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Quel respect pour le rat ?

Lorsque je faisais la route à Sumatra, je suis arrivé à la station de recherche sur les primates de Ketambe dans le Parc national de Gunung Leuser. J’ai défait mon sac à dos, retiré mes Pataugas de jungle et commencé à les enfiler. Imaginez ma surprise quand j’ai senti quelque chose de chaud et poilu à l’intérieur de l’une d’elles ! J’ai retiré mon pied rapidement puis j’ai précautionneusement retourné la chaussure à l’envers pour en découvrir le contenu. En est tombé un bien gros et bien mort rat brun. Je fus bien soulagé qu’il soit mort ! Il avait dû s’immiscer dans mon sac la nuit d’avant, s’être réfugié dans la chaussure, puis suffoquer là dans la chaleur de la journée de bus qui avait suivi. J’avais compris la leçon ! Il faut toujours contrôler ses chaussures avant de les enfiler ! Les récits de voyageurs qui ont senti des rats leur passer au dessus de la tête dans leur lit la nuit abondent. Lorsque je voyage dans des contrées isolées, je prends un piège à rats avec moi et je l’installe dans la pièce, et je retrouve souvent une victime au petit matin. Je perche aussi mes provisions à l’abri des rats affamés !

Les rats appartiennent à la famille des rongeurs, qui comprend aussi les souris (le mot tikus est utilisé pour les rats et les souris ici) et les écureuils. A côté du rat brun des égouts (rattus norvegicus) qui vit en ville, l’Indonésie abrite des centaines d’autres espèces de rongeurs, dont certaines de taille importante. Le rat géant de Flores (papagomys armandvillei) peut faire jusqu’à un mètre de long !

En général, les rats sont haïs parce qu’ils amènent des maladies comme la leptospirose et la fièvre par morsure de rat. Ils contaminent et détruisent la nourriture, sèment leur déjection partout et possèdent une odeur forte bien désagréable. Ils mâchent le carton, le plastique et le bois et fond leur trou dans les vieux vêtements ou vieux papiers rangés. Pire, ils rongent aussi les câbles électriques, provoquant quelque fois des incendies. Ils occasionnent également d’énormes pertes économiques aux paysans car ils mangent les cultures et les récoltes.
Les pièges à rats sont de trois sortes : la tapette à ressort, la nasse et la colle. Avec la tapette à ressort, le rat est attiré par un appât et se retrouve le dos brisé sur un créneau dentelé qui le tue en général instantanément. J’accroche souvent le piège à un pied de chaise afin d’éviter que le rat, s’il n’est pas mort sur le coup, ne tente de s’enfuir en tirant le piège avec lui. Ces pièges sont dangereux et ne peuvent être laissés dans la maison sans risque pour les enfants et les animaux de compagnie.

Les nasses consistent en une cage de fer avec une porte d’un côté et un appât à l’autre bout. Quand le rat entre et se saisit de l’appât, la porte se referme derrière lui. Certaines personnes estiment qu’il est plus humain de capturer le rongeur vivant et de le relâcher loin de la maison alors que d’autres préfèrent le noyer en submergeant la nasse. Faites attention ! Un rat piégé devient vicieux et il essaiera de mordre les doigts qui tiennent la cage (je mets toujours des gants épais quand je m’occupe de dératiser !). Tous les pièges ont besoin d’être lavés après usage, sinon les rats suivants n’approcheront pas l’appareil. Le beurre de cacahuètes, la margarine et le poisson salé fonctionnent très bien comme appât en raison de leur odeur forte. Si vous avez la malchance de vous faire mordre par un rat, nettoyez la blessure immédiatement avec du savon et de l’eau tiède, mettez un antiseptique et couvrez d’un pansement très propre. Puis, allez voir un médecin.

Les pièges à colle comme la marque Gajah (éléphant) sont très populaires ici. La colle est versée sur un morceau de carton et un appât est disposé au milieu. Le rongeur curieux et affamé aura tôt ou tard un de ses membres englué dans la colle et le plus il se débattra, le plus il s’enlisera, avant de mourir lentement. Toutefois, ces pièges à colle sont bien salissants et coinceront aussi d’autres animaux, comme des lézards ou même des chatons.
Le poison Warfarin est aussi très répandu. Il donne des pelades aux rats et il n’est pas rare de voir des rats à moitié pelés courir le long des allées sombres le soir. Les populations de rats ont évolué et se sont adaptées pour devenir résistantes au Warfarin, mais pas leurs prédateurs naturels et bien des animaux meurent après avoir capturé et mangé un rat. En plus, un rat empoisonné va aller mourir dans un coin inaccessible et l’odeur de sa chair en décomposition sous un toit ou un parquet peut rendre une maison inhabitable pendant plusieurs jours. Accéder à l’endroit où il est mort peut aussi être très difficile, voire coûteux en réparation.

La chose la plus surprenante, c’est que bien des gens n’aiment pas utiliser des pièges parce qu’ils pensent que c’est cruel. Ils ont de la peine pour le rat ! Quand je dis aux gens que je nourris mes serpents avec des rats, ils disent souvent « Pauvres rats ! » Plusieurs espèces de rats en Indonésie sont considérées comme des mets de choix. Dans le nord de Célèbes, ils sont grillés et servis avec une sauce piquante. Je trouve ces différences d’appréciation très intéressantes !

Les rats sont souvent victimes d’une grande cruauté à leur égard. Comme cette pratique dont j’ai été témoin à Jakarta. Ayant capturé un rat dans une nasse en fer, les enfants ont aspergé la bête d’essence puis y ont mis le feu avant de la libérer et de courir après cette boule de feu en jubilant et en criant jusqu’à temps qu’elle ne meure succombant aux flammes.
A Bali, les rats peuvent être vus dans les autels et les temples, se nourrissant des offrandes placées pour les dieux. En 2011, une cérémonie de crémation de rats (ngaben tikus) s’est déroulée à Mengwi dans le but de détourner les mauvais esprits qui abîment les cultures. Cet événement a lieu tous les dix ans et des centaines de rats sont brûlés avant que leurs cendres ne soient dispersées dans la mer. A d’autres endroits, ils sont vus comme sacrés. Jusqu’où peut aller le respect pour les choses vivantes ?

Le rapide développement de Bali fournit chaque jour des milliers de tonnes de détritus sur lesquels prospèrent les rats, sans oublier les cachettes qu’ils trouvent dans les drainages, les toits de chaumes et les soubassements des maisons où ils vivent et se reproduisent. Les rats attirent les prédateurs, comme les cobras, les tokais et alu qui sont d’excellents attrapeurs de rats. Comme les chats et les chiens.
Je crois que, nous les humains, sommes d’une certaine façon comme les rats et les cafards. Nous pouvons vivre partout, manger de tout, supporter toutes sortes de privations et endurer la faim. Donc, quand toutes les autres espèces animales auront disparu de la planète, il se pourrait bien que le rat devienne notre seul dernier ami. A moins que vous n’ayez un faible pour les cafards !

Pour toutes questions sur la vie naturelle en Indonésie, posez vos questions par courriel à [->[email protected]], ou sur Facebook
à « Ron Lilley’s Bali snake Patrol »

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