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Rêvasser au bord de la mare de son jardin

La plupart de mes soirées, je vais m’asseoir un moment à côté de la petite mare de mon jardin. N’ayant aucune pompe, filtre ou autre fontaine, mon bassin est un endroit silencieux et paisible. Elle n’est pas grande mais cette zone d’eau stagnante qui reflète les arbres environnants et la végétation me procure un endroit de calme contemplation.

Plein de gens à Bali ont un bassin dans leur jardin et il est intéressant de se poser la question pourquoi quiconque éprouve le besoin d’en avoir un. Certains veulent recréer le « paradis de jungle » tropicale de leur imagination dans leur lopin de terre (mais sans les tigres !). Les piscines sont tellement chlorées que seulement quelques chauvesouris
et martinets assoiffés descendent des cieux pour gober cette eau dégoûtante. Les gars de la maintenance sont d’ailleurs employés à bon escient, récupérant des tas de crapauds morts d’avoir absorbé les composants chimiques par la peau. Les batraciens flottent le ventre en l’air parmi cette autre nuisance majeure : les feuilles mortes. Il en va ainsi et bien que ça soit encore plus de travail, les gens veulent aussi un bassin.

Ces mares sont de toutes les formes, tailles et profondeurs. Certaines sont vraiment « naturelles » – un simple trou dans la terre qui se remplit avec la pluie. D’autres sont énormes, sans doute pour refléter le luxe d’une villa ou d’un hôtel. Etant donné le coût d’installer un bassin d’importation, la plupart ici sont construits en ciment. Fréquemment, après que les poissons et les plantes soient morts, le propriétaire réalise à quel point la peinture étanche est toxique ! S’il est entretenu proprement, ce bassin décoratif d’eau claire et stérile contenant une douzaine d’ennuyeuses (selon moi) carpes koï, est très populaire. Ces poissons grossiront jusqu’à une taille suffisante pour impressionner les invités. Alternativement, ce genre de bassin peut aussi être saturé de tas de mujair (tilapias), des poissons qui grossissent et se reproduisent rapidement. Bien que de texture un peu râpeuse, la chaire de ces poissons est un met bienvenu pour un jardinier ou une bonne qui les aura subrepticement capturés pendant que le proprio ne regarde pas. Les bassins de carpes koï et de mujair sont pour certaines raisons populaires dans les hôtels et les restaurants, les poissons étant habitués à se bousculer comme des piranhas pour des morceaux de pain. Y rajouter des lotus et des liserons d’eau est un plus coloré.

Contrairement aux piscines, un bassin n’est pas pour se baigner ou pagayer. De plus, ça devient boueux et poisseux au fond et l’eau finit par devenir verte comme une soupe de petits pois et sentir comme les égouts. Et puis, ces chouettes pierres disséminées le long du bassin peuvent devenir de dangereux pièges pour les fêtards éméchés. Les anecdotes au sujet de gens imbibés essayant de passer ces obstacles sur le chemin du barbecue la nuit sont bien communes. Evidemment, ils perdent pied, tombent dans l’eau saumâtre et rentrent chez eux en titubant, leur cheveux et leurs vêtements de soirée plein de déjections visqueuses de poissons.

Bien sûr, les bassins peuvent aussi être perçus comme des dangers pour différentes raisons, autres que la noyade des enfants, des animaux de compagnie ou les adultes ivres qui tombent dedans. Il y a la menace bien réelle de la mare procurant en espace de prolifération de l’abominable dengue. Ce dernier problème peut-être résolu en introduisant des poissons qui mangent les larves de moustique, qu’on trouve dans les boutiques pour aquariophiles. Y mettre des tas de plantes aquatiques va rapidement réduire l’espace d’eau ouverte en surface mais va aider à la rendre plus claire. Les jacinthes d’eau (Eichornia crassipes), d’importation également, est un autre exemple de plante de bassin très prisée. Toutefois, bien que cette plante soit très jolie, les jacinthes d’eau peuvent rapidement saturer la surface et priver les poissons d’oxygène. Il faut donc en jeter régulièrement.

Dans les zones urbaines tout autour de la planète, les mares de jardin sont devenues d’importants refuges pour la vie sauvage, lui procurant un montant non négligeable d’habitats alternatifs lorsque les campagnes environnantes disparaissent sous les habitations et autres projets de développement. Les mêmes principes sont valables à Bali où l’ancienne et importante jungle et autres forêts d’origine ont été détruites et remplacées par des villas,des sites touristiques et des édifices en dur. Et puis, biendes terres agraires, dont les fameuses rizières qui étaientsi précieuses, ont également disparu de la même façon.Inévitablement, les créatures environnantes, privées de leur habitat d’origine, vont coloniser et utiliser ces nouveaux bassins. Cela concerne les gros escargots-pommes (Ampullariidae), les punaises d’eau et quantité d’autres animaux, comme les scorpions d’eau, les coccinelles et les libellules. Bien sûr, ce sont les grenouilles et les crapauds qui sont les plus communs dans les mares balinaises. Leurchant nocturne est apprécié ou bien détesté. Je ne sais plus combien de fois on m’a appelé pour que je débarrassedes mares de ces bruyants amphibiens ! Personnellement,j’aime leurs coassements constants qui me bercent jusqu’àun sommeil profond chaque nuit. Ils réduisent aussi lapopulation d’insectes. Les visiteurs diurnes peuvent inclure serpents, varans et toutes sortes d’oiseaux se nourrissant de poissons, dont les martins-pêcheurs et les héronsqui peuvent rapidement réduire une belle collection depoissons à zéro si on les laisse faire !

Dans le contexte propre à Bali, le dossier de l’eau est primordial. Comme les piscines, les bassins de jardin doivent aussi être nettoyés et remplis régulièrement. Utiliser l’eau de la ville comporte le risque de tuer tout ce qu’il y a de vivant dans la mare et utiliser l’eau des rizières saturée de fertilisants va transformer le bassin en soupe verte ! Sur une île où l’eau vient régulièrement à manquer, les pauvres des zones rurales n’ont pas d’eau potable. L’épuisement des sources montagneuses pour alimenter les zones à touristes et les villas menacent d’assécher bien des rivières, des lacs et des réservoirs, jusqu’aux nappes souterraines. Les touristes étrangers, qui ont l’habitude de disposer d’eau potable au robinet tout au long de l’année, sont identifiés comme utilisant jusqu’à 30 fois plus d’eau par jour que les villageois moyens. Vu ainsi, une piscine, ou même un bassin, peut-être perçu par certains comme une extravagance bien dispensable. De l’autre côté, des businessmen avec une conscience ont bien compris les opportunités que procurent les bassins pour le recyclage et la purification de l’eau et il y a des exemples pertinents de ces techniques sur l’île. Filtrée à travers une série de bassins contenant des masses de plantes aquatiques et de graviers, une eau « sale » (qui serait simplement jetée au sol par la plupart des gens) devient suffisamment propre pour le lavage et même pour la cuisine avec un filtrage supplémentaire.

Tout bien pesé, je suis persuadé que les mares sont une utile et jolie contribution à nos jardins. Elles sont instructives pour nos enfants et, durant la saison sèche, sont une source d’eau pour nos plantes de jardin. C’est le soir maintenant, je vais donc m’asseoir une fois de plus à côté de mon bassin et laisser mes soucis et autres turpitudes de la journée s’évaporer !

Courriel à [[email protected]>[email protected]] ou [[email protected]>[email protected]], tél. 0813 3849 6700 Facebook « Ron Lilley’s Bali Snake Patrol »

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