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Nyoman Adnayana, un vieux monsieur dans le vent

A 75 ans, ce sportif accompli a gardé dans son regard l’émerveillement de l’enfant devant ces drôles de machines volantes que sont les cerfs-volants. Nyoman Adnyana ne semble pas sentir le poids des ans tant sa passion est restée intacte. Le physique est là aussi, malgré son âge respectable, ce Balinais des faubourgs de Denpasar donne encore des cours de tennis aux écoliers ! Mais c’est le cerf-volant qui est toute sa vie, son œuvre, sa mission. C’est lui qui a lancé le désormais fameux festival de Sanur qui se tient sur le vaste terrain de Padang Galak et qui reçoit des centaines de compétiteurs du monde entier. Mais, en ce mois de septembre, Nyoman Adnyana est en France, à Dieppe, pour fêter dans cette ville côtière du nord les 30 ans du plus important festival de cerf-volant au monde, un événement qui accueille plus d’un demi-million de visiteurs.

« Il est important de préserver la culture du cerf-volant qui est une part intégrante de la culture balinaise », affirme-t-il de façon docte dans sa maison de Sempidi. Comme tout Balinais, Pak Nyoman est très concerné par la pérennité de ses traditions. La pratique du cerf- volant à Bali est aujourd’hui un loisir aux contours culturels mais il fut par le passé un rite. « A l’origine, nous faisions voler les cerfs-volants après les moissons », explique le vieil homme. Il y a ici un dieu des cerfs-volants, Rare Angon, qui n’est pas moins qu’une réincarnation de Shiva lui- même. Les cerfs-volants balinais appartiennent à trois catégories, les bebean en forme de poisson, originaires de Denpasar, les janggan en forme de dragon, originaires de Sanur, et les pecukan, en forme de feuille symétrique. Quant aux couleurs utilisées, elles répondent aussi à des codes bien précis. Rouge pour symboliser la naissance, blanc pour la vie et noir pour la mort. Du jaune est utilisé quelquefois, « plus de façon ornementale », précise Nyoman Adnyana, afin de marquer la présence de Dewata Nawasanga, les huit dieux des huit directions.

Aujourd’hui, les jeunes des villages se passionnent toujours pour les layang-layang. « Ce mot veut dire lettre en javanais ancien. C’est une lettre que nous envoyions aux dieux pour leur dire que la récolte était passée », ajoute l’ancien fonctionnaire. Si cette signification religieuse s’est perdue, le renforcement de cette pratique comme fer de lance culturel s’est amplifié, notamment au sein des banjar où les jeunes rivalisent de virtuosité en créant des objets volants spectaculaires, de cinq mètres de long au minimum, et qui nécessitent jusqu’à 50 personnes au décollage. Les formes aussi ont évolué. Il n’est pas rare de voir des engins aux formes de becak, de Vespa ou d’autres objets farfelus. Ils sont généralement équipés de deux gewangan, une sorte d’arc dont la corde tendue vibre avec le vent, émettant un son qui symbolise l’harmonie entre les deux sexes. Lors des compétitions locales, un gamelan accompagne la montée de l’engin et la qualité de la fabrication compte autant que la grâce du vol auprès des juges.

A Dieppe, Nyoman Adnyana n’est pas un inconnu. Il est allé en France plus de dix fois et a remporté de nombreux trophées. Lui et son équipe sont déjà trois fois vainqueurs de la coupe de cerf-volant de combat dans ce festival majeur de la scène internationale. Dieppe peut en effet être considérée comme la capitale mondiale de la discipline et en ce mois de septembre des cerfs-volistes du monde entier s’y retrouvent. « Le cerf-volant nous permet de renforcer l’ amitié entre les peuples », affirme Nyoman Adnyana avec candeur. Une mission qu’il a poursuivie toute sa vie sur presque tous les continents. « Il n’y a que l’Afrique où je ne suis pas encore allé », poursuit celui qui a bourlingué dans le monde grâce aux cerfs-volants balinais. Dans sa maison de la banlieue de Denpasar, on peut voir son impressionnante collection de coupes glanées depuis une trentaine d’années mais aussi sa bibliothèque, qui compte curieusement beaucoup de livres de littérature française. D’ailleurs, sur la table du salon traîne « Le contrat social » de Jean-Jacques Rousseau. Quand on lui demande pourquoi cet intérêt pour la culture de l’Hexagone, Nyoman Adnyana répond : « Lorsque je suis en France, on me demande toujours d’aller dans les écoles faire une démonstration de cerf-volant balinais. Il n’y a que là-bas qu’on me demande cela alors ça m’a rendu curieux de la culture française. »

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