de belles mécaniques, la renommée de Luciano Bernardini séduit aujourd’hui une clientèle indonésienne de plus en plus nombreuse. Avoir été au cœur de la réussite en Grand Prix de stars du guidon comme Max Biaggi, Loris Regiani, Luca Cadalora, Jean-Philippe Ruggia et Jean-Michel Bayle est sans doute le meilleur marketing qui soit dans un pays qui se passionne désormais chaque dimanche pour le MotoGP. A TPM, on fait tout, de l’entretien de routine aux gros travaux, en passant par la restauration de machines rares, comme cette magnifique Honda CB 750 Four de 1972 vue le jour de notre visite. Les tarifs ? « On fournit des prestations aux standards de qualité égaux à ceux d’Europe ou des Etats-Unis pour un prix moitié moindre », explique le maestro avec malice. De quoi pousser à la faillite les deux ou trois bouchers autoproclamés mécaniciens moto qui sévissent aujourd’hui à Denpasar !

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