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Taman Nusa : l’Indonésie dans votre jardin ou presque

Nous avions été alertés il y a quelques mois par une lectrice enthousiaste de l’ouverture récente de ce Taman Nusa. Nous avions d’ailleurs publié son courrier dans la page Forum et nous nous étions promis d’en faire la découverte bientôt. Robert Untu, 25 ans et des rondeurs bonhommes nous reçoit avec toute la gentillesse et l’attention qu’on sait prodiguer ici. Nous sommes un peu sur nos gardes car nous ne savons pas trop à quoi nous attendre. Nous en avons vues beaucoup des initiatives culturelles privées ici et nous avons rarement été emballés, non pas que nous soyons difficiles mais parce qu’elles nous déçoivent toujours par un certain manque de professionnalisme ou des fautes de goût qui nous rappellent que l’Indonésie a souvent du mal à s’aligner sur les critères internationaux. Et puis, l’Archipel en miniature, ce n’est pas une trouvaille originale. L’épouse Suharto avait eu cette idée dans les années 70 en créant le fameux Taman Mini de Jakarta.

« Ce projet a mis sept ans à voir le jour et il a fallu trois ans pour le construire. D’ailleurs, ce n’est pas encore complètement fini même si nous avons ouvert depuis le 10 juillet 2013 », explique Robert d’une voix douce. Son père, Santoso Senangsyah, a fait fortune dans l’huile de palme et a réalisé un rêve qu’il avait depuis longtemps. La vision de ce Sino-indonésien originaire de Sumatra est claire, aider à sauvegarder l’héritage culturel indonésien en mettant en avant sa diversité. Cette diversité, au centre de la devise nationale, doit être le rempart contre l’intolérance qui gagne ces dernières années. Sur le site qu’on parcourt à la fois comme un voyage à travers les âges et à travers les régions, ont été construites une soixantaine de maisons traditionnelles. Certaines ont été fabriquées sur place, d’autres ont été importées de leur île d’origine.

<img4096|left> Un Borobodur en miniature

Robert nous montre le premier bâtiment après l’accueil, dont le toit est en forme de feuille de bétel afin d’adresser un message de bienvenue aux visiteurs, conformément à l’idée du professeur Gunawan Tjahjono qui a conceptualisé le parc avec son père et son frère aîné. Il nous emmène ensuite vers la droite où se trouve l’auditorium et un espace avec des photos et des graphiques qui vont aider le visiteur à s’y retrouver dans l’espace et le temps indonésiens. Nous voilà embarqués dans la machine à remonter le temps, en pleine préhistoire, nous traversons des grottes et l’âge de bronze en emboitant le pas derrière notre hôte, avant de nous diriger d’une allure preste vers la lumière et les débuts de la civilisation : les dynasties royales. Au détour d’un méandre, nous voici devant Borobudur en miniature. Robert nous invite à y grimper alors que des écoliers d’un établissement international en visite ont déjà pris le lieu d’assaut.

<img4097|right> « C’est une réplique à l’identique dont les blocs ont été sculptés à Magelang avant d’être acheminés à Bali. Soit 90 camions », s’enorgueillit le fils du fondateur qui a fait des études d’informatique en Australie. Au sortir de ce mini-Borobudur flambant neuf, notre hôte nous avertit que nous entrons désormais dans le kampung budaya, par les Nusa Tenggara Timur (NTT) où les îles les plus à l’est de l’Indonésie. Et c’est dans une hutte papoue que nous pénétrons en premier. Surprise, il y a quelqu’un dans cette maison traditionnelle, assis par terre, dans une tenue toute aussi traditionnelle, qui sculpte le bois. Robert explique qu’il s’agit de Pak Okto. Après quelques mots échangés avec cet artisan d’origine asmat, nous ressortons avec un sentiment bizarre, quelle surprise, la maîtresse de maison est un Asmat en grande tenue ! En face, nous entrons dans une maison Amarasi, près de Timor Leste, là aussi, nous sommes accueillis par quelqu’un que Robert décrit comme l’incomparable artisan qui a sculpté tous les panneaux de bois de la bâtisse. Effectivement, c’est très beau et l’homme est tout sourire en nous voyant. La visite se poursuit ainsi d’île en île, jusqu’à l’autre bout : Aceh. Certaines demeures ont des occupants, d’autres non. Nous pouvons tout visiter, monter, descendre, toucher, nous sommes comme des enfants dans un parc d’attractions. Robert nous offre un verre dans une des buvettes du parc.

<img4098|left> Le regard sévère de Gadjah Mada

Après avoir déambulé dans ce village pour le moins « multi-ethnique », ponctué d’espaces ateliers où nous pouvons apprécier des danses ou des activités artisanales comme la sculpture ou le tissage, nous abordons l’île de Java qui a une place spéciale puisqu’elle clôt la visite du Cultural Village. Nous l’abordons par l’est. Notre curiosité nous pousse dans une maison de Jawa tengah, puis dans une bâtisse betawi. Une rue de quartier chinois plus loin et la visite géographique terminée, nous reprenons notre voyage dans le temps en emboitant le pas de notre hôte vers une place aux allures solennelles sur fond de temple hindouiste très ancien. Gadjah Mada nous regarde d’un air pas commode devant le temple de Trowulan. Nous faisons ensuite un saut dans le temps d’à peu près 900 ans pour lire la déclaration d’indépendance en présence de Sukarno et d’Hatta. Au prochain détour, en contrebas, un labyrinthe végétal est en projet, seul témoignage de l’ère coloniale…

<img4099|right> Avec l’ami Robert aux commandes, nous avons donc traversé le temps, l’espace et l’histoire de l’Indonésie (moins les colons hollandais donc…) et nous voici revenus dans le temps présent. Nous avons un train à prendre nous dit-il. Nous sommes effectivement plantés devant une reproduction de la façade de la gare centrale de Jakarta et nous entrons à sa suite. A l’intérieur, un immense diorama sur 200m2 du réseau ferroviaire de Java avec en décor, les campagnes et villes principales de l’île. Le train miniature est encore en chantier et ne sera terminé que dans quatre mois au mieux. Le chef du projet nous avoue qu’il travaille au feeling (en bon Javanais !) et qu’ils feront eux-mêmes tous les moules des locomotives et wagons. Ils les adapteront sur les châssis de la marque japonaise qu’ils ont choisie pour ce diorama ferroviaire unique à Bali. Nous le laissons à des décors de Jogjakarta et à ses rêves d’enfant.

<img4100|left> Bibliothèque numérique en forme de balayette

En route pour l’avenir maintenant, nous lance notre guide en pressant le pas vers un curieux bâtiment en forme de balayette (sapu lidi). « Une branche de cette balayette seule est sans aucune utilité, nous explique-t-il, mais liées toutes ensemble, elles forment un outil extrêmement efficace. » De cette symbolique en phase avec l’idéologie indonésienne, le concepteur Gunawan Tjahjono a donc dessiné cette singulière construction de deux niveaux qui abrite une bibliothèque numérique. Trois salles d’exposition, deux permanentes consacrées aux wayangs, aux batiks et autres ikat, plus une pour les expos ponctuelles, sont adjacentes à la librairie. Des terrasses autour de cette structure très moderne inhabituelle à Bali accueilleront bientôt des cours de yoga et autres foires d’exposition nous apprend-on.

<img4101|right> La direction du site a d’ailleurs l’intention d’organiser une sorte de festival en invitant les artistes et artisans balinais à venir démontrer leurs talents lors d’une semaine spéciale. « Notre vision est aussi d’améliorer les ressources économiques de Bali à travers des activités culturelles et artistiques », poursuit Robert. Mais pas seulement, puisqu’avec cet avant-goût d’Archipel que donne Taman Nusa, certains touristes sont finalement bien inspirés d’aller visiter des régions dont ils ne soupçonnaient pas l’intérêt. Autrement dit, Taman Nusa est un formidable outil de promotion du tourisme en Indonésie qui pourra servir de vitrine à toutes les régions du pays, Bali étant la porte d’entrée principale des touristes. Notons que pour l’instant, aucun ministre n’a encore manifesté son intérêt pour Taman Nusa, seuls des officiels balinais l’ont visité. La famille de Santoso Senangsyah devra être patiente, en Indonésie, le temps fait tout à l’affaire…

<img4102|left> Guides en chair et en os ou appli Smartphone

En attendant que les ministres se réveillent, le site est déjà sur une bonne vitesse de croisière côté fréquentation avec une moyenne de 200 visiteurs par jour. Il est vrai qu’avec 200 employés sur place et des frais opérationnels colossaux, il faut faire venir le chaland. Lors de notre visite, de nombreux bus étaient parqués dehors. Des écoles pour l’essentiel. Les deals avec les travel agents, incontournables à Bali pour ce type de business, se mettent en place. Les guides parlent anglais, français et italien pour l’instant, d’autres langues sont prévues bientôt. Et comme Robert et son grand frère Edward sont des as en IT, ils ont développé une appli qui permet de bénéficier d’une visite guidée Smartphone à la main, en anglais, indonésien ou mandarin. L’auditorium (250 places) sera bientôt terminé et les premières conférences pourront enfin avoir lieu, ajoute-il.

<img4095|right> « La vision de mon père, c’était de créer une atmosphère de village sur le site. Il aime la culture et aujourd’hui, il est désolé de voir dans quel état elle se trouve ici. C’est tout le sens de cette initiative », conclut Robert, un peu essoufflé par la remontée finale et surtout deux heures d’explications en tout genre sur ce projet familial développé avec un goût sûr et un authentique professionnalisme. Il espère que le site accueillera bientôt encore plus d’habitants autochtones dans le village culturel. Nous devrons donc voir le bon côté des choses au sujet de cette façon de montrer des êtres humains au public. Est-ce que la fierté de Pak Okto, quand nous avons dialogué avec lui sur sa culture asmat, a vaincu nos réticences initiales ? Ou est-ce que des mannequins ne feraient-ils pas mieux l’affaire ? Il reviendra à chacun des visiteurs de prendre position sur ce sujet. En attendant, nous avons demandé à Robert qu’est-ce qui différenciait Taman Nusa de son prédécesseur Taman Mini. La réponse se révèle un casse-tête typiquement chinois : « Taman Mini est plus grand lui. »

Taman Nusa –
Jl. Taman Bali, Banjarangka,
Br. Blahpane Kelod, Sidan, Gianyar.
Tél. (0361) 952952 –
[www.taman-nusa.com->www.taman-nusa.com].

Prix d’entrée spécial « soft opening » à 50% : 25 $ adultes, 12,5 $ enfants. Valable jusque fin mars.

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