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Scandale de la Bank Century : et maintenant ?

Elle était chargée de faire la lumière sur les raisons d’un tel déboursement et surtout sur la destination des fonds, mais il faut admettre que la commission d’enquête parlementaire a du mal à sortir de l’ombre. Pas tant en termes médiatiques, tous ses membres ayant occupé le devant de la scène pendant de longues semaines, mais le contenu de leurs conclusions laisse perplexe.

Dès le début pourtant cette enquête s’apparentait davantage à une chasse aux sorcières qu’à une véritable enquête. La commission a en effet été établie avec l’idée qu’une partie des fonds avait été utilisée par le président Yudhoyono, son vice-président Boediono et le parti démocrate au cours de la campagne présidentielle de juillet dernier. En tant que professionnels sans soutien d’un parti politique, Boediono ainsi que la ministre des Finances Sri Mulyani représentaient des proies aisées. C’est la raison pour laquelle, bien qu’expliquant la nécessité du déboursement afin de sauver l’économie nationale en période de crise, la commission n’a jamais pris cet argument en compte.

La commission parlementaire a affirmé baser son enquête sur un rapport du BPK, l’agence supérieure d’audit. Mais cette même institution avait auparavant accepté le rapport financier de l’agence en charge du déboursement des fonds vers la banque Century, bien que ce rapport financier fasse état d’un déboursement de près de 550 millions de dollars. La précédente assemblée législative (2004-2009) n’avait rien trouvé à y redire non plus.

Ironiquement, au terme de ces trois mois d’enquête, le parlement n’est pas parvenu à conclure fermement que des pratiques corruptrices ou un détournement de fonds avaient eu lieu. Il a conclu que le déboursement était une erreur, mais sans préciser pourquoi. Sa seule recommandation est de confier le cas aux autorités légales compétentes. Avec de telles conclusions, le public est en droit de se demander si l’existence même de cette commission était justifiée. Celle-ci a quoi qu’il en soit envoyé un signal fort aux futurs commis de l’Etat : en cas de crise ou en période de doute, ne faites rien, même si c’est nécessaire. Le risque personnel de ne rien faire est quasiment nul. Dans le cas contraire vous risquez d’en payer le prix politique.

C’est la situation à laquelle font actuellement face Sri Mulyani et Boediono. Ceux-ci ont en effet eu le courage de prendre la décision qui de toute évidence s’imposait, n’en déplaise aux parlementaires. Car au moment du déboursement, ce n’est rien d’autre que le sauvetage de l’économie indonésienne qui était en jeu. « Un risque systémique est une notion très réelle et très connue dans l’économie bancaire et monétaire, explique Akhmad Rizal Shidiq, docteur en économie. Cela illustre le lien entre la vie d’une banque, une crise bancaire et un effondrement de l’économie. Dans le cas de Century, supposons qu’à la fin 2008 le gouvernement ait laissé la banque mourir et annoncé que les propriétaires de Century avaient mal utilisé l’argent de leurs clients et avaient été frappés par la crise économique mondiale. Les clients des autres banques auraient dès lors probablement pensé que les patrons de leur banque ont fait de même. Réaction naturelle. Ils auraient alors retiré leur argent des dites banques. D’autres, suivant l’exemple, auraient suivi le mouvement. La panique s’étend. Les banques, mêmes les plus riches, seraient subitement devenues insolvables, laissant de nombreux clients dans l’impossibilité de retirer leur argent. »

Arianto Patunru, de l’école d’économie de l’Université d’Indonésie, a démontré que si le gouvernement avait laissé Century s’effondrer, la roupie aurait plongé jusqu’à 12 500 pour un dollar à la mi-novembre 2008. L’institut de recherche Danareksa a lui fait remarquer qu’à la même période l’indice de pression sur le système bancaire était supérieur à celui de mars 1997, qui avait conduit à la crise économique de 1998. Les retraits massifs de fonds par les clients auraient obligé les banques à vendre leurs actifs à toute vitesse, donc moins chers que leur valeur réelle, conduisant plusieurs d’entre elles vers la banqueroute. Les autres auraient prêté beaucoup plus difficilement, à un moment même où les entreprises auraient eu besoin de financement extérieur. Cela entraîne alors une baisse de l’investissement et de la production. Voilà comment, par un effet de spirale, une économie entière se retrouve à genoux.

Le président Yudhoyono, qui a apporté son soutien tardif à ses deux lieutenants dans leur choix de débourser l’argent nécessaire au renflouage de la banque Century, a donc certainement bien fait. Cette décision va rassurer les investisseurs étrangers et montrer qu’il n’est pas complètement à la solde des manœuvres politiciennes qui se trament en coulisses. Mais elle le met dans une situation politique difficile en interne. Son parti démocrate a vu plusieurs de ses alliés voter contre lui à l’assemblée, laissant augurer d’un avenir fragile pour la coalition au pouvoir. SBY peut punir le Golkar, le PKS et le PPP pour cela, en les éjectant du gouvernement. Mais il n’aurait dès lors plus que le PAN du fidèle Hatta Radjasa pour l’accompagner, lui retirant sa majorité confortable au parlement et aussi la possibilité de réformer le pays.

La dernière possibilité verrait un rapprochement entre le parti démocrate et le PDI-P, éternel parti d’opposition. Taufik Kiemas, le mari de Megawati, verrait cette option d’un bon œil. Sa femme apparemment moins, à qui l’on ne peut reprocher d’avoir de la suite dans les idées, à défaut d’avoir des idées.

Il est donc clair que si le volet économique de la saga Century semble aujourd’hui passé, son volet politique n’en est encore qu’à ses balbutiements. La période de latence actuelle devrait laisser place à de nouveaux rebondissements d’ici peu. Le KPK, qui enquête actuellement sur Century, devrait en être un acteur principal. Cela pourrait représenter une merveilleuse opportunité pour la commission anti-corruption de redorer un blason quelque peu souillé ces derniers temps.

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