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Tisser l’avenir au fil du temps jadis

« Comme les Bali Aga n’écrivaient pas, c’est dans un livre en hollandais datant des colonies que nous avons pu redécouvrir de façon détaillée les techniques de tissage Cagcag que quelques-unes seulement de nos grands-mères étaient encore en mesure de pratiquer », raconte ce Balinais affable originaire de Pacung, sur la côte nord de Bali. L’aventure de Surya Indigo, qui emploie une douzaine de personnes, toute des femmes à l’exception de Nyoman et d’un de ses frères teinturier, a commencé en l’an 2000. De retour chez lui après un stage dans un hôtel de Jimbaran, qui l’a laissé déçu des perspectives qu’offre le tourisme, Nyoman Sarmika s’est demandé de quelle façon il pourrait aider sa communauté de Sembiran et Pacung, petite enclave locale de « Balinais des origines ». « J’ai eu l’idée en voyant les métiers à tisser abandonnés, mais plus personne ne les utilisait depuis le début des années 80», commente-t-il dans un sourire.

Les postulantes à l’apprentissage du Cagcag, toutes des mères de famille et des grands-mères nostalgiques, ont du faire preuve de patience car il ne faut pas moins de six mois de pratique pour être habile sur les petits métiers en bois retrouvés à Sembiran. « A l’époque, nos premiers clients ont bien sûr été les villageois mais aussi d’autres personnes de la région qui utilisaient nos châles et tissus pour leurs cérémonies », se remémore Nyoman. Mais au delà de la simple réintroduction d’un savoir artisanal oublié, ce père de deux enfants à également eu une vision pour sa communauté. Si le maintien des traditions, qui est une constante incontournable à Bali, fait partie des buts avoués de Surya Indigo, la volonté de produire des teintures naturelles et non polluantes « afin de respecter notre environnement », comme il le revendique, est tout aussi importante. Aujourd’hui, les dégâts causés par l’industrie textile dans les rivières de Bali ne peuvent plus être ignorés (cf. La Gazette de Bali n°24 – mai 2007).

La pierre d’achoppement du projet Surya Indigo reste l’impact économique positif sur la communauté. La coopérative permet en effet aux ménagères de travailler à la maison ou à l’atelier et d’obtenir ainsi des revenus supplémentaires. Mais les débouchés des tissus Bebali sur le marché local sont loin d’être suffisants. Les hôtels de la région ont donc été mis à contribution occasionnellement pour amener des clients potentiels à Pacung. « Les tissus Bebali sont aussi fabriqués de façon industrielle et sont donc bien moins chers ailleurs », constate son directeur sur la faiblesse du marché intérieur. Même si Surya Indigo a déjà participé à des foires expositions à Buleleng et Denpasar pour dynamiser ce marché, la prospection à l’étranger est aujourd’hui devenu le mot d’ordre. Pour l’instant, seuls les Pays-Bas importent de façon significative et les ventes sur l’Internet restent encore bien timides, faute de promotion véritable.

Sous un des grands bale de la coopérative, la présence d’antiques rouets sur lesquels on été adaptées des jantes de vélos rappelle que les fils de coton sont aussi produits sur place. « Nous plantons, récoltons et filons nous-mêmes notre coton, il en est de même pour les différents arbres et plantes que nous utilisons pour les teintures », explique Nyoman. Quant à la soie, également balinaise, elle provient de l’élevage de vers d’Alas Sankar, près de Singaraja. « Il faut dix jours de travail pour produire une pièce de tissus Bebali, teinture comprise, la taille variant entre 120 et 180 cm », ajoute-t-il. Les prix vont de 200 000 à 350 000 roupies la pièce selon les motifs et la matière, des prix encore très compétitifs par rapport à la somme de travail requise. Le lavage se fait bien sûr à la main, à l’eau froide et sans détergent. Indigo, acacia, safran, mangue sont parmi les plantes et agrumes utilisées pour la coloration des fils, selon des techniques qui vont du simple trempage aux cuissons répétées.

Il y a plusieurs milliers d’habitants à Sembiran et Pacung. « Les jeunes manquent de qualification et malheureusement, en ce qui concerne les jeunes filles, elles estiment plus valorisant de travailler comme bonne à tout à faire à Denpasar que de se mettre au tissage », commente-t-il avec quelques regrets. Si le Cagcag n’est donc pas la panacée pour sortir les Bali Aga de l’apathie économique, cela n’empêche pas Nyoman Sarmika de chercher des solutions. Avec des fonds obtenus auprès d’organismes d’aide locale ou internationale, le directeur de Surya Indigo a déjà organisé un stage de formation professionnelle pour les jeunes gens l’an dernier et devrait recommencer l’expérience bientôt pour les jeunes filles.

Conscient que l’éducation est la clef du succès, il dirige également depuis plusieurs années avec son épouse une fondation de soutien scolaire pour les enfants du village. Si les autorités voient d’un bon œil la coopérative de tissage, qui a déjà reçu une sorte de prix d’excellence, il n’en va pas de même pour la fondation scolaire. Malgré les résultats probants des écoliers, elle n’est pas reconnue et ses bénévoles subissent la jalousie mesquine de l’éducation nationale. Cette école parallèle bénéficie pourtant d’infrastructures et de compétences qui la placeraient au niveau de certaines écoles internationales du sud de Bali et représente une chance extraordinaire pour les enfants qui la fréquentent gratuitement en plus de l’école officielle. Nyoman Sarmika reste philosophe devant ces tracasseries et conclut avec sobriété: « L’important, c’est que nos jeunes soient mieux armés pour l’avenir ».

Contact : Tél. 081 23 62 65 35, courriel à [[email protected]>[email protected]] et sur l’Internet à [www.surya-indigo.com->www.surya-indigo.com]

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