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PRABOWO ET LE MODELE TRUMP

La campagne présidentielle indonésienne a officiellement débuté le 23 septembre et ne s’achèvera véritablement que le 17 avril 2019, jour de l’élection. Pendant les six mois à venir, le Président sortant Joko Widodo et son adversaire Prabowo Subianto vont donc débattre de leurs programmes respectifs. Voila pour la théorie. Dans la pratique, ce début de campagne voit surtout l’ancien général appliquer les préceptes discutables du président américain.

Au risque de provoquer l’indigestion, ce pour quoi nous vous prions de bien vouloir nous excuser par avance, il est difficile de ne pas dresser un parallèle entre Donald Trump et Prabowo Subianto. Il faut dire que le candidat malheureux à l’élection présidentielle indonésienne de 2014 ne nous aide pas. « Make Indonesia Great Again ». Non, ce n’est pas une blague. On imagine la réunion de l’état-major de campagne et le brainstorming qui s’en suit. Et dont voici le résultat.

Dans un discours mi-octobre à l’Institut indonésien du prêche islamique, à Jakarta, Prabowo s’est épanché sur la manière dont le Président Trump a déclaré une guerre commerciale contre la Chine et promis de rendre sa grandeur à l’Amérique avec sa politique de l’Amérique d’abord. « Pourquoi les Indonésiens ont-ils peur de dire ‘l’Indonésie d’abord, rendre à l’Indonésie sa grandeur ?’ Pourquoi n’y-a-t-il pas de leader indonésien qui ose dire que l’important ce sont les emplois pour les Indonésiens ? ».

La montée en puissance de candidats se présentant comme hommes forts, nationalistes et populistes tels Trump et Prabowo est actuellement un phénomène mondial. L’emprunt linguistique de Prabowo a d’ailleurs provoqué les applaudissements de l’assistance et se plaçait en droite ligne d’un positionnement en tant que candidat nationaliste, hors du système qui va se tenir debout pour son pays, contre les élites et pour l’Indonésien moyen. Comme Trump.

Dans un discours de campagne récent à Bali, Prabowo s’est plaint du fait qu’une trop grande partie de la richesse de l’Indonésie appartient aux 1% alors que 99% des citoyens n’ont pas assez. Bien que son argument sur l’inégale distribution des richesses soit correct, cela détonne un peu sortant de la bouche d’un homme faisant lui-même partie de cette élite économique et politique du pays. Comme Trump.

En mars dernier, Marcus Mietzner, spécialiste de l’Indonésie à l’Université nationale australienne, expliquait que Prabowo était effectivement une figure ‘trumpienne’, « impulsif, populiste, erratique et avec des tendances autoritaires ». Le commentaire avait alors provoqué la colère de l’équipe de campagne du candidat.

Et, si tant est qu’on veut bien le croire, Prabowo lui-même insiste qu’il n’a pas emprunté ce slogan à Donald Trump. « Non. Pas de copie, qui vous a dit de demander cela ? » a-t-il froidement répliqué à un journaliste indonésien qui lui posait la question il y a peu.

Au cours d’une rencontre récente avec les médias étrangers, Hashim Djojohadikusumo, le frère du candidat et directeur des médias et de la communication pendant la campagne, expliquait ainsi par exemple que le Président français Emmanuel Macron avait lui-même utilisé la phrase ‘make the planet great again’.
Irawan Ronodipuro, le directeur des affaires étrangères de l’équipe de campagne de Prabowo, est même allé plus loin. L’hymne national, Indonesia Raya, signifie ‘Grande Indonésie’ et le nom du parti de Prabowo, Gerindra, est un diminutif de ‘Mouvement pour une Grande Indonésie’ a-t-il expliqué. « C’est un mouvement pour rendre l’Indonésie grande. Je pense, au contraire, que Donald Trump s’est inspiré de nous ». Voilà. Pourquoi ne pas nier l’évidence. Comme Trump.

Au-delà du slogan de campagne, qui demeure provisoire du côté de Prabowo, un autre concept majeur de la présidence Trump réside dans les ‘fake news’. Il semblerait là aussi que l’équipe de campagne de l’ancien général se soit inspirée du président américain.

Début octobre, l’activiste politique Ratna Sarumpaet, membre de l’équipe de campagne de Prabowo et critique ardente du gouvernement de Jokowi, qu’elle a souvent accusé de fabriquer et répandre de fausses informations, exhibe sur les réseaux sociaux son visage tuméfié. Elle explique avoir été agressée à Bandung par plusieurs hommes. Une agression forcément politique. La pauvre femme de 69 ans a été attaquée à cause de ses critiques sur le président. L’ensemble de l’état-major de campagne de Prabowo s’épanche alors en commentaires d’indignation. Prabowo en personne organise même une conférence de presse au cours de laquelle il parle ainsi d’atteinte aux droits de l’homme. Et dieu sait s’il en connait un rayon en matière d’atteinte aux droits de l’homme. Mais très vite, l’enquête policière sur cette agression découvre que le visage déformé de Ratna est le résultat d’une opération de chirurgie esthétique, images de vidéo-surveillance à l’appui. Malgré ses plates excuses, elle est désormais mise en examen. L’équipe de Prabowo aurait donc le mensonge pour stratégie. Comme Trump.

Bien que ce ne soit pas récent, le candidat Prabowo voit aussi l’immigration comme un fléau. C’était déjà le cas pendant la campagne de 2014, pendant laquelle des rumeurs d’une immigration massive chinoise et illégale furent propagées. Les mêmes rumeurs ont déjà fait leur réapparition depuis le début de la campagne actuelle. ‘Fake news’, immigration, Chine. Comme Trump.

On se souvient aussi de Prabowo refusant plus tôt cette année de répondre à une jeune journaliste du ‘Jakarta Post’ au cours d’une conférence de presse. La raison invoquée : Prabowo n’apprécie pas la manière dont le journal indonésien indépendant de référence traite de sa personne. La presse indépendante prise pour cible. Comme Trump.

La campagne pour l’élection présidentielle n’a qu’un mois. Le candidat de l’opposition et son équipe avaient promis que les débats porteraient sur le bilan économique du Président Jokowi. On entend les critiques, mais tout le monde attend les propositions.

Jusqu’à maintenant, Prabowo et son début de campagne poussif peinent à décoller dans cette course. Le président sortant creuse l’écart et recueillerait plus de 60% de satisfaction et des intentions de vote.
Il reste six mois de campagne. Une éternité en politique. Jokowi et son équipe ne sont pas à l’abri d’une erreur. Prabowo a encore le temps de peaufiner son message et de développer un programme. Ou de rassembler suffisamment sur son discours populiste et nationaliste. Pour enfin être président. Comme Trump ?

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