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Philippe Augier : il faut investir en Indonésie mais en suivant un minimum de règles

Bien connu de nos lecteurs pour son action culturelle en faveur de l’art indonésien à travers le Museum Pasifika, Philippe Augier vient d’être élu à la tête de la chambre de commerce franco-indonésienne (IFCCI). A peine quelques jours après son investiture, nous l’avons rencontré pour essayer de cerner le contour du chantier que cet entrepreneur met en œuvre pour le bien collectif et le renforcement des liens économiques entre la France et l’Indonésie.

La Gazette de Bali : Vous venez d’être élu à la tête de la chambre de commerce franco-indonésienne, pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Philippe Augier : Je réside depuis 30 ans en Indonésie. Depuis quelques années, j’ai des attaches particulières avec Bali parce que j’y ai fondé l’hôtel Natura à Ubud puis le musée Pasifika de Nusa Dua, je suis d’ailleurs le vice-président des musées de Bali, le seul étranger à faire partie de ce comité restreint. Auparavant, j’ai été le fondateur d’une société de services pour les industries pétrolière et minière, leader sur son marché pendant 10 ans, opérant sur une cinquantaine de sites avec 3500 employés. Depuis 12 ans, je suis conseiller du commerce extérieur, ça consiste à faire remonter des informations à caractère économique et politique à l’ambassadeur, aux services économiques et à les partager avec les autres membres. J’ai accepté de devenir président de la chambre de commerce franco-indonésienne pour exercer une activité directe afin d’aider au bon fonctionnement des entreprises françaises installées en Indonésie et à l’implantation de nouvelles activités.

LGdB : A quoi sert une chambre de commerce et quels sont vos liens avec le réseau français ?

P A : Je suis marseillais d’origine et assez fier de vous dire que la première chambre de commerce a été fondée dans la cité phocéenne en 1599. Celle de Jakarta l’a été en 1979, elle appartient à un réseau de 111 chambres françaises dans le monde (à partir de janvier 2015, le réseau s’appelle CCI-France-Internationale). La chambre a pour mission de développer les relations économiques entre les communautés française et indonésienne, en Indonésie et en France, la mission est vaste. Outre la réalisation d’études de marché, la recherche de partenaires, elle pourvoit de l’assistance juridique, des formalités légales, des négociations avec le BKPM… Elle a aussi un rôle de marketing et communication grâce à l’organisation de salons et d’événements, de campagne de presse et de relations avec le gouvernement. Quelques-unes de ces actions peuvent être entreprises en amont ou aval par d’autres prestataires mais nous avons l’avantage d’un suivi potentiel à travers des contrats d’assistance de 3 ans le cas échéant.

LGdB : Chambre de commerce, conseillers du commerce extérieur, mission économique des ambassades, Ubifrance, Agence Française de Développement, Agence Française pour les Investissements Internationaux, la multiplication des structures ne nuit-elle pas paradoxalement au développement du commerce français à l’étranger ?

P A : Chaque institution a en principe un rôle bien défini et complémentaire mais je comprends bien que leur multiplication peut en désorienter plus d’un. Il y a des structures d’état mais celles dont je fais partie sont privées et exigent le plus parfait bénévolat. En qualité de conseiller du commerce extérieur, je payais une cotisation annuelle pour assurer le fonctionnement de la section. A présent bien sûr, mon poste de président exige beaucoup d’investissement personnel mais c’est totalement bénévole, tout comme d’ailleurs les directeurs élus, comme moi du bureau, qui me secondent dans ma tâche.

LGdB : Une filiale de la chambre de commerce franco-indonésienne a été créée à Bali en 2010, quel est son bilan au bout de 5 ans ?

P A : Je vais être franc avec vous, le résultat est positif puisque le pari de maintenir une structure permanente à Bali a été gagné. Bien que je n’aie pas encore rencontré tous les adhérents de Bali, j’ai noté des témoignages encourageants et positifs. Il nous faut convaincre beaucoup d’entrepreneurs de nous rejoindre pour être bien représentatif de l’activité économique de Bali. Nous sommes la seule chambre économique à être présente sur le sol balinais, c’est positif. Ce qui l’est aussi, c’est d’avoir convaincu des entrepreneurs indonésiens qui travaillent avec la France de devenir adhérents.

LGdB : Des adhérents de Bali se plaignent de n’avoir jamais de contacts ou d’infos en provenance de l’IFCCI, est-ce que son fonctionnement va changer ?

P A : Nous publions une newsletter hebdomadaire sur différents sujets économiques en anglais. Des réunions mensuelles sont organisées à Jakarta, mais c’est vrai, pas encore à Bali. Je réfléchis à tout un tas d’actions que j’aimerais voir mener à Bali, il est sûr que des réunions thématiques comme celle organisée dernièrement dans mon musée avec la Gazette de Bali sur le tourisme francophone seront reprises dès cette année par la chambre. Pour parodier le slogan du président de la république, le changement, c’est déjà maintenant car nous nous parlons, nous aurons une présence régulière dans votre journal et il y aura une réunion publique en février, ouverte à tous, pour établir tout cela et faire remonter les besoins spécifiques de la communauté d’entrepreneurs de Bali.

LGdB : Des investisseurs potentiels se plaignent aussi du discours ultra-alarmiste qui leur est délivré à l’IFCCI : 2 ans minimum pour monter une société, un million de dollars pour créer le capital d’une PT-PMA, que pouvez-vous répondre à ceux qui ont envie d’investir en Indonésie ?

P A : Non, non, non ! Pour répondre précisément à votre question, sachez qu’il faut trois mois pour incorporer une PT PMA et une somme de 100 000 USD qui ne sera pas bloquée sur un compte et qu’on peut déposer en plusieurs fois. Si les investisseurs lisent le forum de la Gazette de Bali depuis le mois de septembre, ils savent qu’il faut être prudent dans ses investissements à Bali et c’est vraiment notre mission de les protéger. Les règles du BKPM concernant la création d’une PT PMA sont strictes, la procédure est lourde mais elle garantit l’investissement. Il y a des solutions alternatives mais elles sont risquées. En conclusion, bien sûr qu’il faut investir en Indonésie mais en suivant un minimum de règles.

LGdB : Quelle place occupent les entrepreneurs français de Bali dans le vivier des entreprises françaises d’Indonésie ?

P A : En nombre, environ un tiers des sociétés, nul n’a encore réussi à en faire le décompte précis mais en volume d’affaires, bien moins. J’ai toujours suivi en ma qualité de conseiller du commerce extérieur les entrepreneurs de Bali et même contribué à les faire connaître au niveau national, en les invitant par exemple à un déjeuner offert par madame l’Ambassadeur en décembre 2013 ou bien en les conviant à un petit-déjeuner suivi d’une conférence avec la prestigieuse délégation de l’Institut des Hautes Etudes de la Défense Nationale en mai dernier. Il y a une dynamique propre des Français de Bali qui est très attachante par la détermination à réussir, j’ai en tête de beaux parcours d’orfèvre, de pisciculteur, de glacier, de grandes tables, de fabricant de lampes, d’exportateur d’épices, de logisticien ou même de chocolatier.

LGdB : Votre action ne va-t-elle concerner que les entreprises du CAC 40 ?

P A : Je suis avant tout un entrepreneur proche des entrepreneurs de toutes tailles. Mais je mesure l’importance des « patrons » (ndlr : sponsors) de la chambre de commerce et je tiens ici à les remercier de leur contribution responsable (Air France, Total, Michelin, Schneider, Eramet, SDV et International SOS). Ceci dit, les entrepreneurs d’importance peuvent aussi jouer le rôle de « patrons », la réussite impose des obligations.

LGdB : Vous êtes le troisième président de l’IFCCI depuis sa création, pourquoi les présidents restent-ils si longtemps en poste ?

P A : Je pense être le septième depuis la fondation de l’IFCCI en 1985 mais c’est vrai que les deux derniers sont restés longtemps en poste. Ca s’explique facilement par le profil souhaité (impatrié, disponible et indépendant) et par la difficulté à trouver des volontaires qui souhaitent s’investir. Par ailleurs, comme pour la Gazette de Bali ou le musée Pasifika, il faut du temps et de la patience pour développer un projet dont l’objectif n’est pas uniquement financier. Mais rassurez-vous, mon mandat sera court !

[www.ifcci.com->www.ifcci.com]

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