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Le Printemps français : un évènement pluridisciplinaire avec 50 rendez-vous dans 10 villes

Marc Piton est conseiller pour la coopération et l’action culturelle à l’ambassade de France à Jakarta. Cette année, c’est sous sa direction qu’a été organisé le 13ème Printemps français en Indonésie, un événement culturel récurrent qui resserre chaque année un peu plus les liens étroits qui unissent la France et l’Indonésie dans les domaines artistiques et qui a lieu cette année du 28 avril au 11 juin. Homme de culture, mais aussi et surtout homme de cinéma grâce à sa carrière dans la production cinématographique, notamment au côté d’Alain Robbe-Grillet, Marc Piton répond à nos questions sur les défis que présente un tel festival…

La Gazette de Bali : En quelques mots, quelle est la philosophie qui prévaut au Printemps français en Indonésie ?

Marc Piton : Le mot clef de la programmation est kolaborasi. Notre philosophie s’articule autour de trois axes : faire coïncider l’offre française et la demande indonésienne, travailler avec les institutions publiques ou privées et développer les échanges dans le domaine des industries créatives. La France est consciente depuis longtemps qu’il n’y a pas de développement économique sans développement culturel. Elle possède une offre culturelle considérable dans tous les domaines artistiques, du patrimoine le plus ancien à la création la plus contemporaine. L’Indonésie est un pays qui possède un patrimoine universel et des traditions culturelles éminentes mais aussi une jeunesse avide de s’ouvrir aux échanges culturels internationaux. La programmation est un savant mélange de choix décidés longtemps à l’avance (les collaborations) et d’opportunités de tournées rendues possible grâce au réseau d’instituts français et d’Alliances françaises particulièrement dense dans notre région avec lesquels les échanges sont nombreux. Par exemple le French May à Hong Kong est un festival qui par la richesse de sa programmation et la concomitance de ses dates avec les nôtres nous permet ce genre d’échange. Enfin, la France dispose en Indonésie d’un réseau de 8 implantations physiques (IFI à Jakarta, Bandung, Yogyakarta et  Surabaya,  Alliances françaises à Denpasar, Medan, Balikpapan, Semarang). Ce réseau est l’outil de prédilection pour l’élaboration de la programmation du festival qui rassemble des artistes indonésiens et français.

LGdB : C’est un projet artistique et culturel. Quels sont les arts, les disciplines représentés ?

M P : Le Printemps français est pluridisciplinaire. Cette année, ce sont 50 événements dans 10 villes différentes qui, du 28 avril au 11 juin, présenteront les disciplines suivantes : marionnettes, musiques classique, musique jazz, musiques actuelles (pop, électronique) photographie, architecture, danse hip hop, littérature, arts visuels. L’organisation de rencontres, de classes de maîtres et d’ateliers est systématique. Ces évènements en marge du festival sont toujours très appréciés des artistes et des auditeurs et permettent de renforcer les liens avec les partenaires. Cette année, deux grandes collaborations artistiques majeures viendront enchanter le public indonésien : le spectacle de marionnette géante « L’oiseau » par la Cie les Rémouleurs avec la collaboration de 9 artistes indonésiens et la rencontre musicale entre musique du pays Sunda (Bandung) et la musique de la Renaissance de l’ensemble Doulce Mémoire que vous pourrez d’ailleurs voir et entendre à Bali.

LGdB : Qui s’occupe de la programmation ?

M P : La programmation est, sous ma responsabilité, faite par l’attaché culturel et son équipe à Jakarta en lien avec les responsables des antennes de l’IFI en province et le réseau des Alliances françaises.

LGdB : En fonction de quels critères ?

M P : Les critères sont ceux énoncés plus haut auxquels s’ajoute bien entendu celui du coût des spectacles.

LGdB : Quelle est l’audience moyenne des spectacles (par exemple en 2015) ? Quel est le profil du public ?

M P : En 2015, la fréquentation a été de 10 032 spectateurs avec un taux de remplissage de 92 % et 9,5 millions de téléspectateurs grâce au partenariat avec la chaine SCTV. Nous essayons chaque années de mieux cerner le profil de notre audience bien que cela demande des enquêtes difficiles à réaliser : par exemple, l’an dernier à Jakarta, 20 % des spectateurs étaient des d’étudiants et la tranche d’âge des téléspectateurs de SCTV allait de 15 à 30 ans.

LGdB : Quelle est l’implication de l’Indonésie dans ce projet ?

M P : Les partenaires indonésiens sont nombreux. Cette année plus d’une soixantaine d’artistes indonésiens participeront au Printemps français que ce soit en association avec des artistes français ou avec leur propre production.

LGdB : Qui finance ? Y a-t-il des sponsors ? Combien ça coûte tous les ans ?

M P : Le financement est majoritairement français avec de notables apports de sponsors d’entreprises ou de fondations indonésiennes comme la Fondation Djarum, Jayanata, l’hôtel Sheraton à Surabaya, l’hôtel Mercure Sabang à Jakarta ou d’entreprises françaises comme Total ou France 24. Le budget 2015 était de 286 083 euros en coûts de production directe auquel il faut ajouter 256 839 euros en apport par les media.

LGdB : Quelle est la plus grosse difficulté d’organisation d’un tel événement ? Combien de temps est nécessaire à son organisation ?

M P : L’anticipation est la clef de la réussite de tout projet : le Printemps français n’échappe pas à cette difficulté. Certains projets demandent deux ans de préparation pour arriver à maturité.

LGdB : Y a-t-il des artistes français qui proposent spontanément leur candidature ? Y a-t-il des têtes d’affiches très connues ?

M P : C’est un flux continu de demandes qui chaque semaine arrive sur nos ordinateurs. Cette année – coïncidence – nous présenterons deux artistes français qui ont développé de très belles carrières aux Etats-Unis : le groupe M83 qui allumera le feu au stade de Jakarta et le pianiste Jean-Louis Haguenauer qui donnera un récital Debussy en tournée.

LGdB : Y a-t-il justement des artistes qui refusent de jouer en Indonésie, en raison par exemple, de la dernière vague d’exécutions capitales de 2015 ?

M P : Le point que vous évoquez n’a été à l’origine d’aucun désistement l’an dernier. C’est aujourd’hui davantage les attentats qui pourraient poser problème. Mais nous n’avons pas de crainte à cet égard, au contraire certains artistes reviendront cette année avec des propositions enrichies. En effet, chaque performance française débute, continue ou finit une collaboration avec des équipes indonésiennes.

LGdB : Veillez-vous à ce que les thèmes et sujets abordés n’heurtent pas la sensibilité indonésienne ? On se souvient des programmations « maladroites » de Sinema Prancis il y a quelques années…

M P : Nous sommes les hôtes de l’Indonésie et nous veillons à être dans un dialogue permanent avec les différentes sensibilités qui s’expriment ici.

LGdB : La petite diaspora indonésienne de France est-elle active d’une façon ou d’une autre dans ce rapprochement entre les deux pays ?

M P : Oui, nous avons des relations avec cette diaspora souvent constituée d’anciens étudiants de l’IFI ou d’anciens collaborateurs qui nous rendent des services bien utiles. Je n’oublie pas non plus la plus célèbre des Indonésiennes de Paris, la chanteuse Anggun, qui vient de participer au film que nous avons réalisé pour faire la promotion des études en France.

LGdB : S’agit-il du plus gros événement culturel entre les deux pays, comparé à Sinema Prancis ou à la Fête de la Musique ?

M P : Avec 9,5 millions de téléspectateurs l’an dernier Le Printemps français est sans doute l’évènement le plus important tout court entre les deux pays.

LGdB : Pour finir, un souvenir d’émotion inégalée ?

M P : Le moment le plus agréable est souvent le dernier moment… Mais je dirais le spectacle de Vincent de Lavenère, celui qu’il a donné l’an dernier pour les enfants des rues vivant à la décharge publique de Bekasi.

DE COUR EN COUR AVEC DOULCE MEMOIRE

L’ensemble Doulce Mémoire s’est spécialisé dans l’interprétation des musiques de la Renaissance. Ce groupe a réalisé l’an dernier une tournée en Indonésie pour faire découvrir la richesse des musiques de cour occidentales et a rencontré à cette occasion des musiciens sundanais. Enthousiasmé par cet échange, Doulce Mémoire revient pour collaborer avec la chanteuse Neneng Dinar et les musiciens Yoyon Darsono et Dede Suparman. Ensemble, ils proposeront un voyage de la cour sundanaise autour du Tembang Sunda à la cour de France. Interview avec Denis Raisin-Dadre, directeur artistique.

cover story 4La Gazette de Bali : Vous semblez avoir pris goût à vous produire en Indonésie ?

Denis Raisin-Dadre : Oui, Doulce Mémoire s’est produit en Indonésie en 2015 lors de la précédente édition du Printemps français à Bandung, Yogyakarta, Jakarta. L’ensemble a proposé un concert avec 5 artistes autour des Musiques à la cour de France (musiques françaises de la Renaissance). Une rencontre entre Doulce Mémoire et des musiciens sundanais a été organisée. Les deux formations ont ainsi pu échanger sur leur répertoire et essayer le répertoire de l’autre. Cela a posé les jalons pour une collaboration future. Nous revenons cette année avec deux lieux supplémentaires, Surabaya et Bali.

LGdB : Comment votre musique a-t-elle été reçue par les Indonésiens ?

D R-D : Le public indonésien a été très sensible à notre répertoire. Nous avons été frappés par la jeunesse de ce public et sa très grande curiosité. Il y a eu de nombreux échanges après les concerts et les jeunes Indonésiens ont pu essayer nos instruments anciens. Un public jeune donc, chaleureux et enthousiaste.

LGdB : Quel est le but de cet échange avec les musiciens sundanais ?

D R-D : L’objet de notre résidence avec les musiciens sundanais est de trouver un lien poétique entre leur répertoire et notre répertoire occidental.

Interview par Socrate Georgiades

Samedi, 7 mai 2016, 19h00 à Bentara Budaya Bali, Jl. Profesor Ida Bagus Mantra n°88A, Gianyar, Bali. Entrée gratuite.

UN DROLE D’OISEAU DANS LE CIEL DU GWK Les Rémouleurs, la compagnie française de référence spécialiste de théâtre d’optique, projections sur façades et marionnettes contemporaines, revient en Indonésie pour une  création exceptionnelle avec des artistes indonésiens autour de la figure de l’oiseau. C’est dans le ciel que l’Oiseau, grande marionnette volante de 8 m d’envergure va s’envoler dans la nuit indonésienne. Porté par ses ballons d’hélium et manipulé par des marionnettistes indonésiens et français, il se fera l’écran de dessins réalisés en résidence par des artistes des deux pays. Les lents et fluides mouvements d’ailes de l’Oiseau seront accompagnés par la musique étrange et envoûtante du groupe Senyawa. Interview avec Olivier Vallet, inventeur et concepteur de machines de théâtre, Compagnie des Rémouleurs. cover story 3

La Gazette de Bali : A quelle occasion vous êtes-vous déjà produit en Indonésie ?

Olivier Vallet : Nous sommes venus en 2014 à l’invitation de l’Institut Français qui s’inscrivait dans la tournée de notre spectacle « Frontières ». Ce spectacle a d’ailleurs été créé à Jakarta (théâtre Salihara), puis a été joué dans les Instituts Français de Yogyakarta et Bandung, avant de partir pour Bangkok puis Hanoï… Cela a été l’occasion d’une découverte réciproque.

LGdB : Y a-t-il eu collaboration avec des artistes indonésiens ?

O.V : Pas à cette époque, mais on peut clairement dire que le désir est né à ce moment. Nous avions rencontré plusieurs artistes indonésiens avec certains desquels nous travaillons aujourd’hui, la compagnie Paper Moon ou le marionnettiste Herry Dim

LGdB : Y a-t-il quelque chose qui vous a inspiré dans votre art en Indonésie ?

O.V : Nous avons été frappés par la richesse de la création contemporaine ici. De plus, nous sommes à la fois marionnettistes et amateurs de machines volantes, on peut donc dire que l’Indonésie, avec ses traditions de théâtre d’ombres, de marionnettes et de cerfs-volants, est un endroit rêvé pour nous.

LGdB : Le public indonésien a-t-il réagi de façon particulière à votre spectacle ?

O.V : Oui, les réactions du public indonésien étaient à la fois chaleureuses et surprenantes pour nous, parce que, peut-être, un peu plus sonores et généreuses que celles du public français, plus « policées ». Mais au fond, il n’y a pas de différence dans la soif des publics, où qu’ils soient, à chercher du sens à travers les paraboles théâtrales !

LGdB : Votre nouveau passage en Indonésie fait-il l’objet d’une collaboration avec des artistes indonésiens ?

O.V : Oui. Nous sommes revenus une semaine en novembre, en mettant à profit une tournée en Asie, pour rencontrer à nouveau des artistes indonésiens intéressés par le projet. Puis le mois dernier, nous avons effectué une résidence de trois semaines sous le pendopo du Yogya National Museum, avec les musiciens du groupe Senyawa, les marionnettistes Rangga, Heri Dim et Adi Dim, et nous avons utilisé les dessins que nous avaient donnés Gepeng Gewantoro (Bandung), l’artiste contemporaine Heri Dono (Yogyakarta) et le collectif alternatif Marjinal (Jakarta). SG

Garuda Wisnu Kencana Natural Park, Jalan Raya Uluwatu, Kabupaten Badung, Bali, Indonesia. Tél:+62 361 700808. Spectacle à 19h00. Billetterie sur place

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