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Philippe Zeller : « Il est temps que la France porte un regard d’ambition sur l’Indonésie »

Jakarta Focus : Monsieur l’Ambassadeur, vous êtes arrivé en Indonésie il y
a un peu plus d’un an. A titre personnel, comment vous êtes-vous adapté à
votre nouveau pays d’accueil ?

Philippe Zeller : Je crois que le premier choc consiste à accepter cette ville et à se
forger une carapace. Après plusieurs mois seulement, j’ai réussi à complètement
m’adapter, puis à prendre mes marques et enfin mes habitudes. Depuis, je découvre
tous les aspects intéressants de Jakarta. Mais, d’une manière générale les diplomates
sont des privilégiés. Nous avons moins de problèmes dans les
transports, l’accueil est facile et généreux où que l’on aille. J’ai
un accès privilégié aux ministres. Je me souviens d’ailleurs avec
émotion de ma rencontre avec Ali Alatas. En résumé, on se glisse
péniblement physiquement dans cette ville mais la gentillesse et
la courtoisie des gens est incroyable.

J F : Comment qualifieriez-vous les rapports actuels entre la
France et l’Indonésie ?

P Z : Il n’y a aucune difficulté bilatérale, aucun contentieux.
Cela est facilité par les bonnes relations qu’entretiennent
nos deux présidents, relations entretenues par les sommets
internationaux et notamment le G20. A l’échelle européenne, il
y a eu le problème de l’interdiction des compagnies aériennes
indonésiennes en Europe. Mais en tant que coordinateur des
ambassadeurs européens, quand la France était présidente de
l’Union européenne, et avec Julian Wilson (représentant de la
Commission européenne), nous avons pris des initiatives, dont
des téléconférences entre l’Europe et l’Indonésie. Le contact a
ainsi été repris, l’Indonésie a changé sa loi sur l’aviation civile et les choses se sont
ainsi améliorées. Désormais, il est temps que la France porte un regard d’ambition
sur l’Indonésie au vu de son évolution politique, économique, diplomatique ou
environnementale.

J F : Avec environ deux milliards d’euros, les échanges commerciaux entre les
deux pays sont modestes. L’Indonésie peut-elle devenir un partenaire économique
plus important de la France ?

P Z : C’est notre ambition. Pour cela, les acteurs français doivent continuer eux-mêmes à
avoir de l’ambition. Nous devons aussi faire venir de nouveaux opérateurs avec l’aide du
MEDEF international ou d’accords entre la Chambre de commerce franco-indonésienne
et la Kadin. Un accord récent entre Orange et Telkom va dans ce sens. Areva construit
également ici, de même qu’Airbus. Enfin, nous devons aider les Indonésiens à exporter
en France, leur artisanat mais aussi leurs produits industriels.


J F : Au début de l’année, vous avez été nommé représentant de la France auprès
du secrétariat de l’ASEAN. Que cela signifie-t-il ?

P Z : C’est un effet diplomatique. Grâce à sa nouvelle charte, l’ASEAN est désormais
officiellement reconnue. C’est aussi une marque de sympathie envers la démarche de
paix et de prospérité, qui se rapproche de la construction européenne à ses débuts.
Nous souhaitons reconnaître cette démarche et transférer notre savoir-faire quant à
la construction d’une union.

J F : A ce titre, estimez-vous que l’ASEAN a le bon
comportement vis-à-vis de la situation politique au
Myanmar ?

P Z : Il y a un comportement courageux. Certains Etats comme
l’Indonésie ou la Malaisie se désolidarisent, condamnent et ne
protègent pas la situation sur place. L’Indonésie n’est pas du
tout un porte-parole du Myanmar sur la scène internationale.
En revanche certains pays comme le Vietnam ou le Cambodge
ne poussent malheureusement pas autant en faveur des Droits
de l’Homme.

J F : Il y a quelques semaines, le pays a de nouveau été
frappé par le terrorisme. Comment la France peut-elle aider
l’Indonésie à combattre ce fléau ?

P Z : Après les premiers attentats de Bali en 2002 déjà, des
contacts ont été pris à l’initiative des Indonésiens et sur un plan
purement juridique. La France avait adapté ses lois anti-terroristes
après les attentats de 1995. L’Indonésie s’intéresse à cela et s’en
inspire. Mais cela doit être poussé davantage afin que la législation
indonésienne soit adaptée à ces nouveaux enjeux.

J F : Bien que plus grand archipel et plus grand pays musulman du monde,
quatrième pays le plus peuplé de la planète et membre du G20, l’Indonésie
reste très méconnue des Français. Comment l’expliquer ?

P Z : Je crois qu’entre 1996 et 2005 beaucoup d’événements négatifs ont attiré
l’attention. Néanmoins 100 000 Français viennent tout de même chaque année
en Indonésie, même si c’est essentiellement vers Bali. Peut-être y a-t-il aussi une
méconnaissance des civilisations asiatiques. L’Indonésie connaît également des
difficultés pour se vendre à l’étranger. Je pense qu’une visite officielle de SBY en France
contribuerait pour beaucoup à changer la donne. Il est d’ailleurs officiellement invité.
Peut-être une grande exposition en France aurait un effet positif.

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