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Récifs coralliens sous surveillance

Nous ne le savions pas mais n’importe qui d’entre nous peut devenir un expert en évaluation de cet écosystème marin et de ses myriades d’habitants. Pour cela, pas besoin d’être un scientifique et de passer des heures en laboratoire à faire des analyses compliquées, puisque selon Naneng Setiasih, il est possible de faire un constat valable et précis simplement avec les yeux. A condition bien sûr d’avoir suivi la formation dispensée par Reef Check ou un centre de plongée agréé. Cet enseignement dure trois jours avec une partie théorique en salle de classe et une partie pratique in situ. Après quoi, vous serez en mesure partout dans le monde d’évaluer avec compétence l’état d’une barrière de corail.

La méthode est basée sur l’identification et le comptage d’un certain nombre d’espèces de coraux, de poissons et d’invertébrés et s’avère d’une extrême fiabilité. La proportion de certains mollusques sur une surface donnée, en augmentation ou en diminution, donne une indication sur la santé de l’habitat. L’occasion de ne pas plonger idiot et de « créer suffisamment de ressources humaines » à travers le monde comme le rappelle Naneng, afin d’inverser la tendance qui est « à l’accroissement exponentiel de la dégradation de ces milieux ».

Pour cette ancienne experte en biotopes marins de la WWF, auprès de laquelle elle officie encore en tant que consultante, l’aventure de Reef Check a débuté il y a un an avec le démarrage de la branche indonésienne établie à Sanur. Diplômée en biologie marine, en environnement tropical et en économie de l’écologie, Naneng est une femme de tête mais aussi une femme d’action. Sportive accomplie, championne de pencak silat, l’art martial local, elle est bien sûr une plongeuse patentée mais aussi une alpiniste passionnée qui a grimpé de nombreux sommets en Indonésie et au Népal. Egalement attirée par les raids et voyages au long cours, elle a rallié à moto et en solitaire Denpasar à l’île de Timor.

Inutile de dire que le défi que représente la direction de cette nouvelle association pour la préservation du corail dans son pays lui paraît « excitant, mais aussi très exigeant » dans la mesure où tout est à faire. La méthode de surveillance du corail de l’ONG américaine a été introduite à titre expérimental dès 1997 à Karimum (Java) et en 2001, une délégation renforcée de centaines de volontaires recrutés sur place a pu mener à bien un vaste état des lieux dans une quinzaine de provinces indonésiennes. Fin 2004, la décision était prise de créer Reef Check Indonesia.

Aujourd’hui, Naneng et la dizaine de personnes qui constitue son équipe ont défini une stratégie qui passe par l’éducation des plongeurs, mais aussi par celle des communautés locales et des officiels. Ecoliers et étudiants ne sont pas oubliés avec la mise en place de campagnes d’information qui leur sont spécialement destinées. Un livre en anglais pour les enfants est actuellement disponible dans les écoles internationales de Bali, une version en indonésien devrait suivre prochainement. Reef Check vient de présenter à l’hôtel Mercure une exposition-vente de peintures d’enfants balinais représentant le milieu marin. Originellement destinée à lever des fonds pour l’association, cette exposition a finalement servi la cause des victimes du tremblement de terre de Jogjakarta.

Naneng et ses collègues souhaitent rapidement diminuer leur « dépendance à la fondation mère » basée en Californie. Reef Check Indonesia s’est donc lancé dans la fabrication de merchandising et s’est joint à des événements d’importance durant l’année écoulée pour se faire mieux connaître, comme le Carnaval de Kuta et le Jour de la Terre. Des dîners et galas de bienfaisance sont également en prévision, peut-être avec le concours de célébrités locales comme le chanteur Nugie, qui apporte déjà sa caution, et le groupe de rock balinais Superman is dead.

En dehors de l’action menée auprès des touristes et de celle démarrée dans les écoles, Reef Check a également monté un audacieux programme de gestion des eaux tropicales coralliennes auprès des communautés impliquées dans leur exploitation. Dans le nord de Bali, à Gerangan et à Tejakula, pêcheurs et commerçants de ces espèces si prisées à travers le monde par les aquariophiles, suivent une formation qui doit leur permettre d’accomplir une gestion durable des zones exploitées. Un label de certification a été créé afin de sensibiliser les acheteurs. Les importateurs en Europe et aux Etats-Unis jouent le jeu et affichent le logo. Ce label garantit aussi le bon traitement des animaux lors de la capture, du stockage et du transport. Des zones d’exploitation certifiées existent aussi à Pulau Seribu, Padang et Mentawai.

D’autres projets se bousculent dans la tête de la jeune femme de Bandung. Il est vrai qu’il y a urgence avec le réchauffement de la planète et la menace que cela fait peser sur le corail. Naneng se souvient avec bonheur de ses premières sorties sur les récifs du temps de la fac, lorsque tout était encore « d’une beauté extraordinaire ». La coopération attendue du ministère du Tourisme pour la mise en place d’un réel écotourisme des fonds marins est porteuse d’espoir. Il est primordial de « travailler ensemble » avec les officiels et de miser sur un tourisme « intelligent et écologique », affirme-t-elle. En attendant les bonnes volontés gouvernementales, la lutte continue au jour le jour afin de garantir la survie de ce milieu marin extraordinaire dans le plus grand archipel du monde.

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