Accueil Cuisine

Opeum Bistro, une histoire pimentée

OPEUM Bistro : la cuisine addictive & tradi-trendy de la chef Gonzago

Sharon Gonzago a longtemps eu le statut de “femme d’expatriée” et de parfaite mère au foyer. Au gré des mutations de son époux, elle prend goût à découvrir les spécialités culinaires des villes où ils vivent : Hong Kong, Jakarta, Shanghaï, Singapour. Sans le savoir, cela la conduira à une toute nouvelle vie de chef à Bali, à l’aube de la cinquantaine. Sa passion pour la cuisine de terroir (particulièrement asiatique) l’a amené à concevoir l’exaltante carte du Opeum Bistro. Un menu qui revisite les grands classiques avec un twist de modernité, mais sans négliger la maîtrise des techniques culinaires asiatiques. Retour sur un parcours & découverte d’une carte… tous deux atypiques.

Quand ces deux (grands) enfants ont quitté le nid familial, Sharon se trouve quelque peu désemparée puisque sa mission de mère au foyer prend fin. « Mon cadet m’a rappelé que je passais beaucoup de temps en cuisine, et que j’avais eu l’occasion de m’imprégner de nombreuses traditions culinaires lors des nos nombreuses expatriations. Et puis, je suis très sociable et j’aime amuser la galerie ». Voilà comment « maman Sharon » devient Chef Sharon et se retrouve finaliste de l’émission MasterChef Singapour où son curry ananas et noix de coco subjugue le jury. « C’est la
révélation : je me rends compte que c’est ce que je veux faire
au quotidien ! Parce que nourrir les autres, c’est comme distribuer de l’amour. » Fin 2018, elle attire l’attention des propriétaires du Opeum bistro (appartenant au groupe Lloyd’s Inn Hotel) qui lui proposent de devenir la nouvelle chef de ce restaurant moderne de Double Six Beach. Et comme elle le dit en franglais : « Et voilà ! I’m here in Bali ! »

La Chef Gonzago est malaisienne d’origine chinoise. Bientôt quinqua, son énergie débordante et sa volubilité lui donnent des airs de trentenaire hyperactive, toujours prête à éclater de rire. Mais rien ne la prédestinait à ce parcours sous les projecteurs ni même au port de la toque.
« J’ai grandi dans un kampung, une vie de village où bien sûr les femmes apprennent à cuisiner. Mais c’était plus de l’ordre de la corvée : éplucher des légumes ou faire frire des aliments quand vous êtes assez haute pour voir le contenu du wok. Ce n’était pas du tout une vocation. Pour tout vous dire, j’ai été hôtesse de l’air pour la compagnie aérienne nationale malaisienne pendant trois ans, ce qui m’a permis de voyager et de commencer à éveiller mes papilles. Puis, j’ai passé un diplôme d’éducatrice petite enfance mais je n’ai pas enseigné plus de 6 mois. »

Dans les années 90, les femmes asiatiques se mettent elles aussi à avoir un emploi et n’ont plus autant de temps à consacrer à la cuisine. Sharon se rend alors compte qu’il y a de moins en moins de plat du terroir autour d’elle. Avec la mode des cuisines française et américaine qui débarquait progressivement en Asie, « je me suis dit que de nombreux savoir-faire culinaires se perdaient et j’ai décidé de retourner auprès de ma grand-mère afin d’apprendre ses méthodes et techniques. Et durant cet apprentissage, je me suis pris pas mal de tapes sur les doigts… car pour elle, la cuisine c’est une affaire sérieuse, surtout quand on est pauvre, on ne peut pas se permettre de gâcher le moindre ingrédient. »

Une cuisine dans laquelle la chef est pleinement
engagée : « du mordant et un brin d’impertinence, voilà ce que j’aime apporter à tous ces plats du terroir ! Je veux que l’on soit fier de ses plats, il faut les mettre en avant et les faire connaître au monde. »
Pour une table comme l’Opeum, à la clientèle largement internationale, Sharon a joué la carte de la tradition modernisée.

En changeant la présentation des plats -comme par exemple avec « les nouilles volantes » (des soba qui planent littéralement au-dessus de l’assiette)- ou même la vaisselle (avec des plats présentés dans des poêles en fontes ou des assiettes céramiques très épurées et minérales), et surtout en mélangeant certaines techniques culinaires traditionnelles et contemporaines, le Chef Gonzago veut démontrer que l’on peut continuellement revisiter la cuisine de terroir. Les portions sont donc aussi généreuses que celles d’une cuisine familiale mais plus habilement mises en valeur. On se délecte aussi avec les yeux.

Nous avons eu la chance de pouvoir passer en cuisine pour assister à la préparation d’un des plats emblématiques de la carte : les Gambas grillées Sambal Bajak (croustillant) préparées donc avec des herbes asiatiques, une harissa verte, du beurre de cajou, le tout accompagné de pain au levain toasté. “Pour ce plat, la revisite jazzy funky c’est la harissa verte… adoucie par un beurre de cajou et un brin de crème ou de yaourt. C’est le moyen que j’ai trouvé de rendre accessible le sambal à des palais plus “occidentaux”. Je me refuse de diminuer davantage le degré de piment de ce plat parce que c’est là l’essence même de la cuisine traditionnelle indonésienne.”

Le Nasi Goreng Embe est divin et diablement corsé, rien à voir avec un simple riz blanc sauté agrémenté d’une sauce pimentée. Le secret réside d’abord dans une double sauce alliant le sambal embe et le sambal goreng. Mais c’est aussi la technique de cuisson qui diffère. Un grand wok à haute température, comme dans la cuisine chinoise, permet de saisir et frire le riz. Et tout le travail consiste à maîtriser la “respiration” des flammes. De là, le subtil goût de fumé qui donne encore un peu plus de caractère au riz.

Un voyage culinaire soufflé donc par les différentes escales que la chef Gonzago a pu faire, inspiré également par les différentes communautés multiculturelles d’expatriés dans lesquels elle a vécu (thaï, malais, Perenakan, indonésienne, marocaine,…). « Mais je le répète, je reste une mère avant tout. Quand je cuisine à l’Opeum, c’est comme si je cuisinais pour ma famille et que je vous accueille chez moi. Je ne sais cuisiner que de cette façon. Ce qui compte, c’est de bien manger, peu importe pour le client de connaître toutes les ficelles et techniques investies dans les plats…Ils doivent juste être bons. »

Beef Rendang, Ayam Bakar balinais, burger de crabe frais, nouilles Soba volantes, boulettes de viande au four (avec une astucieuse technique de cuisson chinoise incluant une gelée de bouillon de poule), ou encore du poulet Teriyaki …
De 50 000 à 100 000 rp le plat.

Meryam El Yousfi

Lloyd’s Inn Bali, Jl. Arjuna Seminyak, Badung, Bali
12h/23h tous les jours.

L’anecdote piquante

Dans le nasi, dans le mie, en bouillon ou dans la soupe, le piment est roi en Indonésie. Et il vaut de l’or. À tel point que certains s’organisent pour contrôler son prix. Retournons deux ans en arrière, quand le piment s’est révélé être un marqueur-clé de l’inflation de l’alimentation.
Cette année-là, quatre personnes ont été arrêtées, car elles contrôlaient la chaîne de distribution alimentaire. Plus précisément cette « mafia du piment » achetait les précieux fruits, mais au lieu de revendre le piment sur des marchés domestiques, elle s’adressait directement aux grandes entreprises. Résultat : en février, le prix du condiment avait triplé…
Il faut bien comprendre qu’il est une affaire sérieuse dans l’archipel indonésien. Quand son prix monte, c’est tout le reste des produits alimentaires qui devient hors de prix. Cette inflation a ensuite un effet global sur les finances nationales. C’est alors que le gouvernement, la police et Bank Indonesia se sont donc associés pour traquer et mettre en prison le gang des piments. Depuis, le gouvernement a mis en place une campagne pour inciter les gens à faire pousser leur propre plantation. Ses représentants se baladent donc dans les campagnes et distribuent des graines tout en donnant des conseils de culture, afin d’éviter que le sambal ne porte trop bien son nom…
Basil Burté

LAISSER UNE RÉPONSE

Please enter your comment!
Please enter your name here