Initiative courageuse de la chaîne TV7, Saksi Hidup (Témoin Vivant) est une émission mensuelle d’une heure qui propose de rouvrir les dossiers brûlants de l’histoire récente. Le mois dernier, nous avons pu nous pencher sur « l’affaire Malari », une révolte étudiante de 1974 manipulée par des proches du pouvoir pour déstabiliser Suharto. Le principe de l’émission est de faire parler les témoins encore vivants et d’illustrer leurs propos d’images d’archive nationale, une première également tant ces précieux documents étaient d’habitude inaccessibles. « L’affaire Malari » n’a jusqu’à présent jamais été éclaircie de façon satisfaisante et Saksi Hidup n’apporte pas d’éléments nouveaux d’importance. En janvier 1974, à l’occasion d’une visite officielle du Premier ministre japonais Tanaka, les rues de Jakarta sont envahies par des étudiants qui refusent les accords économiques qui sont à l’ordre du jour. Cette manifestation est le point d’orgue d’une agitation étudiante qui dure depuis des mois. Des dégradations d’une rare violence sont commises, forçant l’armée à intervenir pour rétablir l’ordre. Les leaders étudiants vont être jugés sommairement et emprisonnés.
Selon l’explication la plus plausible, les violences ont été provoquées par des agitateurs à la solde du général Sumitro, alors commandant du puissant organe de sécurité intérieure Kopkamtib. Ce proche de Suharto aurait manipulé le mouvement étudiant et tablait sur une déstabilisation du régime. Murtopo, chef de l’Opsus, autre organe de sécurité indonésien, et adversaire déclaré de Sumitro, va démonter le complot et « avoir la peau politique » de son rival en le faisant définitivement écarter du pouvoir. Plus de 30 ans après, il demeure passionnant de recueillir l’opinion des leaders étudiants survivants, qui jurent de leur bonne foi et affirment avoir été débordés par les provocateurs à la solde de Sumitro. La chaîne d’infos Metro TV vient également de sortir une émission concurrente sur le même principe baptisée Metro Files. Saluons donc les efforts du paysage audiovisuel indonésien et rappelons nous qu’en France, les dossiers sensibles comme la torture en Algérie ou la manifestation sanglante de Charonne en 1961 ont mis des années avant de faire l’objet d’un recadrage historique à la télévision.
