Accueil Portraits

Studio Antida : un centre de la culture comme chez nous

Pour être franc, quand on parle art en Indonésie, ça ne vient pas à l’esprit de beaucoup qu’il puisse s’agir de création contemporaine. Non, qui dit art dit tradition et le ressassement sans fin des coutumes et pratiques qui la perpétuent. Entre affirmation identitaire et religieuse, à Bali comme dans les autres îles du pays, difficile de faire place à la création vivante qui se retrouve au mieux cantonnée au rayon divertissement. D’ailleurs, le mot « artis » est ici justement utilisé pour désigner ceux qui n’en sont pas, à savoir les actrices de soap, les présentateurs télé et autres chanteurs mièvres… Bien sûr, les artistes, au sens où nous l’entendons en Occident, existent aussi en Indonésie – la Gazette leur a d’ailleurs consacré de nombreux articles – mais ils sont bien souvent condamnés à l’underground ou à l’expatriation. Après avoir vécu 13 ans à Lausanne, Anom Darsana avait bien conscience de cette différence d’appréciation entre nos deux cultures. « J’aimerais que les gens fortunés de Bali comprennent ce qui se passe et investissent dans la création », explique-t-il.

Parfaitement francophone, d’ailleurs diplômé de l’Ecole de français moderne de Lausanne, Anom Darsana était allé en Suisse rejoindre son père qui avait fui l’Indonésie après les problèmes politiques de 1965. C’est là qu’il a appris le métier d’ingénieur du son et a mené sa carrière dans le spectacle. C’est un habitué des festivals de Montreux et de Nyon, il a également une expérience solide dans le théâtre et à la télévision helvétique. Il y retourne chaque année d’ailleurs pour sonoriser des concerts ou partir en tournée avec des groupes. Plus près de nous, Anom Darsana est l’ingénieur du son à Bali d’artistes comme Michael Franti, Saharadja ou Louis Bertignac lorsque ce dernier s’est produit à l’hôtel Tugu. Implanté entre Denpasar et Sanur, le centre Serambi Arts Antida a fort belle allure et ressemble à ce que nous connaissons chez nous. Le studio d’enregistrement, joyau de cette couronne dédiée à la culture, est à la pointe de ce qui se fait de mieux. De nombreux artistes y ont déjà enregistré. L’ingénieur du son anglais Simon Cotsworth, connu pour son travail avec Incognito et George Benson, y a ses quartiers. Ce Britannique qui vit en Indonésie est associé à certains des projets mis en place par Anom Darsana comme les compilations «  Jazz Rendez-Vous » qui regroupent d’excellents instrumentistes du coin.

La musique est évidemment la passion numéro un d’Anom Darsana. Guitariste depuis le lycée, il est aujourd’hui un producteur confirmé qui travaille avec des groupes comme Dialog Dini Hari, Nostress, Scared of Bums. Il s’est néanmoins découvert une passion pour le théâtre et la littérature. A ce titre, un atelier de la dernière édition du « Ubud Writers and Readers Festival », consacré aux écrivains émergeants, s’est déroulé à Antida. « J’ai eu besoin de deux à trois ans pour créer mes contacts et mon réseau. Il y a tout à faire ici. Ca passe beaucoup par l’amitié. Les groupes qui passent ici, je ne leur donne pas de cachet mais je les enregistre et je leur donne un CD », continue-t-il. C’est le studio d’enregistrement qui viabilise les activités annexes. « Nous avons des musiciens d’Australie, de Singapour, du Japon, des Etats-Unis qui viennent ici », ajoute-t-il. Le studio Antida est le plus cher de Denpasar, dixit son propriétaire. En voici les tarifs, plutôt compétitifs à vrai dire : 800 000 roupies pour 6 heures d’enregistrement, 900 000 pour 6 heures de mixage et 3 000 000 pour masteriser un CD. Le studio est booké à 90% du temps, s’enorgueillit-il.

Il n’en demeure pas moins qu’Anom Darsana est à la recherche de mécènes. Pour lui ou pour les autres. « J’aimerais que d’autres Balinais aient la même mission que moi, à Ubud, à Sanur, etc. Si tu fais de la musique live, les jeunes viennent et ça crée une émulsion », explique-t-il. Jamais à court d’idée, Anom Darsana a déjà organisé de nombreux événements à Antida. Il y a tenu le séminaire « Earth Day festival » en avril dernier, avec l’ONG « Bali cantik  tanpa plastik » et des enfants des écoles à qui on a appris à dire non aux sacs plastiques. Des groupes locaux ont offert une chanson sur le thème, aujourd’hui compilées sur un album vendu au profit de l’association. Afin d’améliorer les qualifications professionnelles des sonorisateurs locaux, Antida a également organisé des séminaires son sous l’égide du magasin de musique King Audio de Denpasar. Antida est aussi associé au projet « One Dollar for Music » lancé en Indonésie par le Hollandais Raoul Wijffels pour soutenir les jeunes talents. On y projette aussi depuis peu des courts-métrages de jeunes réalisateurs avec l’association Minikino.

Jazz, rock, world music, gamelan ou même bruitage et illustration sonore, le centre Antida est ouvert à tout et à tous. Comme artiste, comme client, comme commanditaire, comme parrain, Anom Darsana saura vous recevoir avec l’attention et la gentillesse qui le caractérisent. Une soirée à Antida coûte dans les quatre millions tout compris. Et afin de rester à la pointe de la technologie, Anom Darsana rentre en Suisse tous les étés pendant la période des festivals pour sonoriser les plus grands musiciens. Entre l’Ouest et l’Est, le courant passe grâce à Antida !

LAISSER UNE RÉPONSE

Please enter your comment!
Please enter your name here