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TIM MB : LE BUREAU DE PRESSE QUI COORDONNE LA MODE A JAKARTA

Nous n’avons pas souvent parlé de l’univers de la mode indonésienne dans ce journal. Etant à Bali, c’est un peu comme si en France, on essayait de parler des collections parisiennes depuis la Côte d’Azur. Cela n’est pas complètement incongru, mais cela n’est pas très pertinent non plus. Nous nous sommes quand même aventurés sur le sujet précédemment car Bali a des designers de talent comme Oka Diputra ou Putu Aliki (cf. La Gazette de Bali n°59 – novembre 2009). Cette fois, nous avons eu la chance de rencontrer Alvia Indira-Gita lors du défilé « Z’rowaste » de Susan Budihardjo à Bali. Cette petite femme énergique est la patronne de Tim MB, le premier et le plus important bureau de presse de Jakarta. Avec elle comme guide, découvrons l’univers très professionnel de la mode en Indonésie…

En vivant en Indonésie, on découvre rapidement que le pays a un goût certain pour la mode et également des compétences qu’on ne trouve pas ailleurs. C’est incontestablement le pays de la mode dans l’ASEAN, et probablement aussi dans toute l’Asie. En dehors d’un goût très élaboré, les Indonésiens ont également une tradition du vêtement et des tissus qu’on ne trouve pas nécessairement avec la même richesse ailleurs en Asie. Enfin, l’essor récent de la mode musulmane, dont Jakarta s’est autoproclamé l’épicentre avec raison, a définitivement placé l’Indonésie sur la carte mondiale de la création. Reste que les forteresses sont toujours difficiles à prendre et les grandes capitales mondiales de l’industrie de la mode que sont Paris, New-York, Milan ou Londres ne font encore que très peu de place aux designers de l’Archipel. Cela n’est pas bien grave, le marché local est énorme et ce manque de reconnaissance de l’establishment n’empêche pas le secteur de prospérer. Surtout depuis une quinzaine d’années.

Tim Muara Bagdja, du nom de son créateur aujourd’hui décédé, peut justement en témoigner après 15 ans d’existence, tant sa présence a permis à l’univers de la mode indonésienne de se professionnaliser. « Tout a commencé en l’an 2000, ce besoin d’encadrer les activités de la mode pour plus d’efficacité. Avant, les médias, les journalistes, étaient considérés comme de simples scribouillards. Quant aux photographes, n’en parlons même pas ! Grâce à l’organisation de Tim MB, nous en avons fait des VIP en quelque sorte. Cela a amélioré la qualité professionnelle des relations entre les créateurs et les magazines et dynamisé l’industrie », explique Alvia Indira-Gita qui a commencé comme rédactrice de mode et qui est aujourd’hui à la tête de ce bureau de presse qui organise aussi les défilés. « Nous avons instauré une méthode de travail, comment inviter les gens de la presse en fonction des affinités. Eh oui, il faut connaître les goûts et les états d’âme de tout le monde. On nous écoute désormais dans tous les domaines et nous sommes actifs dans la mode, la beauté, la coiffure et le mode de vie », ajoute-elle.

Tim MB organise jusqu’à 40 événements par an
Près de 200 créateurs indonésiens sont déjà passés entre les mains de Tim MB pour la présentation de leur travail dans un pays où cela ne fonctionne pas comme en Occident. En effet, en Indonésie, pas de collections automne-hiver, ni printemps-été, les défilés ont lieu 365 jours par an sur la base d’organisations collectives comme en témoignent les nombreuses fashion weeks programmées tout au long de l’année, ou personnelles, à la demande du créateur qui veut présenter sa nouvelle collection. L’Indonésie a trois organisations professionnelles de mode, l’APPMI, l’IPMI et l’IFC, qui sont en compétition, les événements liés à l’industrie de la mode abondent. De quoi occuper l’emploi du temps bien rempli de Tim MB qui organise jusqu’à 40 événements par an. Tim MB dispose également d’une cinquantaine de photographes et, pour les petits défilés, peut fournir les modèles quand leur nombre ne dépasse pas la vingtaine. Sinon, ce sont les agences qui s’occupent directement des castings.

TIM MB se fait fort de pouvoir organiser un défilé en deux semaines minimum mais pour les plus gros événements, cela peut nécessiter jusqu’à trois mois de préparation à l’équipe de 8 personnes qui le compose. En général, les créateurs indonésiens présentent une collection par an, ceux spécialisés dans la mode musulmane, comme Itang Yunasz par exemple, peuvent faire en plus une collection spéciale pour lebaran, la période de congé post-ramadan. Les créateurs qui travaillent avec TIM MB sont parmi les plus réputés dans le pays, comme Sebastian Gunawan, Didi Budiardjo ou Adrian Gan. Parmi les noms qui montent, Alvia Indira-Gita cite ceux de Hian Tjen, Imelda Kartini, Monica Ivena et Tex Saverio, ce dernier ayant déjà mis un pied aux Etats-Unis en créant des tenues pour Lady Gaga, Jennifer Lawrence et Kim Kardashian. Porteurs d’un courant innovant, plus « clean cut », elle cite encore les noms de Peggy Hartanto, Vinora Ng et Aguste Susastro. Si la plupart de ces créateurs sont plutôt couture, elle loue cependant la montée récente des collections de prêt-à-porter en Indonésie.

Des défilés avec des budgets dépassant le milliard de roupies
Organiser tous ces défilés à longueur d’années réclame une organisation sans faille, quasiment militaire, un domaine dans lequel les Indonésiens excellent. Tim MB fournit ou coordonnent les prestations nécessaires, allant du show director au chorégraphe, au music director, au lightshow, le tout nécessitant un timing impeccable et réglé comme du papier à musique pour des budgets allant jusqu’à 1,5 milliard de roupies. Les éclairages peuvent coûter jusqu’à 150 millions de roupies, les mannequins de catwalk sont payés de 1 à 8 millions de roupies en fonction de leur rating qui se décline en 4 catégories, A, B, C et D. Des mannequins qui doivent faire 175cm minimum et qui sont constitués aujourd’hui à 50% de filles occidentales, pour l’essentiel des Russes. « Elles ont la côte en ce moment, mais elles ne savent pas marcher, elles manquent de grâce », confie Alvia, dubitative. Dernière idée en vogue, les présentations fixes sur mannequins en plastique, dont Tim MB est également un des précurseurs.

Basée sur une riche histoire du tissu et du vêtement, batik, tenun, songket, sarong, la mode indonésienne vit en ce moment un âge d’or. « Nous sommes actuellement à un pic. La sélection naturelle va s’opérer mais cela est prometteur pour l’avenir. Ce secteur va s’améliorer, notamment avec la mode musulmane qui est porteuse d’espoir pour notre industrie. La mode musulmane d’Indonésie s’exporte déjà vers les pays arabes, en Europe et aux Etats-Unis », conclut-elle sur cet univers en plein boum. Et signe qui ne trompe pas dans ce pays immense où tout le monde n’a pas forcément les moyens de monter à la capitale pour présenter son travail, les défilés de mode commencent à se répandre en province comme c’est le cas à Solo, Yogyakarta, Bali, Bandung, Batam, ou même Jember qui organisent eux aussi leur fashion weeks. Avec tout ça, l’Indonésie ne serait-elle pas en train de devenir tout simplement le pays de la mode ?

Tim Muara Bagdja, [email protected]

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